Par une requête enregistrée le 24 octobre 2018, le préfet du Doubs demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 25 septembre 2018 et de rejeter la demande présentée par Mme B...épouse A...en première instance.
       Le préfet du Doubs soutient que :
       - Mme A...est en mesure de bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, dans les conditions prévues par les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
       - la décision de refus de séjour est suffisamment motivée ;
       - ce refus de séjour ne porte pas atteinte son droit à une vie privée et familiale normale ;
       - il n'avait pas à recueillir les observations de l'intéressée avant de l'obliger à quitter le territoire français ;
       - le collège de médecins, qui a estimé qu'aucun traitement approprié n'était disponible dans le pays d'origine, n'avait pas à se prononcer sur sa capacité à voyager sans risque vers ce pays ;
       - l'ensemble des décisions prises à l'encontre de Mme A...étant légales, cette dernière ne saurait exciper de l'illégalité de l'une d'entre elles ;
       - l'intéressée ne démontre pas que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auraient été méconnues.
       Par un mémoire en défense enregistré le 30 janvier 2019, Mme B...épouse A... conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
       Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
       Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 février 2019.
       Vu les autres pièces du dossier.
       Vu :
       - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
       - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
       - le code des relations entre le public et l'administration ;
       - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
       - le code de justice administrative.
       Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
       Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
       Le rapport de M. Guérin-Lebacq a été entendu au cours de l'audience publique.
       Considérant ce qui suit :
       1. MmeA..., ressortissante albanaise née le 2 décembre 1965, est entrée en France le 20 mai 2017 et a présenté, le 21 juillet 2017, une demande de titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 12 avril 2018, le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du pays dont elle a la nationalité. Le préfet du Doubs relève appel du jugement du 25 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Besançon a annulé cet arrêté.
       Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
       2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".
       3. Il ressort des pièces du dossier que, dans son avis du 14 décembre 2017, le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que l'état de santé de Mme A...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existait pas de traitement approprié dans son pays d'origine. Selon le certificat médical établi le 2 mai 2018 par l'un des médecins du service de pneumologie et d'oncologie thoracique du centre hospitalier régional universitaire de Besançon, Mme A...souffre d'un adénocarcinome pulmonaire bronchique d'emblée métastasique au niveau pulmonaire et surrénalien, pour lequel elle bénéficie d'un traitement chimiothérapique associant les médicaments Pemetrexed, Bevacizumab et Cisplatine. Ni la fiche du 27 juin 2014 intitulée " Medical country of origin information ", se rapportant à la prise en charge des pathologies mentales et rénales en Albanie, ni le rapport de juillet 2017 et les documents émanant de l'ambassade de France qui comportent des considérations générales sur le système de soins albanais et les conditions de prise en charge financière des patients ne sont de nature à justifier de l'existence d'un traitement approprié à l'état de santé de Mme A...dans son pays d'origine. S'il ressort d'une seconde fiche " Medical country of origin information " du 2 août 2018 qu'un patient atteint d'une pathologie similaire à celle de la requérante a pu bénéficier, en Albanie, de soins mettant en oeuvre le Pemetrexed et le Cisplatine, il n'en ressort pas que le Bevacizumab, également nécessaire au traitement de MmeA..., serait disponible dans son pays d'origine. Il n'est pas établi que ce médicament, non plus que les deux autres, figurerait dans la liste des médicaments remboursables en Albanie, produite par le préfet en appel. Dans ces conditions, le préfet du Doubs ne démontre pas que, contrairement à l'avis du collège de médecins, Mme A...pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine, dans les conditions prévues par les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
       4. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Doubs n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a annulé son arrêté du 12 avril 2018.
       Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
       5. Mme A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Dravigny, avocate de MmeA..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Dravigny de la somme de 1 500 euros.
D E C I D E :
      Article 1er : La requête du préfet du Doubs est rejetée.
      Article 2 : L'Etat versera à Me Dravigny, avocate de MmeA..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Dravigny renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
      Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... épouse A...et au ministre de l'intérieur.
      Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
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N° 18NC02878