Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 juillet 2014, complétée par un mémoire en réplique enregistré le 19 novembre 2015, Mme D..., représentée par MeB..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 5 mai 2014 ;
2°) de condamner le département du Bas-Rhin à lui verser les sommes de 90 000 euros en réparation du harcèlement moral qu'elle subit depuis
trois ans, de 30 000 euros en réparation du dénigrement dont elle fait l'objet, de 18 000 euros en réparation des troubles subis dans ses conditions d'existence et de 5 000 euros en réparation du préjudice moral résultant de la mesure de suspension provisoire prise à son encontre, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2013 et de la capitalisation de ces intérêts ;
3°) d'enjoindre au président du conseil général du Bas-Rhin de la rétablir dans ses droits à l'avancement en exécution de l'annulation de l'arrêté du 30 mai 2013 lui infligeant la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois, dans un délai de trente jours sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge du département du Bas-Rhin la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que la somme de 35 euros correspondant à la contribution pour l'aide juridique prévue par l'article R. 761-1 du même code et acquittée devant les premiers juges.
Elle soutient que :
- l'annulation de la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois implique nécessairement la reconstitution de son ancienneté et de ses droits à l'avancement ;
- les premiers juges ont omis de statuer sur sa demande tendant au remboursement de la somme de 35 euros correspondant à la contribution pour l'aide juridique prévue par l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;
- elle a subi des faits constitutifs de harcèlement moral dès lors que ses aptitudes professionnelles ont été dénigrées, qu'elle a fait l'objet d'accusations infondées, que des fonctions normalement dévolues à un agent de catégorie C lui ont été confiées et que la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois était injustifiée ;
- elle a informé sa hiérarchie de ces faits ;
- elle a subi des troubles dans ses conditions d'existence en raison du risque d'être révoquée à l'âge de 53 ans, de la chance sérieuse perdue par son conjoint qui a renoncé à un congé individuel de formation, de l'échec d'une perspective de détachement auprès de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement des Vosges, et de l'engagement de frais de procédure devant le conseil de discipline ;
- l'indemnisation allouée au titre de la suspension provisoire ne répare que les pertes indemnitaires tandis que l'indemnisation accordée au titre de l'exclusion temporaire de fonctions répare les pertes indemnitaires et de traitement ;
- l'augmentation de sa cotisation auprès de la Mutuelle régionale d'Alsace est imputable à l'exclusion temporaire de fonctions dès lors que cet organisme lui a appliqué le tarif prévu pour les adhérents extérieurs à l'administration pendant la période d'éviction irrégulière.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 septembre 2014, et un mémoire complémentaire enregistré le 3 octobre 2014, le département du Bas-Rhin, représenté par MeA..., conclut, dans le dernier état de ses écritures :
1°) à ce que la cour prononce un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'injonction de la requérante et au rejet du surplus de la requête ;
2°) à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il annule l'arrêté du 30 mai 2013, condamne l'administration au versement d'une somme totale de 16 051,58 euros en réparation des préjudices subis par la requérante et enjoint au président du conseil général de supprimer toute mention de la sanction précitée dans le dossier de l'intéressée et de procéder au rétablissement des droits à pension de celle-ci pendant la période d'exclusion temporaire de fonctions ;
3°) à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le département du Bas-Rhin fait valoir que :
- le tribunal administratif n'était pas tenu d'enjoindre à l'administration de rétablir la requérante dans ses droits à l'avancement ;
- les faits allégués de harcèlement moral ne sont pas établis ou ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement ;
- les troubles dans les conditions d'existence ne sont pas établis ;
- la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pendant une durée de trois mois n'est pas disproportionnée au regard de l'ampleur des fautes commises par la requérante ;
- la requérante n'a droit à aucune indemnisation à raison de pertes indemnitaires, dès lors que ni la mesure de suspension provisoire prononcée le 31 janvier 2013 à son encontre, ni la sanction d'exclusion temporaire de fonctions ne sont illégales ;
- à tout le moins, cette indemnisation doit tenir compte de l'importance respective des irrégularités entachant les mesures contestées et les fautes commises par l'agent ;
- le montant de l'indemnisation retenue par les premiers juges au titre de la période d'exclusion temporaire de fonctions n'est pas justifié ;
- ce montant, correspondant à une période de six mois, ne saurait être cinq fois supérieur au montant retenu au titre de la période de suspension provisoire, d'une durée de quatre mois ;
- la requérante ne démontre pas que son exclusion temporaire de fonctions serait à l'origine d'une augmentation de sa cotisation auprès de la Mutuelle régionale d'Alsace.
