Par un arrêt n° 374162 du 9 juillet 2014, le Conseil d'Etat a renvoyé la requête d'appel présentée par les Hôpitaux universitaires de Strasbourg à la cour administrative d'appel de Nancy.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 décembre 2013 au greffe de la section du contentieux du Conseil d'Etat et le 21 juillet 2014 au greffe de la cour administrative d'appel de Nancy, deux mémoires complémentaires enregistrés le 21 juillet 2014 et le 13 octobre 2014, et un mémoire en réplique enregistré le 9 janvier 2015, les Hôpitaux universitaires de Strasbourg, représentés par la SCP Waquet, Farge, Hazan, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du président du tribunal administratif de Strasbourg du 21 octobre 2013 ;
2°) de rejeter la demande de M. A...;
3°) de mettre à la charge de M. A...le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est entaché d'incompétence dès lors que seule une formation collégiale pouvait connaître du litige ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en tant qu'il ne précise pas les titres du candidat retenu ;
- la demande présentée en première instance était irrecevable dès lors que la délibération contestée n'était pas jointe à cette demande ;
- l'intimé ne contestait la délibération litigieuse qu'en tant qu'elle écartait sa candidature ;
- le candidat retenu n'était pas pressenti avant le déroulement du concours et ne disposait pas de titres moins éminents que l'intimé ;
- l'administration n'a pas méconnu le principe d'égalité dès lors que la valeur des candidats ne pouvait être appréciée qu'au regard des titres obtenus dans le domaine de l'hôtellerie-restauration ;
- la partialité du jury n'est pas établie ;
- le candidat retenu était titulaire du diplôme requis par l'article 4 du décret du 14 janvier 1991 pour se présenter au concours ;
- le détournement de pouvoir allégué par l'intimé n'est pas établi ;
- le premier juge ne pouvait enjoindre à l'administration d'organiser un nouveau concours dès lors qu'elle n'y est jamais tenue.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 octobre 2014, M. B... A..., représenté par la SELARL Juris-Dialog, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge des Hôpitaux universitaires de Strasbourg en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- sa demande présentée en première instance était recevable ;
- la délibération contestée est entachée d'un vice de procédure dès lors que les deux candidats n'ont pas eu accès aux mêmes informations et que leurs supérieurs hiérarchiques siégeaient au sein du jury ;
- elle est entachée de détournement de pouvoir dès lors que le concours n'avait pas d'autre objet que de nommer le candidat pressenti par l'administration ;
- ce candidat était moins diplômé et qualifié que lui ;
- l'administration s'oppose de façon systématique à son avancement, à l'ancienneté ou par voie de concours.
La clôture d'instruction a été fixée au 16 janvier 2015 par une ordonnance en date du 26 novembre 2014, prise en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.
Par un mémoire enregistré le 15 janvier 2015, M. D...E..., représenté par la société d'avocats CM Affaires publiques, conclut à l'annulation du jugement attaqué, au rejet de la demande présentée en première instance par M. A...et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de ce dernier en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la circonstance qu'il aurait été informé de l'ouverture d'un concours est sans incidence sur la légalité de la délibération du 30 septembre 2010 retenant sa candidature ;
- la participation des supérieurs hiérarchiques des candidats au jury du concours n'est pas de nature à entacher cette délibération de partialité ;
- il est plus qualifié que M.A... ;
- il n'est pas établi que l'administration avait décidé sa nomination avant même la délibération du jury.
L'instruction a été rouverte par une ordonnance du 16 janvier 2015 prise en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de la demande présentée en première instance par M.A..., tendant à l'annulation de la décision du 7 décembre 2009 refusant de l'admettre au concours d'agent chef de 2ème catégorie organisé au titre de l'année 2009, dès lors que la délibération du jury constitue un acte indivisible.
Les Hôpitaux universitaires de Strasbourg ont présenté leurs observations sur ce moyen dans un mémoire présenté le 25 janvier 2016.
M. A...a présenté ses observations sur ce moyen dans un mémoire présenté le 27 janvier 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 91-45 du 14 janvier 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., pour M.E....
