Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 juin 2016, M. B...A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 22 septembre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2015 décidant sa remise aux autorités italiennes, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle, à titre principal, de lui permettre de déposer une demande d'asile en France, qui devra être examinée selon la procédure normale en transmettant le dossier à la préfecture de la Moselle en vue de retirer le dossier d'asile et d'obtenir la délivrance, dans un délai de quinze jours, d'une autorisation provisoire de séjour valables jusqu'à la notification de la décision ;
4°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me C...en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision de remise est irrégulière en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour, qui méconnaît l'article 29 du règlement n° 603/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 ; le premier juge a omis de répondre à ce moyen ;
- cette décision est insuffisamment motivée ; ce défaut de motivation révèle l'absence d'examen réel de sa situation ; le tribunal n'a pas suffisamment motivé sa décision sur ce point ;
- cette décision méconnaît également l'article 4 du règlement n° 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 ; le préfet n'établit pas que la version du " Guide du demandeur d'asile " remise à l'intéressé est celle correspondant aux brochures figurant en annexe du règlement d'exécution n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ; le premier juge n'a pas répondu à ce dernier moyen ;
- la décision de remise méconnaît également l'article 5 du règlement n° 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le préfet n'a pas fait usage de son pouvoir discrétionnaire pour déclarer la France responsable de sa demande d'asile ;
- il n'a pas examiné sa demande au regard de l'article 3-2 du règlement ° 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 ; le premier juge n'a pas répondu à ce moyen ;
- l'afflux d'exilés en Italie a entraîné une dégradation importante des conditions d'accueil de ceux-ci, ne permettant pas d'offrir que sa demande sera traitée dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties découlant du droit d'asile ;
- l'annulation de la décision de remise entraînera, par voie de conséquence, celle de la décision portant assignation à résidence.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 septembre 2016, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 avril 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement n° 603/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement n° 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement d'exécution n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Fuchs a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.A..., ressortissant nigérian né le 14 août 1980, est entré sur le territoire français le 11 avril 2015 selon ses déclarations et y a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié le 15 avril 2015 ; que la consultation de l'application VISABIO a révélé que l'intéressé a bénéficié d'un vise de court séjour multi-entrées, délivré le 31 mars 2015 pour une durée de validité de 44 jours, émis par les autorités consulaires italiennes à Lagos ; que le préfet de la Moselle l'a informé le 14 avril 2015 avoir saisi les autorités italiennes d'une demande de réadmission ; que, par un arrêté du 19 août 2015, il a refusé d'admettre provisoirement au séjour M.A... ; que, par un arrêté du 14 septembre 2015, le préfet de Meurthe-et-Moselle a décidé de sa remise aux autorités italiennes et, le même jour, l'a assigné à résidence dans le département de Meurthe-et-Moselle pour une durée de 21 jours avec obligation de présentation ; que l'intéressé relève appel du jugement du 22 septembre 2015 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux dernières décisions ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant, en premier lieu, que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a indiqué, au point 7 du jugement attaqué, que M. A..." a eu communication des documents d'information prévus à l'article 4 du règlement UE n° 604/2013 " ; qu'ainsi, il n'a pas omis de répondre à ce moyen ; que le requérant s'étant borné à soutenir, en première instance, qu'il n'avait pas reçu l'ensemble des informations prévues par cet article, sans apporter plus de précision, le premier juge a en outre suffisamment motivé son jugement sur ce point ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des termes de la demande présentée devant le tribunal administratif que le requérant a soulevé le moyen tiré de la violation de l'article 3-2 du règlement n° 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 ; que, par suite, il ne peut utilement soutenir que le premier juge n'a pas examiné ce moyen ;
4. Considérant, en troisième lieu, que le premier juge a considéré que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 29 du règlement n° 603/2013 visé ci-dessus n'était pas dirigé contre la décision de remise aux autorités italiennes, mais a regardé celui-ci comme relatif à la décision de refus d'autorisation provisoire de séjour dont l'illégalité était alléguée par voie d'exception ; qu'au regard des écritures du requérant en première instance sur ce point, une telle qualification de ce moyen, qui n'est pas contestée en appel, n'est pas erronée ; qu'au point 3 du jugement attaqué, le premier juge a écarté le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision de refus d'autorisation provisoire de séjour ; qu'il a ainsi nécessairement entendu écarter le moyen tiré de la violation par cette décision de l'article 29 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013 ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, le jugement n'est entaché d'aucun défaut de réponse à un moyen sur ce point ;