La clôture d'instruction a été fixée au 2 décembre 2015 par une ordonnance du 16 novembre 2015 prise en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq,
- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public.
Une note en délibéré a été produite pour Mme C...le 1er février 2016.
1. Considérant que Mme C...a été recrutée comme agent contractuel par le département du Bas-Rhin le 1er juin 1997, puis titularisée en qualité d'attachée territoriale le 1er décembre 2003 ; que, réintégrée dans les effectifs du département après une période de détachement auprès de l'office national des anciens combattants et victimes de guerre du 1er février 2008 au 31 janvier 2010, elle a été affectée à la direction générale des services de la collectivité puis, le 26 avril 2010, à la " maison du conseil général de la communauté urbaine de Strasbourg ", à Bischeim, où elle a été chargée d'organiser les missions de logistique et d'accueil ; que, par un arrêté du 23 août 2011, le président du conseil général du Bas-Rhin a infligé un blâme à Mme C... ; que, par deux autres arrêtés du 31 janvier 2013 et du 31 mai 2013, l'intéressée a été provisoirement suspendue de ses fonctions puis a fait l'objet, à titre disciplinaire, d'une exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois à compter du 1er juin 2013 ; que Mme C... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg en vue d'obtenir l'annulation des sanctions des 23 août 2011 et 31 mai 2013, la condamnation de la collectivité territoriale à l'indemniser des préjudices résultant des mesures prises à son encontre et, plus généralement, des agissements de l'administration à son égard, pour un montant total fixé à 148 174,17 euros, et a assorti ses demandes de conclusions à fin d'injonction ; que, par un jugement du 5 mai 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les arrêtés des 23 août 2011 et 31 mai 2013, a limité à 16 051,58 euros la somme mise à la charge du département du Bas-Rhin en réparation des préjudices subis par la requérante et a enjoint à l'administration de supprimer toute mention des sanctions annulées dans le dossier de l'intéressée et de procéder au rétablissement des droits à pension de celle-ci pendant la période d'exclusion temporaire de fonctions ; que Mme C...relève appel de ce jugement et demande à la cour d'augmenter le montant des réparations mis à la charge de l'administration ; que, par la voie d'un appel incident, le département du Bas-Rhin demande à la cour la réformation du jugement attaqué en tant qu'il annule la sanction du 31 mai 2013 et le condamne à réparer les préjudices de la requérante ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 613-2 du même code : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne " ; qu'aux termes de l'article R. 613-3 du même code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction. / Si les parties présentent avant la clôture de l'instruction des conclusions nouvelles ou des moyens nouveaux, la juridiction ne peut les adopter sans ordonner un supplément d'instruction " ; qu'aux termes de l'article R. 613-4 du même code : " Le président de la formation de jugement peut rouvrir l'instruction par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. (...) / La réouverture de l'instruction peut également résulter d'un jugement ou d'une mesure d'investigation ordonnant un supplément d'instruction. / Les mémoires qui auraient été produits pendant la période comprise entre la clôture et la réouverture de l'instruction sont communiqués aux parties " ; qu'il résulte de ces dispositions que lorsqu'il décide de soumettre au contradictoire une production de l'une des parties après la clôture de l'instruction, même si cette production a été enregistrée avant celle-ci, le président de la formation de jugement du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction ;
3. Considérant qu'avant de statuer sur la requête présentée par Mme C...tendant notamment à l'annulation de l'arrêté du 31 mai 2013, enregistrée au greffe du tribunal administratif sous le n° 1303352, le président de la formation de jugement a fixé, par voie d'ordonnance, la date de clôture de l'instruction au 20 mars 2014 à midi ; qu'un mémoire en défense a été produit par le département du Bas-Rhin devant le tribunal administratif de Strasbourg le 19 mars 2014, au moyen d'une télécopie régularisée par la réception du document original le 22 mars 2014 ; qu'il ressort des pièces du dossier que ce mémoire a été transmis à Mme C...après la clôture de l'instruction ; qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que cette communication a eu pour effet de rouvrir l'instruction ; que, dans son mémoire enregistré le 1er avril 2014 au greffe de la juridiction, en réplique au mémoire précité du département, Mme C...demandait au tribunal administratif qu'une somme de 35 euros soit mise à la charge de l'administration au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ; que le tribunal administratif a omis de se prononcer sur ces conclusions ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler son jugement en date du 5 mai 2014 en tant qu'il n'a pas statué sur ces conclusions ;
