I. Par une requête enregistrée le 6 novembre 2015 sous le n° 15NC02250, et un mémoire en réplique enregistré le 6 octobre 2016, M. E...A..., représenté par Me B..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1503101 du 9 octobre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 21 avril 2015 dont il fait l'objet ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente de ce titre, une autorisation provisoire de séjour, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- ce refus est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il méconnaît également les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- la décision fixant le pays de destination doit être également annulée en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement ;
- le préfet a commis une erreur d'appréciation en omettant de faire usage de la clause humanitaire permettant à un Etat membre d'examiner une demande d'asile quand bien même cet Etat n'en serait pas responsable.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 juin 2016, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
II. Par une requête enregistrée le 6 novembre 2015 sous le n° 15NC02251, et un mémoire en réplique enregistré le 6 octobre 2016, Mme D...épouseA..., représentée par MeB..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1503102 du 9 octobre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 21 avril 2015 dont elle fait l'objet ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente de ce titre, une autorisation provisoire de séjour, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soulève les mêmes moyens que ceux qui sont exposés dans la requête susvisée enregistrée sous le n° 15NC02250, et soutient, en outre, que le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 juin 2016, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
M. et Mme A...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions en date du 26 novembre 2015.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. C...a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. et MmeA..., ressortissants albanais nés respectivement les 2 mai 1975 et 22 juin 1978, sont entrés irrégulièrement en France le 2 octobre 2013, accompagnés de leur enfant mineur, afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de refugié ; que leurs demandes d'asile ont été rejetées par deux décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 14 mai 2014, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 17 octobre suivant ; que le 4 décembre 2014, les requérants ont présenté deux demandes de titre de séjour au préfet du Bas-Rhin en faisant état d'une promesse d'embauche pour M. A...et de la situation médicale de MmeA... ; que, par deux arrêtés du 21 avril 2015, le préfet du Bas-Rhin a refusé de faire droit à leurs demandes, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés à l'issue de ce délai ; que, par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, M. et Mme A...relèvent appel des jugements du 9 octobre 2015 par lesquels le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des deux arrêtés du 21 avril 2015 ;
Sur les décisions portant refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions, dans leur rédaction issue de la loi du 16 juin 2011, que le préfet ne doit délivrer une carte de séjour temporaire que si la prise en charge médicale de l'étranger, dont le défaut aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, n'est pas possible dans son pays d'origine en raison de l'inexistence d'un traitement approprié ;
3. Considérant que pour refuser de délivrer un titre de séjour à MmeA..., qui indique souffrir d'un syndrome dépressif, le préfet du Bas-Rhin s'est notamment fondé sur l'avis établi le 23 janvier 2015 par le médecin de l'agence régionale de santé d'Alsace dont il ressort que, si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il existe un traitement approprié dans son pays d'origine vers lequel elle peut voyager sans risque ; que le certificat médical établi le 22 décembre 2014 par le médecin psychiatre de Mme A...ne se prononce ni sur l'indisponibilité d'un traitement approprié en Albanie, ni sur la nécessité de maintenir un lien thérapeutique avec ledit médecin, et, par suite, ne permet pas de contredire l'appréciation portée par le médecin de l'agence régionale de santé puis le préfet du Bas-Rhin sur l'existence d'un traitement adapté à la situation médicale de l'intéressée dans son pays d'origine ; qu'en outre, le préfet produit à l'instance un courrier du 10 mars 2015 émanant de l'ambassade de France en Albanie, selon lequel les médicaments antidépresseurs et anxiolytiques nécessaires au traitement de la requérante sont disponibles dans ce pays, ainsi que la liste des médicaments remboursés dans le cadre du système de soins albanais, laquelle mentionne ces mêmes médicaments ; qu'il ne ressort pas des pièces des dossiers, en tout état de cause, que la pathologie de la requérante aurait pour origine des événements traumatisants vécus en Albanie et qu'un retour dans ce pays serait susceptible d'entraîner une aggravation de son état de santé, alors en outre que les craintes alléguées par l'intéressée en cas de retour dans ledit pays n'ont pas été tenues pour établies par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ; qu'il suit de là que le préfet du Bas-Rhin a pu légalement refuser de délivrer à Mme A... le titre de séjour qu'elle sollicitait sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers que M. et Mme A...résident en France depuis le 2 octobre 2013 seulement et font tous deux l'objet d'une mesure d'éloignement ; que la seule circonstance que leur enfant soit scolarisé en France ne fait pas obstacle à ce que les intéressés poursuivent leur vie familiale dans leur pays d'origine où ils ont vécu, respectivement, jusqu'à l'âge de 38 et 35 ans ; qu'en outre, il n'est pas contesté que les autres membres de leur famille, notamment leurs parents, demeurent... ; que, dans ces conditions, eu égard notamment aux conditions et à la brève durée du séjour en France de M. et MmeA..., les décisions contestées n'ont pas porté au droit des requérants au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elles ont été prises ; que, dès lors, elles n'ont pas méconnu les stipulations précitées ; que, pour les mêmes raisons, ces décisions ne sont pas non plus entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
7. Considérant que si M. et Mme A...soutiennent que leur fils mineur est scolarisé en France, il ne ressort pas des pièces des dossiers que ce dernier se trouverait dans l'impossibilité de poursuivre sa scolarité en Albanie, pays dont il a la nationalité et parle la langue et dans lequel il a résidé jusqu'à l'âge de 11 ans ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté ;
8. Considérant, en dernier lieu, que les décisions contestées n'on ni pour objet, ni pour effet de remettre les requérants aux autorités hongroises ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché ses décisions d'une erreur d'appréciation en ordonnant leur remise à ces autorités est inopérant ;
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen, invoqué par voie d'exception à l'encontre des mesures d'éloignement, tiré de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour doit être écarté ;
Sur les décisions fixant le pays de destination :
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen, invoqué par voie d'exception à l'encontre des décisions fixant le pays de destination, tiré de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour doit être écarté ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes présentées par M. et Mme A...sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...A..., à Mme D...épouse A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Bas-Rhin.
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Nos 15NC02250, 15NC02251