Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 juin 2016, Mme A...F..., représentée Me B..., demande à la cour :
1) d'annuler ce jugement du 26 mai 2016 ;
2) d'annuler l'arrêté et la décision du préfet de Meurthe-et-Moselle du 19 mai 2016 ;
3) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ou de surseoir à statuer dans l'attente de la décision lui octroyant le bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
5) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, à verser à MeB..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- le préfet ne pouvait se fonder sur le 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il n'a pas procédé à un examen personnalisé de sa situation ;
- la décision contestée méconnaît l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision de placement en rétention administrative :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de celle fixant le pays de destination ;
- cette décision méconnaît l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreurs de fait ;
- compte tenu de ses garanties de représentation, le préfet aurait dû privilégier une mesure d'assignation à résidence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2016, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Mme F...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 août 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
LOnt été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Fuchs,
- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public.
1. Considérant que MmeF..., ressortissante arménienne née le 20 février 1990, est, selon ses déclarations, entrée irrégulièrement en France le 17 novembre 2014 en compagnie de son époux, M. C...D..., afin d'y solliciter le statut de réfugié ; que, dans le cadre de la procédure prioritaire, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile le 7 mars 2015 ; que son recours contre cette décision a été rejeté par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 25 septembre 2015 ; qu'elle a fait l'objet d'un premier arrêté, en date du 16 avril 2015, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; qu'en l'absence d'exécution de cet arrêté, elle a été assignée à résidence le 15 mars 2016, avec obligation de présentation ; que, par l'arrêté contesté du 19 mai 2016, le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligée à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée ; que, le même jour, il a ordonné son placement en rétention administrative ; que, par le jugement attaqué du 26 mai 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions ;
Sur les conclusions relatives à l'aide juridictionnelle provisoire et au sursis à statuer :
2. Considérant que Mme F...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 août 2016 ; que, par suite, ses conclusions tendant à ce que lui soit octroyée l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer ; que ses conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la décision d'aide juridictionnelle doivent être rejetées ;
Sur la légalité de l'arrêté du 19 mai 2016 portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
3. Considérant, en premier lieu, que la décision en litige vise les considérations de droit qui la fondent ; qu'elle détaille avec précision les différents éléments de la situation personnelle de Mme F...et est, par conséquent, également suffisamment motivée en fait ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'aurait pas procédé à l'examen de la situation personnelle de l'intéressée ; qu'en particulier, Mme F...ne peut soutenir que la situation de son mari n'aurait pas été prise en compte, dès lors que la décision contestée indique que celui-ci a également fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français consécutive au rejet de sa demande d'asile ; que la circonstance que la décision ne fait pas mention de la demande d'admission exceptionnelle au séjour introduite par M. D..., reçue le 19 avril 2016 en préfecture, n'est pas à elle seule de nature à faire regarder la décision en litige comme entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
5. Considérant, en troisième lieu, que Mme F...se borne à reprendre, sans apporter d'élément nouveau ni critiquer sur ce point le jugement attaqué, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le premier juge ;
6. Considérant, en quatrième lieu, que Mme F...soutient qu'en application des dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement tant qu'elle n'avait pas reçu notification des décisions lui refusant l'asile ; que, toutefois, le préfet produit en appel les accusés de réception des décisions de l'OFPRA et de la CNDA, prouvant que celles-ci ont été notifiées à l'intéressée respectivement le 6 mars 2015 et le 5 octobre 2015, soit antérieurement à l'arrêté contesté ; qu'ainsi, ce moyen doit être écarté ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
7. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que la décision en litige est suffisamment motivée en droit et, en particulier, vise l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle est également suffisamment motivée en fait, nonobstant la circonstance qu'elle ne fait pas précisément mention des éléments ayant permis au préfet de considérer qu'elle n'a pas établi être exposée à des traitements inhumains ou dégradants ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision en litige doit être écarté ;
9. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;
10. Considérant Mme F...fait valoir qu'elle craint pour son intégrité physique en cas de retour en Arménie, où son mari a été séquestré pour des raisons politiques et où elle a personnellement fait l'objet de menaces ; que, toutefois, et alors que ses allégations demeurent... ; qu'au demeurant, sa demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA puis par la CNDA ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers doit être écarté ;
Sur la légalité de la décision du 19 mai 2016 plaçant Mme F...en rétention administrative :
11. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de celle fixant le pays de destination doit être écarté ;
12. Considérant, en second lieu que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6, le moyen tiré de la violation de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison de l'absence de preuve de notification des décisions lui refusant l'asile doit être écarté ;
13. Considérant, en dernier lieu, que la décision en litige est motivée par le fait que MmeE..., qui ainsi qu'il a été dit au point 1 avait déjà fait l'objet d'un arrêté l'obligeant à quitter le territoire français le 16 avril 2015, n'a pas mis à profit le délai de 21 jours pendant lequel elle était assignée à résidence pour organiser son départ volontaire et qu'elle n'a pas déféré à sa convocation au poste de police le 5 avril 2016 ; que la décision indique également qu'elle se maintient dans un logement réservé aux primo-demandeurs d'asile ; que la circonstance qu'elle habite dans un hôtel depuis plusieurs mois ne saurait faire regarder la requérante comme disposant d'un logement stable, dès lors que cet hébergement est précaire ; que, compte tenu de ces différents éléments, qui sont attestés par les pièces du dossier, le préfet, qui n'a pas commis d'erreur de fait, a pu à bon droit regarder l'intéressée comme ne possédant pas de garanties de représentation effectives et la placer en rétention administrative ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme F...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées, le présent arrêt n'appelant aucune mesure d'exécution ; qu'il en va de même de ces conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'étant pas la partie perdante en la présente instance ;
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de Mme F...tendant à son admission provisoire à l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le surplus de la requête de Mme F...est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...F...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 16NC01220