4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme C...tendant à ce qu'une somme de 35 euros soit mise à la charge de l'administration en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative et de statuer, par l'effet dévolutif de l'appel, sur le surplus des conclusions de la requête ;
Sur la légalité de l'arrêté du 31 mai 2013 infligeant à Mme C...une sanction d'exclusion temporaire de fonctions :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 89 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : l'avertissement ; le blâme ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; Deuxième groupe : l'abaissement d'échelon ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; Troisième groupe : la rétrogradation ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; Quatrième groupe : la mise à la retraite d'office ; la révocation (...) " ; qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal du conseil de discipline du 29 mai 2013, que Mme C...a fait preuve, dans l'exercice de ses fonctions à la maison du conseil général, de plusieurs manquements au devoir d'obéissance, résultant notamment du refus de l'intéressée de respecter les consignes de sa hiérarchie afférentes à la fourniture de bilans d'activités, aux procédures applicables pour la location de salles, à la tenue d'une veille documentaire, aux conditions de diffusion de la revue de presse et à l'information de ses supérieurs hiérarchiques et des agents d'accueil placés sous sa responsabilité ; que ces faits présentent un caractère fautif et sont de nature à justifier, le cas échéant, le prononcé d'une sanction disciplinaire ; que toutefois, Mme C...a fait l'objet d'une exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois, laquelle relève du troisième groupe de sanctions dans l'échelle prévue par les dispositions précitées de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 ; que si les faits reprochés à la requérante révèlent, par leur réitération, un comportement général répréhensible de la part d'un agent d'encadrement, le degré de gravité qu'ils présentent n'est pas tel, compte tenu notamment de leurs conséquences sur le fonctionnement du service, qu'ils justifient une exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, cette sanction revêt un caractère disproportionné ; qu'au demeurant, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de l'annulation de ladite sanction par le jugement attaqué, l'administration a infligé un blâme à MmeC... ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le département du Bas-Rhin n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 31 mai 2013 infligeant la sanction d'exclusion temporaire de fonctions à Mme C... et l'a condamné à en réparer les conséquences dommageables ;
Sur les préjudices de Mme C...:
En ce qui concerne les conséquences dommageables de la mesure de suspension provisoire :
S'agissant de la légalité de la mesure de suspension :
8. Considérant qu'aux termes de l'article 30 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline / Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions (...) " ;
9. Considérant qu'il n'est pas contesté que le département du Bas-Rhin a décidé de suspendre provisoirement Mme C...de ses fonctions à la suite de manquements réitérés au devoir d'obéissance, rappelés au point 6 ; que les faits reprochés à MmeC..., pour vraisemblables qu'ils soient à la date de la décision de suspension, ne présentaient pas un caractère de gravité suffisant pour justifier une telle mesure ; qu'ainsi, cette mesure est entachée d'une illégalité susceptible d'engager la responsabilité de l'administration ;
S'agissant des préjudices de MmeC... :
10. Considérant, d'une part, qu'en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre ; que sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité ;
11. Considérant, d'autre part, que pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressée avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser les frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions ; qu'enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction ;
