Procédure devant la cour :
Par un recours enregistré le 20 septembre 2016, et un mémoire complémentaire enregistré le 13 décembre 2017, le ministre de la transition écologique et solidaire et le ministre de la cohésion des territoires demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 21 juillet 2016 et de rejeter la demande présentée par M. B...devant les premiers juges ;
2°) à titre subsidiaire, de réformer ce jugement en ramenant la somme au paiement de laquelle l'Etat a été condamné au montant de 12 143,77 euros.
Ils soutiennent que :
- les conclusions indemnitaires tendant à la réparation des pertes de revenus subies par M. B... au titre des années 2010 à 2013 étaient tardives et, par suite, irrecevables ;
- les premiers juges ont indemnisé les pertes de revenus en prenant en compte le montant brut des revenus dont il a été privé alors qu'il ne pouvait prétendre qu'à un montant net.
Par deux mémoires en défense enregistrés le 8 février 2017 et le 27 février 2018, M. C... B..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors que les ministres se bornent à solliciter une réduction de l'indemnité mise à la charge de l'Etat sans chiffrer leurs prétentions ;
- les conclusions des ministres présentées dans le mémoire du 13 décembre 2017 sont irrecevables dès lors qu'elles excèdent ce qui a été demandé dans la requête d'appel ;
- le caractère tardif du recours présenté contre la décision fixant le montant de sa prime n'a pas pour effet de rendre irrecevables ses conclusions indemnitaires présentées devant le tribunal ;
- lesdites conclusions sont recevables dès lors qu'elles ne sont pas fondées sur la seule illégalité de la décision pécuniaire lui attribuant la prime litigieuse, mais également sur l'illégalité de la décision prise antérieurement de ne pas appliquer le régime indemnitaire des agents d'administration centrale ;
- le caractère définitif de la décision pécuniaire ne saurait avoir pour conséquence l'irrecevabilité de ses conclusions indemnitaires, sauf à méconnaître l'article 1er du protocole n° 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, ne s'oppose pas à la présente contestation qui vise à l'indemniser de son préjudice, et non à l'annulation d'une décision ;
- l'application de ce principe est contraire aux dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 ;
- le dialogue social engagé par l'employeur constitue une circonstance particulière justifiant que son recours soit présenté au delà du délai requis ;
- les autres moyens soulevés par les ministres ne sont pas fondés.
L'instruction a été close à la date du 16 mars 2018 par une ordonnance du 2 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., pour M.B....
1. Considérant que M.B..., attaché d'administration affecté depuis le 11 juillet 2008 à la délégation de Nancy de la mission interministérielle d'inspection du logement social (MIILOS), a été admis à faire valoir ses droits à la retraite le 1er avril 2014 ; que l'intéressé, destinataire d'une décision datée du 11 décembre 2013 lui attribuant un montant de prime de fonctions et de résultats d'un montant de 11 853 euros pour l'année 2013, a constaté que ce montant avait été fixé selon le régime indemnitaire applicable aux agents affectés dans les services déconcentrés ; qu'il a, par un courrier du 6 mai 2014, demandé à l'administration que sa prime soit fixée selon le régime applicable aux agents des administrations centrales ; que M. B...a saisi le tribunal administratif de Nancy d'une demande tendant à l'annulation de la décision implicite rejetant sa demande du 6 mai 2014 et à la condamnation de l'Etat à réparer, outre son préjudice moral, le préjudice financier résultant du refus de lui octroyer le bénéfice du régime indemnitaire auquel il estime avoir droit au titre des années 2010 à 2013 ; que, par un jugement du 21 juillet 2016 dont le ministre de la transition écologique et solidaire et le ministre de la cohésion des territoires font appel, le tribunal administratif de Nancy a annulé la décision implicite de rejet, a condamné l'Etat à verser à l'intéressé la somme de 13 317 euros en réparation de son préjudice financier et a rejeté le surplus de ses conclusions ;
Sur la recevabilité du recours :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa version applicable : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée " ; qu'aux termes de l'article R. 411-1 du même code : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les noms et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours " ; qu'en application de l'article R. 811-13 de ce code : " Sauf dispositions contraires prévues par le présent titre, l'introduction de l'instance devant le juge d'appel suit les règles relatives à l'introduction de l'instance de premier ressort définies au livre IV " ;
