Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 décembre 2018, et un mémoire en réplique enregistré le 19 mars 2019, MmeC..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 13 novembre 2018 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 6 juillet 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Territoire de Belfort de lui délivrer une carte de séjour temporaire ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision de refus de séjour a été rendue au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'a pas renseigné les éléments de procédure dans les conditions prévues par l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'un défaut de prise en charge aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé ne lui permet pas de voyager sans risque vers son pays d'origine ;
- le refus de séjour porte atteinte à son droit à une vie privée et familiale normale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 février 2019, la préfète du Territoire de Belfort conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guérin-Lebacq a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeB..., ressortissante camerounaise née le 31 mars 1959, est entrée en France le 27 juillet 2013 sous couvert d'un visa de court séjour. Eu égard à son état de santé, elle a bénéficié d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile jusqu'au 5 septembre 2017. Par un arrêté du 6 juillet 2018, le préfet du Territoire de Belfort a refusé de renouveler le titre de séjour de Mme B...en l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine. La requérante relève appel du jugement du 13 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est, sous réserve d'une menace pour l'ordre public, délivrée de plein droit à " l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".
3. Pour refuser le renouvellement du titre de séjour de MmeB..., le préfet du Territoire de Belfort s'est fondé sur l'avis rendu le 14 décembre 2017 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui a estimé que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle peut voyager sans risque vers son pays d'origine. Il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme B...souffre d'une sclérodermie cutanée systémique diffuse, maladie auto-immune ayant pour effet le durcissement de la peau et des organes internes. La requérante produit un compte-rendu de consultation établi le 12 novembre 2018 par un praticien de l'hôpital Nord Franche Comté dont il ressort que sa pathologie est compliquée d'une oesophagite de Barrett, de saignements itératifs, d'une anémie et de lésions de fibrose diffuse au niveau pulmonaire. Selon un certificat de son médecin généraliste du 10 août 2018, un défaut de prise en charge entrainerait de graves conséquences pour son état de santé et pourrait engager le pronostic vital. Il ressort ainsi des pièces que Mme B...produit à l'instance qu'un défaut de prise en charge médicale aurait pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il n'est pas établi que l'intéressée pourrait bénéficier d'un traitement approprié à sa maladie dans son pays d'origine, alors que le collège de médecins de l'OFII ne s'est pas expressément prononcé sur ce point. Dès lors, la requérante est fondée à soutenir que le préfet a fait une inexacte application des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui refusant un titre de séjour au motif qu'un défaut de soins n'aurait pas de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Le présent arrêt, par lequel la cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par MmeB..., n'implique cependant pas, eu égard au motif d'annulation ci-dessus énoncé, que l'administration prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé. Il y a donc seulement lieu d'enjoindre au préfet du Territoire de Belfort de statuer à nouveau sur la situation de l'intéressée dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B...et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon n° 1801395 du 13 novembre 2018 et l'arrêté du préfet du Territoire de Belfort du 6 juillet 2018 refusant de renouveler le titre de séjour de MmeB..., lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Territoire de Belfort de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à Mme B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Territoire de Belfort.
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N° 18NC03341