12. Considérant, en premier lieu, qu'en application des dispositions précitées de l'article 30 de la loi susvisée du 13 juillet 1983, Mme C...a été privée, pendant la période de suspension provisoire, de l'ensemble de ses indemnités, à l'exception de l'indemnité de résidence ; que, selon le bulletin de paie relatif au mois de janvier 2013, le montant mensuel de la prime de fonction et de la prime dite " de parcours professionnel " s'établit à 633,48 euros ; qu'il n'est pas contesté que la requérante avait, pour la période de suspension provisoire, une chance sérieuse de percevoir ces deux primes qui lui étaient auparavant versées chaque mois ; qu'il ne résulte pas de l'instruction et qu'il n'est pas allégué que ces mêmes primes seraient destinées à compenser les frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions ; qu'ainsi, la perte des primes et indemnités subie par Mme C...pendant la période précitée de quatre mois s'établit à 2 533,60 euros ; qu'en dépit des fautes relevées à l'encontre de la requérante, ce préjudice financier présente un lien direct de causalité avec la suspension irrégulière de l'intéressée ; qu'il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient le département du Bas-Rhin, les premiers juges n'ont pas fait une évaluation excessive du préjudice subi par la requérante en lui allouant une somme de 2 533,60 euros ;
13. Considérant, en second lieu, qu'ainsi que le soutient MmeC..., la suspension provisoire dont elle a fait l'objet est à l'origine d'un préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation en l'évaluant à 2 000 euros ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le département du Bas-Rhin n'est pas fondé à demander la décharge des indemnités qu'il a été condamné à verser à la requérante en réparation des conséquences dommageables de la suspension provisoire ; qu'en revanche, Mme C... est fondée à demander que le montant de ces indemnités soit porté de 2 533,60 euros à 4 533,60 euros ;
En ce qui concerne les conséquences dommageables de la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une période de six mois :
15. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment du bulletin de paie relatif au mois de janvier 2013, que le salaire mensuel Mme C...s'établit, avant déduction de la cotisation versée à la Mutuelle territoriale régionale d'Alsace, à la somme de 2 297,93 euros, incluant la prime de fonction et la prime dite " de parcours professionnel " ; qu'il n'est pas contesté que la requérante avait, comme pour la période de suspension provisoire, une chance sérieuse de percevoir ces deux primes pendant la période d'exclusion temporaire de fonctions ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 12, il ne résulte pas de l'instruction que ces mêmes primes seraient destinées à compenser les frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions ; qu'ainsi, la perte du traitement et des primes et indemnités subie par Mme C...pendant la période d'exclusion temporaire de six mois s'établit à 13 787,58 euros ; qu'en dépit des fautes relevées à l'encontre de Mme C...dans le cadre de la procédure disciplinaire, ce préjudice financier présente un lien direct de causalité avec l'éviction irrégulière de l'intéressée ; qu'il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient le département du Bas-Rhin, les premiers juges n'ont pas fait une évaluation excessive du préjudice subi par la requérante en lui allouant une somme de 13 285 euros ;
16. Considérant, en deuxième lieu, que les premiers juges ont condamné l'administration à verser la somme de 232,98 euros à Mme C...à raison d'une majoration, pendant la période d'exclusion temporaire de fonctions, du montant des cotisations versées à la Mutuelle territoriale régionale d'Alsace ; que toutefois, il ne ressort pas du courrier du 19 août 2013 par lequel cet organisme mutualiste réclame la somme de 778,36 euros à MmeC..., en dépit des indications manuscrites y figurant, que la requérante aurait été considérée comme un adhérent extérieur à la fonction publique pendant sa période d'exclusion temporaire et aurait subi à ce titre une augmentation de ses cotisations ; qu'ainsi, le département du Bas-Rhin est fondé à demander la décharge de la somme de 232,98 euros ;
17. Considérant, en dernier lieu, que les frais d'avocat exposés par Mme C...pendant la procédure disciplinaire ne sauraient donner lieu à une indemnisation, alors qu'elle n'était pas tenue de se faire assister par un avocat au cours de cette procédure et que celle-ci était justifiée par les fautes relevées à son encontre ; que la requérante n'apporte aucun élément de nature à établir qu'un détachement lui aurait été refusé dans les services de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement en raison de la sanction litigieuse ; que si Mme C... soutient encore que, en raison de l'exclusion temporaire de fonctions annulée par les premiers juges, son époux a renoncé au congé de formation qui lui avait été accordé pour se préparer à un concours, il n'est pas établi que cette circonstance serait à l'origine de troubles dans les conditions d'existence de l'intéressée ; que, par suite, Mme C...n'est pas fondée à solliciter une indemnisation à ce titre ;
