Par un jugement n° 1201749 du 7 juillet 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a limité à la somme de 41 800 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné l'ONIAM en réparation des préjudices subis par M. D...et a rejeté les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 septembre 2015, et un mémoire en réplique enregistré le 27 septembre 2016, M. A... D..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 7 juillet 2015 ;
2°) à titre principal, de porter le montant des réparations mis à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des infections nosocomiales et des affections iatrogènes (ONIAM) de la somme de 41 800 euros à celle de 446 500 euros ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale aux fins de se prononcer sur l'ensemble des préjudices dont la réparation est demandée et, dans cette attente, de lui allouer une provision d'un montant de 25 000 euros ;
4°) de mettre les dépens à la charge de l'ONIAM, ainsi que, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 5 000 euros au titre des frais exposés en appel et une somme d'un même montant au titre des frais exposés en première instance.
Il soutient que :
- il a subi une période de déficit fonctionnel temporaire depuis 1986, marquée par une asthénie à compter de 1990 et un traitement par interféron de 2007 à 2012, qui doit être indemnisée par l'allocation d'une somme de 168 000 euros ;
- son déficit fonctionnel permanent doit être évalué à 25 %, justifiant une indemnité d'un montant de 37 500 euros ;
- son préjudice d'agrément doit être évalué à 25 000 euros ;
- son infection est à l'origine de pertes de gains professionnels actuels et futurs évalués à 200 000 euros ;
- le traitement médical nécessité par son état a pour effet un préjudice sexuel qui doit être évalué à 20 000 euros ;
- ce même traitement est à l'origine d'un préjudice esthétique évalué à 6 000 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 novembre 2015, l'ONIAM, représenté par Me C... et MeE..., conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq,
- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public.
1. Considérant que M.D..., né le 3 avril 1960, a été victime d'un accident de chasse le 31 août 1986 qui a nécessité son hospitalisation au centre hospitalier de Troyes où il a subi plusieurs transfusions de produits sanguins ; qu'une sérologie réalisée en 1996 ayant révélé que M. D...était contaminé par le virus de l'hépatite C, l'intéressé a sollicité l'indemnisation de ses préjudices, pour un montant total de 446 500 euros au titre de la solidarité nationale ; que par un jugement du 7 juillet 2015 dont M. D...relève appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a limité à la somme de 41 800 euros le montant des réparations mises à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des infections nosocomiales et des affections iatrogènes (ONIAM) ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Considérant que M. D...établit avoir reçu au centre hospitalier de Troyes la transfusion de deux unités de plasma frais congelé le 31 août 1986 et de quatre unités de concentrés de globules rouges le 1er septembre 1986, pour lesquelles l'enquête transfusionnelle n'a pas permis de mettre hors de cause l'ensemble des donneurs ; que si le requérant a pu être exposé à d'autres facteurs de contamination, à l'occasion de tatouages et d'une greffe osseuse subie le 13 octobre 1986, il ne résulte pas de l'instruction que la probabilité d'une origine transfusionnelle de sa contamination par le virus de l'hépatite C serait manifestement moins élevée que celle d'une origine étrangère aux transfusions ; qu'ainsi, M. D...remplit les conditions pour une indemnisation au titre de la solidarité nationale, ce que l'ONIAM ne conteste pas en appel ;
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
3. Considérant que M. D...soutient qu'en raison de sa contamination par le virus de l'hépatite C, il a présenté une asthénie à compter de l'année 1990 qui ne lui aurait pas permis d'exercer d'activité professionnelle ; que toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que le requérant, qui ne produit aucun élément en ce sens, aurait disposé en 1990 d'une situation professionnelle stable qui aurait été compromise par l'évolution de sa situation de santé ; qu'au contraire, il ressort du document portant sur l'estimation des droits à la retraite de M. D...que ce dernier est resté sans activité professionnelle de 1986 à 1990, année à partir de laquelle il indique avoir commencé à souffrir d'asthénie ; que si l'intéressé fait état de divers travaux effectués sur des chantiers de construction, dans le secteur agricole ou pour l'entretien de parcs et jardins, l'expert désigné par les premiers juges précise que l'exercice de ces activités physiques a été rendu difficile par les séquelles orthopédiques dont il est resté atteint à la suite de l'accident de chasse survenu le 31 août 1986 ; que si M.D..., diagnostiqué en 1996, a subi deux traitements entre octobre 2007 et juillet 2008 et entre août 2009 et juin 2010, qui ont tous deux échoué, ainsi qu'une hospitalisation de huit jours en août 2011 pour une stéatose hépatique, il n'est pas établi, au vu des éléments produits par l'intéressé, que ces circonstances auraient entraîné des pertes de revenus professionnels ou même compromis la constitution de ses droits à la retraite ; que le requérant a été soumis à une trithérapie de janvier à décembre 2012 qui a permis la disparition du virus et conduit l'expert à retenir le mois d'octobre 2014 pour une consolidation de son état de santé ; que, dans ces conditions, M. D...n'est pas fondé à soutenir que la contamination dont il a été victime aurait entraîné des pertes de revenus ou une réduction de ses futurs droits à la retraite ;