1. Considérant que M.A..., agent hospitalier titulaire des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, s'est porté candidat en 2009, puis en 2010, à des concours externes de recrutement d'agents chefs de deuxième catégorie ouverts au sein de l'établissement en application des dispositions du 1° de l'article 4 du décret susvisé du 14 janvier 1991 portant statuts particuliers des personnels ouvriers, des conducteurs ambulanciers et des personnels d'entretien et de salubrité de la fonction publique hospitalière, alors en vigueur ; que, par une demande enregistrée le 5 février 2010 au greffe du tribunal administratif de Strasbourg, il a contesté la légalité de la décision du jury de ne pas le recruter à l'issue du premier concours ; que, par une demande enregistrée le 30 novembre 2010 au greffe de la même juridiction, il a sollicité l'annulation de la délibération du jury du second concours en date du 30 septembre 2010 ; que, par un jugement du 21 octobre 2013, le président du tribunal administratif a joint les deux demandes, a estimé que la seconde devait être regardée comme s'étant substituée à la première et y a fait droit en annulant la délibération du 30 septembre 2010 ; que les Hôpitaux universitaires de Strasbourg relèvent appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-13 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable, eu égard à la date du jugement attaqué : " Le président du tribunal administratif (...) statue en audience publique et après audition du rapporteur public, sous réserve de l'application de l'article R. 732-1-1 : (...) 2° Sur les litiges relatifs à la situation individuelle des fonctionnaires ou agents de l'Etat et des autres personnes ou collectivités publiques, ainsi que des agents ou employés de la Banque de France, à l'exception de ceux concernant l'entrée au service, la discipline et la sortie du service (...) " ;
3. Considérant que le litige porté devant le tribunal administratif de Strasbourg par M. A... se rapporte à la légalité de décisions prises à l'issue de concours externes de recrutement ; qu'ainsi, ce litige doit être regardé, au sens des dispositions précitées du 2° de l'article R. 222-13 du code de justice administrative, comme concernant l'entrée en service, alors même que tant M. A...que la personne recrutée à l'issue de ces concours avaient la qualité d'agents titulaires lorsqu'ils se sont portés candidats ; qu'il suit de là que le litige n'est pas au nombre de ceux sur lesquels le président du tribunal administratif statue seul ; que, par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen d'irrégularité du jugement attaqué, celui-ci doit être annulé ;
4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer sur les demandes présentées par M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
Sur la demande tendant à l'annulation de la décision rejetant la candidature de M. A...à l'issue du concours organisé en 2009 :
5. Considérant que les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A...doivent être regardées comme dirigées contre la délibération du jury établissant la liste des candidats proposés pour une nomination en qualité d'agent chef de deuxième catégorie au titre de l'année 2009 ; que cette délibération, fondée sur les aptitudes des candidats, a un caractère indivisible ; qu'il résulte des termes mêmes de sa requête que M. A...n'a entendu demander l'annulation de cette délibération qu'en tant qu'elle a écarté sa propre candidature ; que ces conclusions sont, par suite, irrecevables ;
Sur la demande tendant à l'annulation de la délibération du jury du concours en date du 30 septembre 2010 :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret susvisé du 14 janvier 1991 portant statuts particuliers des personnels ouvriers, des conducteurs ambulanciers et des personnels d'entretien et de salubrité de la fonction publique hospitalière, alors en vigueur : " Les agents chefs assistent et suppléent les agents responsables des services techniques. / Ils dirigent les activités d'ateliers chargés de l'exécution de travaux impliquant la mise en oeuvre de techniques ou de qualifications particulières. / Ils peuvent, en outre, coordonner et contrôler les activités de plusieurs ateliers et participer à la formation des personnels ouvriers. / Ils assurent également l'encadrement des équipes, sous l'autorité d'un supérieur hiérarchique. / Ils exercent leurs fonctions dans les domaines suivants : (...) - hôtellerie, restauration (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 du même décret, alors en vigueur : " Les agents chefs de 2e catégorie sont recrutés : (...) b) Pour le compte d'un établissement du département, par concours externe sur titre ouvert et organisé par l'autorité investie du pouvoir de nomination de cet établissement. / Peuvent être candidats : - les titulaires d'un baccalauréat professionnel correspondant aux domaines énumérés à l'article 2 ou d'une qualification reconnue équivalente ; - les personnes titulaires d'une certification inscrite au répertoire national des certifications professionnelles délivrée dans l'un ou plusieurs des domaines précités ; - les personnes titulaires d'une équivalence délivrée par la commission instituée par le décret n° 2007-196 du 13 février 2007 relatif aux équivalences de diplômes requises pour se présenter aux concours d'accès aux corps et cadres d'emplois de la fonction publique, permettant de se présenter à ce concours (...) " ;
7. Considérant, en premier lieu, que la seule circonstance que deux des membres du jury du concours d'agent chef de deuxième catégorie organisé au titre de l'année 2010 étaient les supérieurs hiérarchiques des candidats n'est pas, par elle-même, de nature à mettre en doute leur impartialité ;
8. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M.E..., retenu par le jury à l'issue du concours litigieux, est titulaire d'un baccalauréat professionnel délivré en 1995 dans la spécialité " restauration " ; que par suite, le moyen tiré de ce que l'intéressé ne remplissait pas les conditions de diplôme pour se présenter au concours manque en fait ;
9. Considérant, en troisième lieu, que l'avis de concours externe sur titres publié le 26 juin 2010 vise à pourvoir un poste vacant d'agent chef de deuxième catégorie dans le domaine " restauration ", sans préciser la nature du poste proposé ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'administration aurait ouvert ce concours en vue de pourvoir spécifiquement un poste de " responsable de production " ; que dans ces conditions, la circonstance que M. E...figurait en cette qualité dans des organigrammes établis avant la tenue du concours litigieux n'est pas de nature à révéler que ce concours n'aurait eu pour objet que de le promouvoir sur place, alors en outre que l'intéressé exerçait les fonctions de " responsable de production " depuis 2003 ; que si M. A... soutient également que M. E...a été personnellement informé de l'ouverture du concours litigieux par l'administration, il ne saurait résulter de cette circonstance, à la supposer établie, que le principe d'égalité entre les candidats aurait été méconnu alors qu'au surplus, il est constant que l'avis de concours a fait l'objet d'une publication régulière ;
10. Considérant, en dernier lieu, que si M. A...soutient disposer de qualifications supérieures à celles de M.E..., l'appréciation à laquelle se livre un jury de concours des titres et mérites des candidats n'est pas susceptible d'être discutée devant le juge administratif ; que par ailleurs, la circonstance que le requérant n'a pas été déclaré admis à l'issue d'autres concours organisés par les Hôpitaux universitaires de Strasbourg n'est pas de nature à révéler, en l'état de l'instruction, une discrimination à son endroit ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les demandes d'annulation présentées par M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg ne peuvent qu'être rejetées ; que l'exécution du présent arrêt n'impliquant aucune mesure pour son exécution, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A...ne peuvent également qu'être rejetées ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont M. A...demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A...le versement des sommes que les Hôpitaux universitaires de Strasbourg et M. E...demandent sur le fondement des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n°1000560, 1005587 du 21 octobre 2013 du président du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par M. A...devant le tribunal administratif de Strasbourg, ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions des Hôpitaux universitaires de Strasbourg et de M. E...présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg et à M. B... A....
Copie en sera adressée à M. D...E....
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N° 14NC01401