En ce qui concerne les conséquences dommageables du harcèlement moral allégué par Mme C...et du dénigrement professionnel dont elle prétend faire l'objet :
18. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi susvisée du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) " ;
19. Considérant, d'une part, qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
20. Considérant, d'autre part, que, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ;
21. Considérant, en premier lieu, que si Mme C...fait état de sa fiche d'évaluation de l'année 2012, laquelle mentionne par erreur que son poste relève du cadre d'emplois des adjoints administratifs, il résulte de l'instruction que ses missions de gestion des moyens logistiques de la maison du conseil général, de pilotage des actions de communication et des relations publiques se rapportant aux politiques du département, et d'élaboration et de diffusion de la revue de presse sont de celles qui peuvent être confiées à un attaché d'administration ; qu'en outre, Mme C...a elle-même reconnu que ses fonctions correspondaient à celles d'un agent d'encadrement au cours d'un entretien le 6 mars 2013 avec les responsables de la direction des ressources humaines, ainsi qu'il ressort du compte-rendu de cet entretien produit à l'instance ;
22. Considérant, en deuxième lieu, que si la représentante de l'administration a indiqué, lors de la séance de la commission administrative paritaire appelée à se prononcer le 31 août 2011 sur la demande de révision de l'évaluation de MmeC..., que le détachement de l'intéressée à l'office national des anciens combattants et victimes de guerre s'était " mal passé ", cette circonstance n'est pas de nature à établir que les compétences professionnelles de la requérante feraient l'objet d'un dénigrement systématique ; qu'au demeurant, les deux fiches de notation établies au cours de ce détachement invitaient Mme C...à se mettre davantage à l'écoute de son équipe afin de rétablir un climat serein dans le service ; qu'en outre, affectée à la direction générale des services du département du Bas-Rhin à son retour de détachement le 1er février 2010, la requérante a présenté des difficultés qui ont nécessité un changement de poste après quelques mois de service ; que le poste sur lequel Mme C...a été nommée le 26 avril 2010 à la maison du conseil général comportait la mission d'encadrement technique des agents d'accueil qu'il a fallu lui retirer le 17 octobre 2011 en raison des difficultés que posait son comportement pour le fonctionnement du service ;
23. Considérant, en troisième lieu, que si Mme C...soutient que le manquement à la probité relevé à son encontre dans le cadre de la procédure disciplinaire précitée est infondé, il résulte de l'instruction que, suivant l'avis retenu par le conseil de discipline, l'administration n'a pas retenu ce grief pour la sanctionner ; que l'intéressée ne démontre pas que les faits pris en compte par l'administration pour décider son exclusion temporaire de fonctions, rappelés au point 6, ne seraient pas matériellement établis ; que l'accusation de chapardage dont elle a fait l'objet dans une version initiale d'un compte-rendu établi le 18 mai 2011 n'a pas été reprise dans la version définitive de ce document, signé notamment par sa supérieure hiérarchique ; que la requérante n'apporte aucun élément de nature à contredire le reproche qui lui a été adressé d'entretenir une " relation filiale " avec un agent de sécurité de la maison du conseil général ; que, dans ces conditions, Mme C...n'établit pas qu'elle ferait l'objet d'accusations infondées de la part de sa hiérarchie, révélant des faits constitutifs de harcèlement moral ;
24. Considérant, en quatrième lieu, que si la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois a été annulée au motif qu'elle était disproportionnée au regard de la gravité des faits reprochés à la requérante, ces mêmes faits présentent un caractère fautif et sont de nature à justifier une sanction, ainsi qu'il a été rappelé au point 6 ; que par suite, il n'est pas établi que ladite sanction serait constitutive d'un harcèlement moral ;
