Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 septembre 2016, et un mémoire enregistré le 30 novembre 2016, la SARL LB, représentée par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 31 août 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
2°) de condamner la commune de Reims à lui verser une provision de 60 000 euros à valoir sur la réparation de la totalité de son préjudice ;
3°) de condamner la commune de Reims à lui verser une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de débouter la commune de Reims de l'ensemble de ses demandes, plus amples ou contraires ;
Elle soutient que :
- elle justifie, par les documents produits en annexe de son mémoire du 29 novembre 2016, son existence légale et sa capacité d'ester en justice ;
- la nature des relations et conflits pouvant exister entre elle et la commune de Reims est totalement étrangère au présent litige et la mise en cause de la responsabilité sans faute du maître d'ouvrage ;
- il appartenait au juge des référés de ne tenir compte que des éléments objectifs et concrets qui lui étaient soumis pour les faits uniquement liés à la réalisation des travaux de rénovation de la fontaine Subé ;
- le premier juge a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle justifie que le dommage qu'elle a subi est anormal puisqu'il atteint un certain degré d'importance et de gravité ;
- ce dommage se matérialise par une érosion significative de son chiffre d'affaires due à une baisse de fréquentation ;
- ce dommage est spécial dans la mesure où elle est la seule à être ainsi pénalisée par les travaux litigieux ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2016, la commune de Reims, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête la société LB ;
2°) de condamner la société LB au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la société LB ne démontre pas qu'elle dispose toujours de la personnalité morale à la suite de la perte de son objet social, faute de quoi sa requête est irrecevable ;
- le juge administratif considère que lorsque la victime se trouve dans une situation irrégulière au moment du dommage, elle n'a aucun droit à réparation du dommage qui en est la cause directe ;
- le préjudice dont se prévaut la société requérante n'est ni anormal ni spécial ;
- la précarité de l'autorisation et la connaissance des travaux à réaliser n'ouvrent aucun droit à la société LB à solliciter une indemnisation ;
- la société LB ne démontre pas que la baisse de son chiffre d'affaires présenterait un lien direct et certain avec la réalisation des travaux ;
- le montant de la demande est sérieusement contestable ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. A compter du 11 janvier 2016, la ville de Reims a mis en oeuvre des travaux de consolidation, réparation, restitution, nettoyage et de voirie en vue de protéger le monument restauré et la remise en eau de la fontaine Subé, située sur la place d'Erlon. La SARL LB, qui exploite un fonds de commerce de café, restaurant et hôtel sous le nom " C... " interjette appel de l'ordonnance du 31 août 2016 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Reims à lui verser une provision de 60 000 euros à valoir sur la réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de ces travaux.
2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. (...) ". Il résulte de ces dispositions que pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui paraît revêtir un caractère de certitude suffisant.
3. La responsabilité du maître de l'ouvrage est engagée, même sans faute, à raison des dommages que l'ouvrage public dont il a la garde peut causer aux tiers. Il appartient toutefois au riverain d'une voie publique qui entend obtenir réparation des dommages qu'il estime avoir subis à l'occasion d'une opération de travaux publics à l'égard de laquelle il a la qualité de tiers d'établir, d'une part, le lien de causalité entre cette opération et les dommages invoqués, et, d'autre part, le caractère anormal et spécial de son préjudice, les riverains des voies publiques étant tenus de supporter, sans contrepartie, les sujétions normales qui leur sont imposées dans un but d'intérêt général.
4. En premier lieu, il est constant que le café " Latino " est resté ouvert du début des travaux jusqu'à sa cession à une autre société le 10 juin 2016.
5. En deuxième lieu, si la société requérante soutient que son établissement était enclavé en raison de l'implantation de palissades métalliques sur le trottoir tout autour de la fontaine, il ressort des photographies prises par un huissier, mandaté à sa demande, les 25 février, 5 et 6 avril 2016 qu'un passage d'une largeur de 4,60 mètres a été aménagé entre la terrasse couverte et la palissade, suffisant pour permettre des conditions d'accès normales de la clientèle, que l'enseigne horizontale " Latino " demeurait visible de la plus grande partie de la place d'Erlon et que la présence de palissades, compte tenu de leur implantation, ne pouvait priver de luminosité la terrasse intérieure pourvue d'un toit dépassant l'aplomb des vitrines de l'établissement.
6. En troisième lieu, la société LB n'apporte pas de précisions de nature à établir que les nuisances sonores provoquées par les travaux effectués auraient excédé celles couramment admises sur ce type de chantier et considérées comme devant être normalement supportées par les riverains.
7. En quatrième lieu, il n'est pas contesté que la société requérante n'a obtenu qu'à compter du 1er avril 2016 une autorisation d'occupation du domaine public, en vue de l'installation d'une terrasse découverte, pour une surface de 43 m², surface nécessairement limitée par rapport à des établissements voisins du fait de la présence de la terrasse couverte. Toutefois cette autorisation a été abrogée le 31 mai 2016, notamment en raison du non respect par l'intéressée, constaté dès le 15 avril 2016, de l'emprise qui avait été autorisée et de l'installation de mobilier hors de cette emprise. Dès lors, la société LB ne saurait, en tout état de cause, obtenir une indemnisation au motif qu'elle aurait connu une baisse de fréquentation de cette terrasse installée dans des conditions irrégulières.
8. En cinquième et dernier lieu, il n'est pas établi que les établissements voisins, dont les caractéristiques ne sont pas nécessairement comparables, auraient été moins impactés par les travaux litigieux que " Le Latino Café ".
9. Dans ces conditions, en admettant que la SARL LB ait subi un préjudice du fait des travaux susmentionnés, destinés à l'embellissement de la place d'Erlon, lieu éminemment touristique de la commune de Reims, il n'est pas établi que ce préjudice ait revêtu un caractère suffisamment anormal et spécial au regard des sujétions que les riverains des voies publiques doivent supporter sans indemnité dans l'intérêt général.
10. Il résulte de ce qui précède que la société LB n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'octroi d'une indemnité provisionnelle au motif que la créance dont elle se prévaut ne pouvait être regardée comme présentant un caractère non sérieusement contestable. Par suite, sa requête ne peut qu'être rejetée, sans qu'il soit besoin d'examiner sa recevabilité.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Reims, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la SARL LB demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune de Reims présentées sur le même fondement.
ORDONNE :
Article 1er : La requête de la SARL LB est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Reims présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la SARL LB et à la commune de Reims.
Fait à Nancy, le 2 décembre 2016.
La présidente de la Cour
Signé :
La République mande et ordonne au préfet de la Marne, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition conforme
Le Greffier en chef,
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16NC02134