Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 novembre 2016 et deux mémoires enregistrés le 3 août 2017 et le 9 avril 2018, MmeD... C..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 octobre 2016 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 28 mai 2015.
Elle soutient que :
- le centre hospitalier n'établit pas que le non renouvellement de son contrat serait justifié par des motifs objectifs étrangers à toute discrimination tenant à son état de santé ;
- l'intérêt financier présenté par ce non renouvellement ne suffit pas à caractériser un motif d'intérêt général ;
- le défenseur des droits a estimé qu'elle avait été victime d'une discrimination en lien avec son état de santé ;
- elle a été évincée du service afin d'éviter la conclusion d'un contrat à durée indéterminée accompagnée d'une prise de poste dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique ;
- aucune somme ne saurait être mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dès lors qu'elle bénéficie de l'aide juridictionnelle totale.
Par deux mémoires en défense enregistrés le 14 mars 2017 et le 9 mai 2018, le centre hospitalier départemental de Bischwiller, représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le centre hospitalier fait valoir que :
- le contrat de travail de la requérante n'a pas été renouvelé au motif qu'il n'était plus nécessaire de remplacer des fonctionnaires titulaires au sein du service ;
- il justifie de ce que la situation de ses effectifs ne lui permettait pas de renouveler ce contrat de travail ;
- aucune volonté de discrimination ne peut lui être reprochée dès lors que ce contrat de travail a été renouvelé le 1er juillet 2014 et le 1er janvier 2015 alors que la requérante était en congé de maladie et que le non renouvellement de ce contrat à compter du 1er juillet 2015 est justifié par les nécessités du service ;
- il n'est pas établi que le non renouvellement du contrat aurait eu pour objet d'éviter la conclusion d'un contrat à durée indéterminée.
Le défenseur des droits a présenté ses observations à la cour par un courrier enregistré le 6 septembre 2017.
Mme C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 février 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de Me B...pour le centre hospitalier de Bischwiller.
1. Considérant que Mme C...a été recrutée en qualité d'agent contractuel de droit public par le centre hospitalier départemental de Bischwiller à compter du 16 juillet 2009 afin d'exercer les fonctions d'aide-soignante au sein d'un des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes relevant du centre hospitalier puis, à compter du 1er avril 2013, au sein de l'unité des soins de longue durée de cet établissement de santé ; que le contrat à durée déterminée de la requérante a été renouvelé, en dernier lieu, pour une durée de six mois du 1er janvier au 30 juin 2015 ; que, par une décision du 28 mai 2015, le centre hospitalier départemental de Bischwiller a refusé de procéder au renouvellement de ce contrat ; que Mme C...fait appel du jugement du 6 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " (...) Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison (...) de leur état de santé (...) Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public " ;
3. Considérant que, de manière générale, il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction ; que cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes ; que, s'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
4. Considérant que Mme C...soutient qu'étant en congé de grave maladie depuis le 5 juillet 2014, elle a informé le centre hospitalier départemental de Bischwiller, par un courrier daté du 25 mai 2015 et réceptionné par l'établissement de santé le 28 mai 2015, que son médecin traitant l'avait déclarée apte à reprendre ses fonctions le 5 juillet suivant dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique ; qu'elle a été destinataire de la décision du 28 mai 2015 refusant de renouveler son contrat à durée déterminée, dont le terme était prévu le 30 juin 2015 et alors qu'elle pouvait, selon elle, prétendre à la conclusion d'un contrat à durée indéterminée à compter du 16 juillet 2015 ; que le Défenseur des droits, qui a présenté ses observations devant le tribunal administratif et devant la cour, a estimé, au vu des éléments précités, que Mme C...avait été victime d'une discrimination à raison de son état de santé ;
5. Considérant que le centre hospitalier fait valoir que la requérante a bénéficié du renouvellement de son contrat à compter du 1er janvier 2015 alors qu'elle était en congé de maladie depuis le 30 septembre 2014 ; que s'il est vrai que le comité médical ne s'est prononcé que le 27 mars 2015 sur sa situation médicale, après le dernier renouvellement de son contrat, le centre hospitalier établit avoir saisi cette instance le 7 octobre 2014, avant ce renouvellement, en vue de l'attribution d'un congé de grave maladie ; qu'ainsi, il résulte de l'instruction que Mme C...a bénéficié du renouvellement de son contrat pour une durée de six mois à compter du 1er janvier 2015 alors que l'intéressée se trouvait en congé de maladie depuis déjà trois mois et que l'administration ne pouvait ignorer, à la date du renouvellement, qu'elle était susceptible d'être placée en congé de grave maladie jusqu'au terme dudit contrat, eu égard à la durée maximale de trois ans prévue pour ce congé ;
6. Considérant que, pour justifier la décision de ne pas renouveler le contrat de Mme C...au-delà du 30 juin 2015, le centre hospitalier fait état du contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens établi par l'agence régionale de santé pour la période 2012 à 2016 qui a fixé le plafond des emplois d'aides-soignants, à la date du 1er janvier 2015, à 32 équivalents temps plein (ETP) au sein de l'unité de soins de longue durée et à 249 ETP au sein de l'établissement, alors que les effectifs d'aides-soignants représentaient respectivement, le 30 avril 2015 et le 31 décembre 2015, 34,30 et 32,50 ETP au sein de l'unité de soins, et 260,2 et 256,8 ETP dans l'ensemble de l'établissement ; qu'à cet égard, le centre hospitalier indique avoir refusé le renouvellement du contrat de trois autres aides-soignants les 7, 16 et 17 août 2015 afin de répondre à ses objectifs de réduction des effectifs ; que si Mme C...conteste la réalité de ces refus au motif que les effectifs ont baissé de 1,8 ETP seulement en 2015 alors que les contrats non renouvelés correspondent, selon l'administration, à 3,4 ETP, il résulte de l'instruction que le centre hospitalier a dû, au cours de la même année, réintégrer dans ses effectifs des aides-soignants titulaires précédemment détachés ou mettre fin à leur temps partiel ; que la circonstance qu'une aide-soignante stagiaire aurait été titularisée au cours de l'année 2015 ne suffit pas à contredire les éléments apportés par le centre hospitalier justifiant de ses efforts pour maîtriser ses effectifs ;
7. Considérant que s'il résulte des dispositions de l'article 9 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière que tout contrat renouvelé en application de cet article avec un agent contractuel justifiant d'une durée de services publics effectifs de six ans est conclu pour une durée indéterminée, il est constant que le dernier contrat de Mme C...a été conclu en application de l'article 9-1 de la même loi ; que, dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que le renouvellement de ce contrat, prévu pour le remplacement d'un agent titulaire indisponible, aurait nécessairement été conclu pour une durée indéterminée ; que, par suite, il n'est pas établi que le centre hospitalier aurait refusé de renouveler une dernière fois le contrat de la requérante afin d'éviter la conclusion d'un contrat à durée indéterminée avec un agent en mi-temps thérapeutique ;
8. Considérant que, si Mme C...établit que la décision refusant de renouveler son contrat de travail a été prise le jour même où elle a informé le centre hospitalier d'une possible reprise de son activité professionnelle dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard à ce qui a été dit aux points 5, 6 et 7, que cette décision aurait été prise pour des motifs entachés de discrimination ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du centre hospitalier départemental de Bischwiller présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier départemental de Bischwiller présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à MmeD... C..., au centre hospitalier départemental de Bischwiller et au Défenseur des droits.
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N° 16NC02639