Par une requête, enregistrée le 7 novembre 2017, M.B..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 16 juin 2017 ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet de la Marne du 13 juin 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me A...en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dans la mesure où le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que le préfet a commis une erreur de droit en prescrivant la remise de ses documents d'identité, dès lors qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public et qu'il n'est pas établi qu'il pourrait se soustraire à la mesure d'éloignement ;
- les deux arrêtés sont entachés d'incompétence dès lors que leur auteur ne justifie pas d'une délégation régulière ;
- les deux arrêtés ne sont pas suffisamment motivés ; la décision portant obligation de quitter le territoire n'était pas jointe à la décision portant assignation à résidence ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- les dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ont été méconnues ;
- il n'a pas bénéficié de l'information prévue à l'article R. 561-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a, par suite, été privé d'une garantie ;
- le préfet a commis une erreur de droit en lui demandant de remettre les documents justifiant son identité, dès lors qu'il ne présente pas une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public ;
- il ne pouvait pas faire l'objet d'une assignation à résidence dès lors qu'il n'entre dans aucun des cas prévus aux articles L. 561-1 et L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant assignation à résidence est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'obligation de quitter le territoire sur laquelle elle se fonde n'était pas exécutoire et qu'il n'est pas établi qu'il va se soustraire à cette mesure d'éloignement ou qu'il existe une perspective raisonnable d'éloignement ;
- l'obligation de quitter le territoire est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 septembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Haudier a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que par deux arrêtés du 13 juin 2017 le préfet de la Marne, d'une part, a pris une obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire à l'encontre de M. C... B..., ressortissant camerounais né en 1976, et a fixé le pays à destination duquel ce dernier pourra être reconduit, et, d'autre part, l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ; que M. B...relève appel du jugement du 16 juin 2017, par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, qui a visé le moyen tiré de ce que " le préfet a commis une erreur de droit en prescrivant la remise de ses documents d'identité dès lors qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public et qu'il n'est pas établi qu'il pourrait se soustraire à la mesure d'éloignement " et qui a indiqué dans son jugement que le moyen tiré de l'illégalité de la remise de ses documents d'identité était sans influence sur la légalité de l'arrêté attaqué qui n'emportait pas par lui-même la remise desdits documents a implicitement répondu au moyen invoqué qui était par ailleurs inopérant ;
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Considérant, en premier lieu, que M. Gaudin, secrétaire général de la préfecture de la Marne, était titulaire, à la date des décisions litigieuses, d'une délégation de signature du préfet de la Marne du 18 juillet 2016, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs du même jour à l'effet de signer tous arrêtés et décisions relevant des attributions du représentant de l'Etat dans le département à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions attaquées ; que, contrairement à ce que soutient M.B..., la circonstance que les décisions litigieuses ont été prises sur proposition du secrétaire général ne permet pas de considérer que ces décisions n'auraient pas été prises par le préfet et demeure sans incidence sur l'exercice de sa propre compétence par le préfet et, par voie de délégation, par le secrétaire général lui-même ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que les arrêtés litigieux, dont la motivation n'est pas stéréotypée, comportent les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et sont, par suite, suffisamment motivés ; que, notamment, le préfet n'avait pas, pour motiver la décision portant assignation à résidence, à préciser les motifs de l'obligation de quitter le territoire ou à joindre cette dernière décision ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. B...avant de prendre les décisions litigieuses ;
6. Considérant, en quatrième lieu, que si, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union ; qu'ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant ;
7. Considérant, toutefois, qu'il résulte également de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union ; qu'il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré ; que ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts ; qu'il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause ;
8. Considérant que, préalablement à l'édiction des décisions litigieuses, M. B...a été auditionné par les services de police aux fin de vérifications de sa situation administrative au regard de la législation sur les étrangers et le droit d'asile ; qu'il a pu, notamment au cours de cet entretien, présenter de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité de son séjour et sur les éventuels motifs qui auraient justifier que le préfet s'abstienne de prendre une obligation de quitter le territoire et l'assigne à résidence ; que, par suite, il ne peut pas être regardé comme ayant été privé de son droit à être entendu garanti par le droit de l'Union ;
9. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article R. 561-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel est notifiée une assignation à résidence en application de l'article L. 552-4 ou de l'article L. 561-2 est informé de ses droits et obligations par la remise d'un formulaire à l'occasion de la notification de la décision par l'autorité administrative ou, au plus tard, lors de sa première présentation aux services de police ou de gendarmerie. / Ce formulaire, dont le modèle est fixé par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre de l'intérieur, rappelle les droits et obligations des étrangers assignés à résidence pour la préparation de leur départ. Il mentionne notamment les coordonnées locales de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le droit de l'étranger de communiquer avec son consulat et les coordonnées de ce dernier, ainsi que le droit de l'étranger d'informer l'autorité administrative de tout élément nouveau dans sa situation personnelle susceptible d'intéresser sa situation administrative. Il rappelle les obligations résultant de l'obligation de quitter le territoire français et de l'assignation à résidence ainsi que les sanctions encourues par l'étranger en cas de manquement aux obligations de cette dernière. / Ce formulaire est traduit dans les langues les plus couramment utilisées désignées par un arrêté du ministre chargé de l'immigration " ;
10. Considérant que ces dispositions prévoient que la remise d'un formulaire à l'étranger assigné à résidence l'informant de ses droits et obligations s'effectue postérieurement à l'édiction de la décision l'assignant à résidence, au plus tôt à l'occasion de la notification de cette décision par l'autorité administrative et, au plus tard, lors de sa première présentation aux services de police ou de gendarmerie ; qu'ainsi, M. B... ne saurait utilement se prévaloir, à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation de la décision portant assignation de résidence, de ce qu'il n'a pas reçu les informations prévues au dernier alinéa des dispositions précitées de l'article R. 561-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
11. Considérant, en sixième lieu que le requérant ne peut utilement soutenir que le préfet a commis une erreur de droit en lui demandant de remettre ses documents justifiant de son identité, dès lors qu'aucune des décisions litigieuses ne prévoit une telle mesure ;
12. Considérant, en septième lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence, par dérogation à l'article L. 551-1, dans les cas suivants : / 1° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai ou si le délai de départ volontaire qui lui a été accordé est expiré ; (...) " ;
13. Considérant que le préfet a pu légalement, sur le fondement de ces dispositions, assigner à résidence M. B...qui s'est vu notifier une obligation de quitter le territoire français sans délai, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que l'obligation de quitter le territoire français ne pouvait faire l'objet d'une exécution d'office avant que le tribunal n'ait statué sur le recours formé contre cette décision ; que, par ailleurs, le requérant n'apporte aucun élément de nature à établir que le préfet aurait entaché cette décision d'une erreur d'appréciation ; qu'il n'apporte notamment à cet égard aucun élément de nature à établir qu'il n'existe pas de perspective raisonnable d'exécution de l'obligation de quitter le territoire prise à son encontre ;
14. Considérant, en huitième lieu, que M. B...reprend en appel, sans davantage apporter de précisions, les moyens qu'il avait invoqués en première instance et tirés de la méconnaissance par la décision portant obligation de quitter le territoire des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ; qu'il ne ressort, en outre, pas des pièces du dossier que le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle et familiale de M. B...;
15. Considérant, en neuvième lieu, que M. B...n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il encourrait des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour au Cameroun ; que, par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision fixant le pays de destination aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
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N° 17NC02684