25. Considérant, en cinquième lieu, que Mme C...n'apporte aucun élément de nature à établir que l'administration rejetterait toutes ses demandes de mutation et de congé individuel de formation, l'aurait pressée de demander sa démission au cours de l'année 2012, ou aurait assuré la mise en oeuvre de la mesure de suspension provisoire du 31 janvier 2013 dans des conditions vexatoires ;
26. Considérant, en dernier lieu, que Mme C...se prévaut de l'attestation établie le 9 octobre 2011 dans laquelle une de ses collègues certifie avoir fait l'objet de pressions de la part de sa supérieure hiérarchique directe, déléguée territoriale de la maison du conseil général, aux fins qu'elle témoigne contre la requérante ; qu'il ressort des témoignages recueillis dans le cadre de la procédure disciplinaire, dont il est fait état dans le procès-verbal du conseil de discipline, que, par son comportement général, Mme C...a contribué à la dégradation des relations de travail au sein du service et, notamment, avec sa supérieure hiérarchique ; que, dans ces conditions, à supposer que celle-ci ait effectivement tenté d'obtenir un témoignage défavorable à la requérante en faisant pression sur l'un des agents du service, cette circonstance, intervenue dans un contexte de conflit ouvert opposant les deux protagonistes, n'est pas de nature à révéler un fait constitutif de harcèlement moral ;
27. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été victime d'agissements de harcèlement moral, prenant la forme notamment d'un dénigrement de ses compétences professionnelles, au sens de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
28. Considérant qu'eu égard à ce qui a été dit aux points 14 à 17, Mme C... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce même jugement, le tribunal administratif a limité le montant des réparations à 16 051,58 euros et de porter celui-ci à 17 818,60 euros ;
Sur les conclusions tendant au remboursement des dépens exposés en première instance :
29. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, dans sa version applicable en l'espèce : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) " ;
30. Considérant, ainsi qu'il a été dit au point 3, que Mme C...a demandé le remboursement de la somme versée au titre de la contribution pour l'aide juridique dans un mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif le 1er avril 2014 ; qu'il y a lieu pour la cour, saisie de ces conclusions par la voie de l'évocation, de faire droit à la demande de l'intéressée et de mettre la somme de 35 euros à la charge du département du Bas-Rhin ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
31. Considérant que Mme C...soutient que l'annulation de la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois implique nécessairement la reconstitution de son ancienneté et de ses droits à l'avancement ; qu'il ressort de l'état des services établi le 22 juillet 2014 par l'administration que la période pendant laquelle la requérante a été irrégulièrement évincée du service, du 1er juin au 30 novembre 2013, est prise en compte dans son ancienneté ; qu'ainsi, les droits de Mme C...pour un avancement à l'ancienneté ont été reconstitués ; que par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que l'intéressée aurait été frustrée, pendant la même période d'éviction irrégulière, d'une perspective sérieuse d'avancement au choix ; que par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par la requérante ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
32. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeC..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que le département du Bas-Rhin demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département du Bas-Rhin la somme que Mme C... demande sur le fondement des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1105152, 1105555, 1303352 du 5 mai 2014 est annulé en tant qu'il omet de statuer sur la demande présentée par Mme C... tendant à la condamnation du département du Bas-Rhin au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.
Article 2 : Le département du Bas-Rhin versera une somme de 35 (trente cinq) euros à Mme C....
Article 3 : La somme que le département du Bas-Rhin est condamné à verser à Mme C... en réparation de ses préjudices est portée de 16 051,58 euros à 17 818,60 euros (dix-sept mille huit cent dix-huit euros soixante centimes).
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1105152, 1105555, 1303352 du 5 mai 2014, notamment ses articles 3, 4 et 5, est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 3 du présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... et au département du Bas-Rhin.
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N° 14NC01189