Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 11 août 2014, M. C..., représenté par la Selarl d'avocats Actah, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 19 juin 2014 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ;
2°) de condamner la commune de Palavas-les-Flots à lui verser la somme totale de 1 340 845,50 euros, assortie des intérêts au taux légal, au titre du préjudice subi ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Palavas-les-Flots le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.
Il soutient que :
- le retrait illégal du permis de construire de régularisation qui lui avait été délivré engage la responsabilité de la commune ;
- le lien de causalité entre la faute du maire et chacun de ses préjudices est direct et certain ;
- il établit l'existence d'un préjudice moral.
Par mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2015, la commune de Palavas-les-Flots, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du requérant de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable pour ne pas être accompagnée du jugement attaqué ;
- il n'existe pas de lien de causalité entre la faute commise par son maire et les préjudices allégués ;
- seuls les préjudices concernant la période s'étendant entre la date du retrait illégal et la notification du jugement annulant ce retrait peuvent engager la responsabilité de l'administration.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Carassic,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant la commune de Palavas-les-Flots.
1. Considérant que, par arrêté du 16 septembre 1963, le maire de la commune de Palavas-les-Flots a autorisé l'édification sur la parcelle bâtie cadastrée section BC n° 28, sise 245 avenue de Saint-Maurice, d'une maison d'habitation composée d'un appartement au rez-de-chaussée et d'un autre au premier étage ; que, par deux arrêtés en date des 14 avril 1994 et 5 septembre 1994, le maire de la commune de Palavas-les-Flots a délivré à M. C... au nom de la SCI Genty, à l'époque propriétaire des lieux, deux permis de construire modificatifs l'autorisant, d'une part, à édifier sur l'immeuble existant un deuxième étage et à transformer le logement du rez-de-chaussée en deux garages pour créer une seule maison d'habitation, d'autre part, à agrandir deux baies au deuxième étage et à construire un escalier extérieur permettant d'accéder au balcon du premier étage et à la terrasse du deuxième étage ; que ces deux permis de construire ont été transférés, au bénéfice de M. C... en son nom personnel, par arrêté du maire en date du 21 novembre 1995 ; que M. C... ayant aménagé, sans autorisation, cinq logements dans cet immeuble en transformant notamment les deux garages en appartements et en créant ainsi illégalement un immeuble collectif, des poursuites pénales ont été engagées à son encontre ; que, par jugement du 23 mars 1998, le tribunal de grande instance de Montpellier a condamné M. C... à une amende de 10 000 francs et a ordonné la remise en état des lieux ; que, par arrêt du 8 novembre 2000, la cour d'appel de Montpellier a condamné M. C... au paiement d'une amende de 100 000 francs et a ordonné la mise en conformité avant le 30 juin 2001 de la construction avec les permis de construire transférés le 21 novembre 1995, sous astreinte de 300 francs par jour de retard passé ce délai ; que, par un arrêt du 4 décembre 2001, la Cour de Cassation a annulé partiellement l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 8 novembre 2000 en tant qu'il estimait que la mise en conformité des lieux s'étendrait au rétablissement d'un toit à deux pentes et qu'il fixait la date de point de départ de la liquidation des astreintes, mais a maintenu l'ensemble des autres dispositions de l'arrêt précité ; que M. C... a déposé, le 6 mars 2001, une demande de permis de construire afin de régulariser les travaux effectués sans autorisation ; que, par arrêté du 2 juillet 2001, le maire de la commune de Palavas-les-Flots lui a accordé ce permis de construire ; que, toutefois, estimant que ce permis avait été obtenu par fraude, le maire a, par arrêté du 8 décembre 2003, procédé au retrait de ce permis de construire ; que, par jugement en date du 29 juin 2007 confirmé par un arrêt définitif du 7 février 2008 de la Cour, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté de retrait du 8 décembre 2003 au motif qu'il était intervenu après l'expiration du délai de quatre mois courant de la délivrance du permis de construire du 2 juillet 2001; qu'estimant que la commune avait commis, en retirant illégalement le permis de construire dont il était titulaire, une faute de nature à engager sa responsabilité et que son immeuble collectif aurait été totalement régularisé depuis le 2 juillet 2001 sans l'intervention du retrait illégal de cette autorisation le 8 décembre 2003, M. C... a formé auprès de la commune de Palavas-les-Flots une demande indemnitaire préalable, restée sans réponse ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions indemnitaires ;
