Par une requête enregistrée le 16 février 2016, M. B... A..., représenté par Me Gangloff, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 2 juillet 2015 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 4 mars 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter de cette notification, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les premiers juges ont soulevé d'office le moyen tiré de ce qu'il ne réside pas habituellement en France, alors que ce moyen n'est pas d'ordre public ;
- la décision de refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 dès lors qu'il présente une pathologie nécessitant des soins dont le défaut pourrait avoir, pour lui, des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
- il suit en France un traitement adapté à sa pathologie, qui n'est pas disponible en Algérie ;
- il résulte de l'instruction ministérielle du 10 mars 2014 que le préfet doit apprécier les conséquences d'un défaut de soins au regard d'une interruption du traitement suivi en France ;
- la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la mesure d'éloignement est privée de base légale en conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;
- cette décision méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 551-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de destination doit être annulée en conséquence de l'annulation des décisions de refus de séjour et d'éloignement.
Une mise en demeure a été adressée le 12 juillet 2016 au préfet du Bas-Rhin.
L'instruction a été close à la date du 21 septembre 2016 par une ordonnance du 6 septembre 2016.
Le préfet du Bas-Rhin a produit un mémoire en défense enregistré le 10 octobre 2016, après la clôture de l'instruction.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 janvier 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guérin-Lebacq a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.A..., ressortissant algérien né le 27 juin 1984, est entré en France le 21 mars 2014, sous couvert d'un visa de court séjour ; que, le 9 mai 2014, il a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ; que, par un arrêté du 4 mars 2015, le préfet du Bas-Rhin a refusé de délivrer le certificat demandé et fait obligation à l'intéressé de quitter le territoire français à destination de l'Algérie ; que M. A...relève appel du jugement du 2 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 mars 2015 ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays " ;
3. Considérant, d'une part, que pour refuser de délivrer un certificat de résidence à M. A..., le préfet du Bas-Rhin s'est fondé notamment sur l'avis rendu le 22 janvier 2015 par le médecin de l'agence régionale de santé d'Alsace, lequel a estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessite des soins médicaux dont le défaut ne devrait pas entraîner, pour l'intéressé, des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que, toutefois, le rhumatologue qui suit M. A...en consultation aux hôpitaux universitaires de Strasbourg atteste, dans un certificat médical établi le 22 juillet 2015, que l'intéressé, qui souffre d'une spondylarthrite ankylosante évolutive grave, nécessite, eu égard au stade d'évolution de cette pathologie, un traitement par biothérapie et au moyen de perfusions de bisphosphonates dont le défaut aurait pour effet, à la date de la décision contestée, une reprise irrémédiable de la maladie entraînant un handicap moteur, des douleurs, un risque cardiovasculaire majeur, un risque de fracture vertébrale ou fémorale et des atteintes viscérales de type oculaire, digestif et cutané ; que le médecin précise également qu'en l'absence de traitement, le pronostic vital pourrait être engagé ; qu'ainsi, le défaut de prise en charge dont bénéficie M. A...aurait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
4. Considérant, d'autre part, que les éléments produits par le préfet du Bas-Rhin devant les premiers juges, dont il ressort que des établissements de santé algériens sont spécialisés en rééducation fonctionnelle et que des médicaments seraient disponibles en Algérie pour le traitement de la polyarthrite rhumatoïde ne sont pas de nature à établir l'existence en Algérie d'un traitement approprié à la spondylarthrite ankylosante évolutive dont M. A...est atteint ; que le préfet ne justifie pas plus en appel de la disponibilité d'un traitement par antibiothérapie adapté à la pathologie de M.A..., alors que l'article de presse dont il se prévaut se rapporte aux soins nécessaires au traitement de la polyarthrite rhumatoïde ; que, dans ces conditions, il n'est pas établi qu'un traitement approprié à l'état de santé de M. A...existerait en Algérie, alors en outre que le médecin de l'agence régionale de santé a estimé qu'un tel traitement n'était pas disponible dans le pays d'origine du requérant ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet du Bas-Rhin a méconnu les stipulations précitées de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; que, par suite, il est également fondé à soutenir que la décision de refus de séjour et, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi doivent être annulées ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête et notamment sur la régularité du jugement attaqué, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué ci-dessus retenu et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à M. A...un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de délivrer ce titre dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. Considérant que M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Gangloff, avocate de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cette avocate de la somme de 1 500 euros ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n°1501781 du 2 juillet 2015 du tribunal administratif de Strasbourg et l'arrêté en date du 4 mars 2015 par lequel le préfet du Bas-Rhin a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. A...et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Bas-Rhin de délivrer à M. A...un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Gangloff, avocate de M.A..., une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que le conseil du requérant renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 16NC00294