3. Considérant que ni les articles R. 421-1 et R. 411-1 du code de justice administrative, ni aucune règle de procédure applicable devant la juridiction administrative n'imposent, à peine d'irrecevabilité, que des conclusions tendant à la réformation d'un jugement condamnant l'administration au versement d'une somme d'argent soient chiffrées devant le juge d'appel avant l'expiration du délai de recours contentieux ; que si ces conclusions doivent en principe être chiffrées devant le juge d'appel, une absence de chiffrage est régularisable même après l'expiration du délai d'appel tant qu'il a pas été statué sur le recours ; qu'en l'espèce, par un mémoire complémentaire enregistré le 13 décembre 2017, les ministres requérants ont précisé la somme qui, selon eux, doit venir en déduction de l'indemnité allouée par le tribunal administratif ; que, par suite, la fin de non recevoir opposée par M. B...tirée de ce que les ministres auraient omis de chiffrer leurs prétentions dans leur recours ne peut qu'être écartée ;
4. Considérant, en revanche, que les ministres ont interjeté appel du jugement accordant une indemnité à M. B...en se bornant à soutenir dans leur recours que les premiers juges ont, à tort, indemnisé les pertes de revenus subies par l'intéressé en prenant en compte le montant brut de ces revenus alors qu'il ne pouvait prétendre qu'à un montant net ; que les ministres concluaient à la réformation du jugement attaqué dans cette seule mesure ; que, dans leur mémoire en réplique enregistré après l'expiration du délai d'appel, les ministres soutiennent en outre que l'intéressé ne pouvait prétendre à aucune réparation de ses pertes de revenus au titre des années 2010 à 2013 et demandent en conséquence une réduction supplémentaire de la condamnation mise à la charge de l'Etat ; que ces conclusions additionnelles des ministres, présentées tardivement, ne sont pas recevables ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'après avoir constaté que la MIILOS présentait le caractère d'une administration centrale et que M. B...était fondé en conséquence à bénéficier du régime indemnitaire applicable aux agents affectés dans les services centraux, le tribunal administratif a évalué son préjudice financier à la somme de 13 317 euros en retenant la différence entre le montant de prime perçu par l'intéressé au cours des années litigieuses, calculé selon le régime indemnitaire applicable aux agents des services déconcentrés, et le montant correspondant à la prime versée aux agents d'administration centrale occupant des fonctions similaires et justifiant d'une appréciation équivalente de leur manière de servir ; que les ministres requérants ne contestent pas le droit de M. B...à bénéficier du régime indemnitaire d'administration centrale ; qu'il résulte en revanche de l'instruction que, pour calculer la somme due à l'intéressé, les premiers juges ont pris en compte le montant brut des revenus indemnitaires dont il a été privé et non leur montant net ; qu'il ressort des éléments produits sur ce point par les ministres requérants, non sérieusement contestés par M.B..., que le supplément de prime auquel il peut prétendre au titre des années 2010 à 2013 s'établit au montant net de 12 143,77 euros ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés par le ministre de la transition écologique et solidaire et le ministre de la cohésion des territoires, que ceux-ci sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a condamné l'Etat à verser à M. B... une somme supérieure à 12 143,77 euros ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme dont M. B... demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La somme de 13 317 euros que l'Etat a été condamné à verser à M. B...par le jugement du tribunal administratif de Nancy n° 1402304 du 21 juillet 2016 est ramenée à 12 143,77 euros (douze mille cent quarante-trois euros et soixante-dix-sept centimes).
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nancy n° 1402304 du 21 juillet 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et solidaire, au ministre de la cohésion des territoires et à M. C...B....
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N° 16NC02108