Sur la fin de non recevoir opposée à la requête d'appel par la commune de Palavas-les-Flots :
2. Considérant que le requérant a produit le 29 octobre 2015 à la demande de la Cour copie du jugement du 19 juin 2014 du tribunal administratif de Montpellier, en application de l'article R. 412-1 du code de justice administrative, applicable devant la Cour par renvoi de l'article R. 811-13 du même code ; que, par suite, la fin de non recevoir opposée par la commune tirée du défaut de production du jugement attaqué doit être écartée ;
Sur la responsabilité :
3. Considérant que l'illégalité de l'arrêté du 8 décembre 2003 par lequel le maire de la commune de Palavas-les-Flots a retiré le permis de construire, qui avait été délivré le 2 juillet 2001 à M. C..., et qui a justifié son annulation par le jugement du 29 juin 2007 du tribunal administratif de Montpellier, devenu définitif, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ; que le permis de construire du 2 juillet 2001 devant être regardé comme ayant été rétabli à compter de la date de lecture de ce jugement d'annulation, la période au titre de laquelle la responsabilité de la commune est engagée correspond à la période du 8 décembre 2003, date du retrait illégal au 29 juin 2007 ;
Sur la demande indemnitaire :
4. Considérant que la faute commise par la commune n'ouvre droit à indemnité que dans la mesure où M. C... justifie d'un préjudice certain en lien direct avec cette faute de l'administration ; que les premiers juges ont écarté l'ensemble de la demande indemnitaire de M. C... au motif que les chefs de préjudice ne présentaient pas de lien de causalité suffisamment direct et certain avec le retrait illégal du permis délivré le 2 juillet 2001 ;
En ce qui concerne les frais liés aux procédures pénales engagées :
5. Considérant, en premier lieu, que si le requérant soutient que le paiement des astreintes ordonnées par l'arrêt du 8 novembre 2000 de la cour d'appel de Montpellier jusqu'à la mise en conformité effective des lieux présente un lien de causalité direct avec le retrait illégal de son permis de construire, il ne conteste pas qu'il n'a pas procédé au règlement effectif des titres exécutoires émis pour leur recouvrement par le maire de la commune, laquelle verse au dossier la délibération du conseil municipal du 12 décembre 2006 portant admission en non-valeur de ces créances sur le budget communal ; que la réalité de ce chef de préjudice n'est ainsi pas établie ; que, par suite, ce chef de préjudice doit être écarté ;
6. Considérant, en second lieu, que si le requérant demande également le remboursement d'une somme de 600 euros que le juge judiciaire l'a condamné à verser à la commune de Palavas-les-Flots au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et d'une somme de 2 729,36 euros relative à des frais de procédure qu'il a engagés pour contester devant le juge judiciaire la liquidation par la commune de ces astreintes, ces frais, qui résultent du libre choix de M. C... de saisir le juge judiciaire, ne présentent pas de lien de causalité direct et certain avec l'illégalité fautive du retrait, le 8 décembre 2003, de son permis de construire par le maire ;
7. Considérant, enfin, et, en revanche, que les frais d'huissier engagés par le requérant pour établir entre l'année 2003 et l'année 2006 que sa construction était conforme aux prescriptions des permis modificatifs des 14 avril 1994 et 5 septembre 1994 résultent directement du retrait illégal de son permis de régularisation dès lors qu'en l'absence de cette décision, M. C... aurait pu établir devant le juge judiciaire la conformité des travaux réalisés sans avoir à exposer ces frais ; que M. C... justifie avoir exposé des frais d'huissier pour un montant de 1 318, 15 euros ; qu'il y a lieu d'allouer cette somme à M. C... en réparation de ce chef de préjudice ;