5. Considérant, en dernier lieu, qu'en indiquant au point 6 du jugement attaqué, que " la décision contestée mentionne les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ", le premier juge a suffisamment motivé sa réponse au moyen tiré du défaut de motivation de la décision de remise aux autorités italiennes ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier ;
Sur la légalité des décisions contestées :
En ce qui concerne la décision de remise aux autorités italiennes :
7. Considérant, en premier lieu, que le requérant reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau, le moyen tiré de l'illégalité de la décision refusant son admission provisoire au séjour ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le premier juge ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que la décision contestée, qui mentionne les considérations de droit qui en constituent le fondement, fait également état d'éléments relatifs à la situation personnelle du requérant, tant en ce qui concerne sa vie privée et familiale que son parcours depuis son entrée sur le territoire français ; qu'elle est ainsi suffisamment motivée ; que le moyen tiré du défaut d'examen de sa situation personnelle doit également être écarté ;
9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 4 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013 visé ci-dessus : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement et notamment : / a) des objectifs du présent règlement (...) / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...) " ; qu'aux termes de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque : (...) b) après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'État membre responsable. L'État membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'État membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1 " ;
10. Considérant, d'une part, que le préfet de Meurthe-et-Moselle a produit, en première instance, une copie de la première page du " Guide du demandeur d'asile " ainsi que des brochures A et B annexée au règlement d'exécution de la Commission du 30 janvier 2014 visé ci-dessus, que le demandeur s'est vu remettre lors du dépôt de sa demande d'asile ; que ces documents comportent chacun la mention " copie intégrale en langue anglaise ", assortie du nombre de pages, ainsi que la date de remise du document à l'intéressé et sa signature ; que dans ces conditions, M.A..., qui se borne à soutenir, sans plus de précision, que le préfet ne prouve pas la teneur exacte des documents qui lui ont été effectivement remis ni qu'il aurait bénéficié de l'ensemble des informations nécessaires, ne l'établit pas ;
11. Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions citées au point 9 ci-dessus que les autorités de l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable doivent, afin d'en faciliter la détermination et de vérifier que le demandeur d'asile a bien reçu et compris les informations prévues par l'article 4 du même règlement, mener un entretien individuel avec le demandeur, dans une langue que celui-ci comprend ou que l'on peut raisonnablement penser qu'il comprend, si nécessaire en ayant recours à un interprète ; que, toutefois, il résulte du b) du 2 de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 que l'Etat membre responsable peut se dispenser de mener un entretien avec l'étranger qui dépose une demande de protection internationale lorsque, ayant reçu les informations visées à l'article 4 de ce règlement, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'État membre responsable ;
12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...a sollicité l'asile le 13 avril 2015 ; qu'il a été entendu à cette date, avec l'assistance d'un interprète, par les services de la préfecture de la Moselle et qu'il a déposé, le même jour, sa demande d'admission au séjour dûment complétée ; qu'en outre, l'intéressé a été mis à même de faire valoir en temps utile, avant que n'intervienne la décision en litige de remise aux autorités italiennes, tout élément complémentaire relatif à sa situation personnelle susceptible d'avoir une incidence sur la détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile ; que, dans ces conditions, le préfet se trouvait dans l'un des cas prévu au b) du 2 de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 où il n'était pas tenu de mener un entretien individuel ;
13. Considérant, en quatrième lieu, que la décision contestée mentionne qu'il " n'y a pas lieu de faire usage du pouvoir discrétionnaire dont dispose le préfet de ne pas prendre [à l'encontre du demandeur] une décision de remise en Italie " ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le préfet se serait estimé en situation de compétence liée, en méconnaissance des articles 3 et 17 du règlement n° 604/2013 doit être écarté ;
14. Considérant, en dernier lieu, que le requérant, qui se borne à faire valoir de manière générale et sans apporter de précision quant à sa situation personnelle, que le système d'examen des demandes d'asile en Italie serait défaillant, n'est pas fondé à soutenir qu'il ne pourrait, pour cette raison, être remis à ce pays ;
En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
15. Considérant que, compte tenu de ce qui précède, la décision d'assignation à résidence n'est pas illégale en raison de l'illégalité de la décision de remise aux autorités italiennes ;
16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
17. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation des décisions contestées, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de M. A... à fin d'injonction doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
18. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée par M. A...sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête présentée par M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 16NC01133