En ce qui concerne les préjudices personnels :
Quant au déficit fonctionnel temporaire :
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des rapports d'expertise déposés devant le tribunal administratif, que M. D...a éprouvé de la fatigue, en raison de sa contamination, à compter de 1990, qu'il a subi, du 1er au 8 août 2011, une période de déficit fonctionnel temporaire total, pendant laquelle une altération de son état général imputable pour partie à l'affection virologique a nécessité son hospitalisation et qu'il a suivi trois périodes de traitement d'octobre 2007 à juillet 2008, d'août 2009 à juin 2010 et de janvier à décembre 2012 ; que le requérant ne justifie pas de troubles particuliers avant 1990, année à partir de laquelle il indique avoir ressenti une asthénie qu'il impute à sa contamination ; qu'en revanche, outre la période d'hospitalisation de huit jours pendant laquelle M. D...a subi une incapacité totale, et celle au cours de laquelle il a subi un déficit fonctionnel temporaire évalué par l'expert à 12 %, de 1990 à 2014, il convient de tenir compte des troubles supplémentaires induits par les traitements suivis de 2007 à 2010 puis en 2012 ; que, dans ces conditions, il sera fait une plus juste appréciation du préjudice de M. D...en portant la somme allouée à ce titre de 14 500 euros à 20 000 euros ;
Quant au déficit fonctionnel permanent :
5. Considérant que M. D...n'établit pas que son déficit fonctionnel permanent devrait être évalué au taux de 25 % qui correspond, selon l'expert désigné par les premiers juges, à une cirrhose grave ou à une manifestation grave extra-hépatique, pathologies dont l'intéressé n'est pas atteint ; que, dans ces conditions, en l'absence de contestation sérieuse sur ce point, il y a lieu de retenir le taux de 10 % proposé par l'expert précité pour fixer le déficit fonctionnel permanent de M. D... ; que ce taux inclut les pathologies induites par l'infection et son traitement, telles l'hypertension artérielle, la fatigue, le syndrome dépressif et l'épilepsie du requérant ; qu'eu égard en outre à l'âge atteint par M. D...à la date de sa consolidation, les premiers juges n'ont pas procédé à une insuffisante évaluation de ce chef de préjudice en mettant une somme de 10 500 euros à la charge de l'ONIAM ;
Quant au préjudice d'agrément :
6. Considérant qu'il ressort du rapport d'expertise précité qu'en raison de sa pathologie, M. D... s'est trouvé privé de divers loisirs, dont la promenade en forêt, la cueillette des champignons, la pêche et la chasse ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le tribunal administratif aurait fait une insuffisante évaluation du préjudice d'agrément subi par le requérant en l'évaluant à 1 500 euros ;
Quant au préjudice esthétique :
7. Considérant que M. D...n'apporte à l'instance aucun élément de nature à établir l'existence de traces sur son visage, ses mains et ses avant-bras, qui résulteraient des traitements nécessités par sa contamination ; que l'expert conclut sur ce point à l'absence de tout préjudice esthétique ; que, dans ces conditions, la demande qu'il présente en vue d'obtenir l'indemnisation de ce chef de préjudice ne peut qu'être rejetée ;
Quant au préjudice sexuel :
8. Considérant que le requérant ne démontre pas qu'en fixant à 5 000 euros le préjudice sexuel imputable aux traitements nécessités par son état, les premiers juges auraient fait une insuffisante évaluation de ce chef de préjudice ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de diligenter une nouvelle mesure d'expertise, que M. D... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a limité le montant des réparations mises à la charge de l'ONIAM à 41 800 euros ; que, compte tenu de la somme de 10 300 euros allouée par les premiers juges au titre des souffrances endurées par le requérant, et non contestée en appel, il y a lieu de porter le montant total des réparations à 47 300 euros ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que la présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens, les conclusions présentées sur ce point par M. D...ne peuvent qu'être rejetées ; que par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 1 500 euros à verser à M.D... au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés dans la présente instance ; que si le requérant demande encore que les frais non compris dans les dépens exposés devant le tribunal administratif soient portés à 5 000 euros, il ne démontre pas que les premiers juges les auraient sous-évalués en les fixant à 1 500 euros ;
D E C I D E :
Article 1er : Le montant des réparations mises à la charge de l'ONIAM par le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne n° 1201749 du 7 juillet 2015 est porté de 41 800 euros à 47 300 (quarante sept mille trois cents) euros.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne n° 1201749 du 7 juillet 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'ONIAM versera à M. D...une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des infections nosocomiales et des affections iatrogènes et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube.
2
N° 15NC02007