En ce qui concerne le coût des travaux et du prêt bancaire :
8. Considérant que le requérant demande l'indemnisation du coût des travaux nécessaires pour rétablir, après le retrait en 2003 du permis de régularisation de l'immeuble d'habitation de cinq appartements, la construction en maison individuelle conformément au permis transféré en 1994, puis après l'annulation de ce retrait, pour réaménager à nouveau cette maison individuelle en immeuble collectif conformément au permis de régularisation délivré en 2001 ; qu'il résulte toutefois de l'examen du devis établi le 29 août 2010 par l'entreprise EIH, produit par le requérant au soutien de sa demande, que les travaux en cause sont relatifs à la démolition totale de la construction existante pour reconstruire un immeuble neuf et ne correspondent pas aux seuls travaux nécessités par la mise en oeuvre du permis de construire de régularisation ; que le coût de ces travaux, qui résultent ainsi de la seule volonté de M. C..., ne présente pas de lien de causalité direct avec le retrait illégal du permis de construire qui n'induisait pas la réalisation de travaux de cette ampleur ; que le coût du prêt bancaire contracté par le requérant pour réaliser ces travaux ne présente pas davantage un tel lien de causalité ; que ces chefs de préjudice doivent ainsi être écartés ;
En ce qui concerne la perte des loyers :
9. Considérant que si M. C... soutient qu'il a été privé entre 2003 et 2011 date de la fin des travaux de conformité, du fait du retrait illégal en 2003 de son autorisation, de la perception des loyers des cinq appartements régularisés par le permis de construire du 2 juillet 2001, il n'établit pas que ces appartements étaient habituellement loués avant le retrait fautif du 8 décembre 2003 de son permis de construire et pendant la période où il aurait réalisé les travaux de conformité et ne rapporte pas la preuve que la location saisonnière de ces appartements lui permettait de réaliser des bénéfices une fois les charges afférentes payées ; que la réalité de ce chef de préjudice n'est ainsi pas établie et doit par suite être écarté ;
En ce qui concerne le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence :
10. Considérant que le requérant a subi du fait du retrait illégal de son permis de construire un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence pendant plus de trois années de procédure contentieuse, entre le retrait de son autorisation en 2003 et l'annulation de cette décision prononcée par le jugement du 29 juin 2007 du tribunal administratif de Montpellier ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice subi en condamnant la commune de Palavas-les-Flots à verser à M. C... une indemnité de 3 000 euros à ce titre ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions indemnitaires ; qu'il est fondé à demander la condamnation de la commune de Palavas-les-Flots à lui verser la somme totale de 4 318,15 euros au titre de l'ensemble des préjudice qu'il a subis ;
Sur les intérêts :
12. Considérant que M. C...a droit aux intérêts à taux légal de la somme de 4 318,15 euros à compter du 21 novembre 2011, date de réception par la commune de sa demande préalable formée le 18 novembre 2011 ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Palavas-les-Flots au titre des frais d'instance non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Palavas-les-Flots la somme de 2 000 euros à verser à M. C... au titre de ces dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 19 juin 2014 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : La commune de Palavas-les-Flots versera à M. C... la somme de 4 318,15 euros. Cette somme portera intérêts aux taux légal à compter du 21 novembre 2011.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : La commune de Palavas-les-Flots versera à M. C... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de la commune de Palavas-les-Flots présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C...et à la commune de Palavas-les-Flots.
Délibéré après l'audience du 4 novembre 2016, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- M. Portail, président-assesseur,
- Mme Carassic, première conseillère.
Lu en audience publique, le 22 novembre 2016.
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N° 14MA03575