1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 5 avril 2018 ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet de Meurthe-et-Moselle du 23 janvier 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de leur délivrer un titre de séjour ou, à défaut, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de leur accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du bureau d'aide juridictionnelle sur leur demande d'aide juridictionnelle ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à leur conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Ils soutiennent que :
- les obligations de quitter le territoire ne sont pas suffisamment motivées ;
- ils n'ont pas été mis à même de présenter leur observations préalablement à l'édiction des obligations de quitter le territoire, en méconnaissance du droit d'être entendu découlant de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- en prenant à leur encontre des obligations de quitter le territoire, le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que leur présence en France constituait une menace à l'ordre public ;
- les décisions fixant le pays de renvoi ne sont pas suffisamment motivées ;
- les décisions fixant le pays de renvoi méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les décisions portant interdiction de retour ne sont pas suffisamment motivées ;
- les décisions portant interdiction de retour méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire, enregistré le 13 septembre 2018, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il indique qu'il se réfère aux arguments qu'il a développés dans ses écritures de première instance.
M. D...et Mme E...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 24 mai 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Haudier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E...et M.D..., qui déclarent, en dernier lieu, être de nationalité azerbaïdjanaise, sont entrés irrégulièrement en France en 2012. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 29 août 2014, confirmées par des décisions de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 22 mars 2016. Leurs demandes de réexamen de leurs demandes d'asile ont également été rejetées par l'OFPRA le 7 juin 2016 puis par la CNDA le 4 octobre 2016. Par deux arrêtés du 23 septembre 2016, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, a assorti ces décisions d'obligations de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé les pays de renvoi. Par un jugement du 18 avril 2017 le tribunal administratif de Nancy a annulé les décisions fixant les pays à destination desquels Mme E...et M. D...pouvaient être renvoyés. Mme E...et M. D...ont présenté, le 18 mai 2017, des demandes de titre de séjour, en se prévalant de leur vie privée et familiale et en présentant une promesse d'embauche. Ces demandes ont été rejetées par des décisions implicites du préfet de Meurthe-et-Moselle du 18 septembre 2017 dont les motifs leurs ont été indiqués, à leur demande, par courriers du 17 novembre 2017. Enfin, par deux arrêtés du 23 janvier 2018, le préfet de Meurthe-et-Moselle les a obligés à quitter le territoire français sans délai, a fixé les pays à destination desquels ils pourront être éloignés et a pris à leur encontre des interdictions de retour sur le territoire français d'une durée de trente mois. Mme E... et M. D...relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur les conclusions aux fins d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle et de sursis à statuer :
2. Mme E...et M. D...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 24 mai 2018. Les demandes susvisées sont ainsi devenues sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire :
3. En premier lieu, les décisions litigieuses, dont la motivation n'est pas stéréotypée, comportent les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Le moyen tiré du défaut de motivation de ces décisions ne peut ainsi qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, si, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant. Il résulte, toutefois, également de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
5. De plus si, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour, il n'implique pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur les décisions accompagnant cette décision, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.
6. En l'espèce Mme E...et M. D...ont pu présenter les observations qu'ils estimaient utiles sur leur situation dans le cadre de l'examen des différentes demandes de titre de séjour qu'ils ont présentées. Par ailleurs, n'ayant pas déféré aux mesures d'éloignement dont ils avaient précédemment fait l'objet et se trouvant en situation irrégulière, ils ne pouvaient ignorer qu'ils pouvaient faire l'objet de nouvelles mesures d'éloignement. Ils n'apportent, enfin, pas d'élément de nature à établir qu'ils n'ont pas pu, préalablement à l'édiction des décisions litigieuses et notamment lors de leur audition par les services de police, présenter des observations et indiquer les raisons qui faisaient obstacle à leur éloignement ou à l'édiction des décisions prises à leur encontre. Les requérants ne peuvent, par suite, pas être regardés comme ayant été privés de leur droit à être entendu garanti par le droit de l'Union.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Les intéressés font valoir qu'ils sont entrés en France en 2012 et que leurs enfants y sont scolarisés. Toutefois, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment des conditions de séjour des intéressés sur le territoire national et alors qu'ils n'établissent pas être isolés dans leur pays d'origine, il ne ressort pas des pièces du dossier que les décisions litigieuses ont porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises. Les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont ainsi pas été méconnues.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
10. Mme E...et M. D...n'apportent aucun élément de nature à établir que la cellule familiale ne peut pas se reconstituer en dehors du territoire national et que leurs enfants ne pourront pas poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine. Il ne ressort, par suite, pas des pièces du dossier que les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ont été méconnues.
11. En dernier lieu, il ne ressort pas des termes des décisions litigieuses que le préfet se serait fondé sur la circonstance que leur présence en France constituait une menace à l'ordre public pour prendre à leur encontre une obligation de quitter le territoire. Le moyen tiré de ce que c'est à tort que le préfet a retenu l'existence d'une telle menace est, par suite, inopérant.
En ce qui concerne les décisions fixant le pays de renvoi :
12. En premier lieu, les décisions litigieuses, dont la motivation n'est pas stéréotypée, comportent les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Le moyen tiré du défaut de motivation de ces décisions ne peut ainsi qu'être écarté.
13. En second lieu, les requérants, dont les demandes d'asile et les demandes de réexamen ont toutes été rejetées tant par l'OFPRA que par la CNDA, n'apportent aucun élément de nature à établir que les décisions fixant les pays à destination desquels ils pourront être éloignés seraient intervenues en violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente mois :
14. En premier lieu, les décisions litigieuses, dont la motivation n'est pas stéréotypée, comportent les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Le moyen tiré du défaut de motivation de ces décisions ne peut ainsi qu'être écarté.
15. En second lieu et compte tenu notamment des circonstances énoncées au point 8, il ne ressort pas des pièces du dossier que les décisions litigieuses ont porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises. Les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont ainsi pas été méconnues.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...et Mme E...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes. Leurs conclusions à fin d'injonction et leurs conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de Mme E...et M. D... tendant à leur admission provisoire à l'aide juridictionnelle et à l'obtention d'un sursis à statuer.
Article 2 : Le surplus de la requête de Mme E...et M. D...est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D..., à Mme A...E...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 18NC01339