Par une requête enregistrée le 21 novembre 2017, M. C... A..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy du 21 septembre 2017 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du 15 septembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle, à titre principal, de le mettre en mesure de déposer une demande d'asile en France et d'obtenir une attestation à ce titre, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours et de lui délivrer une attestation de demande d'asile pendant ce réexamen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision de transfert est intervenue au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'a pas été informé dans une langue qu'il comprend des conditions de prélèvement et d'utilisation de ses empreintes digitales, en méconnaissance de l'article 29 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013, de l'article 12 de la directive n° 2013/32/UE du 26 juin 2013 et de l'article 32 de la loi du 6 janvier 1978 ;
- cette décision est insuffisamment motivée en droit dès lors qu'elle ne précise pas sur quel fondement les autorités italiennes sont responsables de sa demande d'asile, et en fait dès lors que les mentions se rapportant à sa situation sont stéréotypées ;
- il n'a pas bénéficié d'un entretien individuel conduit par une personne qualifiée, en méconnaissance de l'article 5 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le préfet a commis une erreur de droit en estimant ne pas pouvoir faire application de l'une des clauses discrétionnaires prévues aux articles 3 §2 et 17 du règlement du 26 juin 2013 ;
- la décision de transfert est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que les autorités italiennes ne sont pas en mesure de traiter sa demande d'asile ;
- la décision l'assignant à résidence doit être annulée en conséquence de l'annulation de la décision de transfert.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 avril 2018, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 octobre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guérin-Lebacq a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.A..., ressortissant afghan né le 1er janvier 1992, est entré irrégulièrement en France le 15 mai 2016 et a présenté une demande d'asile le 20 mars 2017 ; que la consultation du fichier Eurodac ayant permis de constater que ses empreintes digitales avaient été relevées en Italie les 13 mars et 22 avril 2015, le préfet de Meurthe-et-Moselle a saisi les autorités de ce pays d'une demande de prise en charge de M.A... ; qu'en l'absence de réponse expresse dans le délai requis, le préfet a constaté, le 21 avril 2017, que les autorités italiennes avaient donné leur accord implicite dans les conditions prévues par l'article 22 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, et, par un arrêté du 15 septembre 2017, a décidé la remise de M. A...à ces autorités en vue de l'examen de sa demande d'asile ; que, par une décision datée du même jour, le préfet a assigné l'intéressé à résidence en vue d'assurer son transfert vers l'Italie ; que M. A... fait appel du jugement du 21 septembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté et de la décision du 15 septembre 2017 ;
Sur la légalité de l'arrêté portant remise aux autorités italiennes :
2. Considérant, en premier lieu, que M. A...reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau, le moyen tiré de ce que le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait décidé son transfert vers l'Italie sans l'informer préalablement des conditions de prélèvement et d'utilisation de ses empreintes digitales ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenu par le premier juge ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...) " ;
4. Considérant que l'arrêté contesté vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment son article L. 742-3, ainsi que le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ; que cet arrêté rappelle les conditions dans lesquelles M. A...est entré en France et a déposé une demande d'asile, ainsi que les raisons pour lesquelles le préfet a estimé que cette demande relevait de la responsabilité des autorités italiennes ; que, par suite, et quand bien même l'arrêté contesté ne préciserait pas l'article du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 dont le préfet aurait entendu faire application pour décider le transfert de l'intéressé vers l'Italie, ledit arrêté comporte les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement et est suffisamment motivé ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national (...) " ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et n'est pas sérieusement contesté que M. A... a bénéficié le 20 mars 2017 d'un entretien individuel mené par un agent de la préfecture de la Moselle, dans une langue que l'intéressé a déclaré comprendre et avec l'assistance d'un interprète ; qu'il ressort de l'examen du compte-rendu de cet entretien que le requérant a été en mesure d'exposer les éléments relatifs à sa situation personnelle ; que s'il soutient que l'entretien n'aurait pas été conduit par une personne qualifiée en vertu du droit national, il n'apporte aucun élément précis à l'appui d'une telle allégation ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 doit être écarté ;
7. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3 du règlement précité du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable (...) " ; qu'aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) " ;
8. Considérant, d'une part, qu'il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que le préfet de Meurthe-et-Moselle a examiné si des éléments relatifs à la situation de M. A...pouvaient justifier que sa demande d'asile soit traitée par les autorités françaises en application des dispositions précitées du règlement du 26 juin 2013, en tenant compte notamment des observations qu'il a été invité à présenter le 15 septembre 2017 dans la perspective d'un transfert vers l'Italie, avec l'assistance d'un interprète ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet se serait estimé à tort en situation de compétence liée pour décider ce transfert ;
9. Considérant, d'autre part, que M. A...se borne à faire valoir de manière générale que le système d'examen des demandes d'asile en Italie serait défaillant, sans apporter de précision quant à sa situation personnelle et, notamment, aux conditions de son séjour en Italie au cours de l'année 2015 qui feraient présumer un risque sérieux que sa demande d'asile ne soit pas traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ; que, dans ces conditions, alors que l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne et partie, tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet ne pouvait décider son transfert vers l'Italie ;
Sur la légalité de la décision portant assignation à résidence :
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'établit pas que l'arrêté par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a ordonné son transfert vers l'Italie serait entaché d'une illégalité et devrait être annulé ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision l'assignant à résidence devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de cet arrêté ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 17NC02815