Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 avril 2017, et un mémoire complémentaire, enregistré le 5 mai 2017, le centre hospitalier régional de Metz-Thionville, représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 1er février 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Strasbourg.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a considéré que la demande de Mme A...était recevable, dès lors que les préjudices dont elle demandait réparation ont été indemnisés par l'ONIAM ;
- c'est à tort que le tribunal a retenu l'existence d'une faute dans la prise en charge de MmeA... ;
- c'est à tort que le tribunal a considéré que le dommage avait été à l'origine d'une perte de chance de 25 %.
Par un mémoire enregistré le 30 mai 2017, l'ONIAM conclut à sa mise hors de cause et au rejet de la requête.
Il fait valoir que le moyen invoqué par le centre hospitalier relatif à la recevabilité de la demande de Mme A...n'est pas fondé.
Par un mémoire enregistré le 3 juillet 2017, MmeA..., représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens invoqués par le centre hospitalier ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Haudier,
- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,
- et les observations de MmeA....
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., qui présentait notamment un prolapsus génital et une incontinence urinaire d'effort de stade 2, a subi, le 3 décembre 2008, une intervention consistant en une hystérectomie vaginale associée à une cure de cystocèle et à une spinofixation selon la technique de Richter, ainsi qu'en la mise en place d'une bandelette sous urétrale. Lors de cette intervention, réalisée au centre hospitalier régional de Metz-Thionville, la patiente a été victime d'une hémorragie qui a nécessité la mise en place de clips et de noeuds. Dans les suites de cette opération, Mme A...a présenté des douleurs, une incontinence anale et une insensibilité du membre inférieur gauche, en lien avec un syndrome de section du nerf pudendal gauche, probablement pris par un clip ou une ligature lors du traitement de l'hémorragie, et avec une atteinte des nerfs du membre inférieur gauche. Par un avis du 26 novembre 2012, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) de Lorraine a considéré que Mme A...avait été victime d'un accident médical non fautif susceptible d'ouvrir droit à une indemnisation au titre de la solidarité nationale. A la suite de cet avis, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a présenté à Mme A...une offre tendant à l'indemnisation de son déficit fonctionnel permanent, de son préjudice d'agrément et de son préjudice sexuel, d'un montant total de 26 651 euros. L'intéressée a accepté cette offre en signant le protocole transactionnel daté du 8 octobre 2013 que l'ONIAM lui avait adressé. Estimant que des fautes avaient été commises dans la prise en charge dont elle avait fait l'objet au sein du centre hospitalier régional de Metz-Thionville, Mme A... a par ailleurs recherché la responsabilité de cet établissement devant le tribunal administratif de Strasbourg. Par un jugement du 1er février 2017, dont le centre hospitalier régional de Metz-Thionville relève appel, le tribunal administratif a considéré que le suivi postopératoire de la patiente n'avait pas été conforme aux règles de l'art et a condamné l'établissement à verser à MmeA..., compte tenu du montant des indemnités qu'elle avait perçues de l'ONIAM, une somme de 7 220 euros.
Sur la recevabilité de la demande de MmeA... :
2. En premier lieu, dans le cas où un dommage corporel est imputable à une activité de prévention, de diagnostic ou de soins ou à un accident médical, la victime ou, si elle est décédée, ses ayants droit, peuvent solliciter une indemnisation dans le cadre de la procédure amiable prévue par les articles L. 1142-4 et suivants du code de la santé publique.
3. Lorsque la commission régionale de conciliation et d'indemnisation a émis l'avis que le dommage engage la responsabilité d'un établissement de santé, il appartient à l'assureur de cet établissement de faire une offre d'indemnisation, ainsi que le prévoient les dispositions de l'article L. 1142-14 de ce code. L'article L. 1142-15 prévoit qu'en cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, l'ONIAM est substitué à l'assureur et fait une offre à la victime. Il résulte de ces mêmes dispositions que " l'acceptation de l'offre de l'office vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil ", que " la transaction est portée à la connaissance du responsable et, le cas échéant, de son assureur " et que " l'office est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage ou, le cas échéant, son assureur ".
4. Enfin, les dispositions de l'article L. 1142-17 du code de la santé publique prévoient que lorsque la commission régionale de conciliation et d'indemnisation estime que le dommage est indemnisable au titre du II de l'article L. 1142-1, l'office adresse à la victime ou à ses ayants droit, dans un délai de quatre mois suivant la réception de l'avis, une offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis, au titre de la solidarité nationale. Il résulte de ces mêmes dispositions que " l'acceptation de l'offre de l'office vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil " et que " si l'office qui a transigé avec la victime estime que la responsabilité d'un professionnel, établissement, service, organisme ou producteur de produits de santé est engagée, il dispose d'une action subrogatoire contre celui-ci ".
5. Il est vrai que, lorsque l'ONIAM se substitue à l'assureur d'un établissement de santé défaillant et indemnise la victime sur le fondement des dispositions de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, celle-ci ne dispose plus d'une action contre l'établissement, sauf dans le cas où l'offre de l'office exclut explicitement de son champ certains des préjudices imputables à l'établissement de santé. Toutefois, la circonstance qu'une victime ait été indemnisée par l'ONIAM, sur le fondement des dispositions de l'article L. 1142-17 du code de la santé publique, au titre de la solidarité nationale, ne fait, quant à elle, pas obstacle à ce que la responsabilité du centre hospitalier puisse être recherchée par la victime devant le juge administratif à raison de fautes commises lors de sa prise en charge au sein de cet établissement, alors même que l'ONIAM bénéficie d'une subrogation contre le tiers responsable. Dans cette hypothèse, il incombe uniquement au juge administratif de s'assurer que l'indemnité qu'il peut éventuellement allouer à la victime ne conduit pas à une indemnisation qui, compte tenu des sommes accordées par l'ONIAM, excèderait le préjudice subi. Le centre hospitalier régional de Metz-Thionville n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que, du fait de l'indemnisation obtenue de la part de l'ONIAM, Mme A...n'est pas recevable à rechercher sa responsabilité à raison de fautes commises.
6. En second lieu, si le protocole d'indemnisation transactionnelle conclu entre Mme A... et l'ONIAM " vaut transaction au titre de l'article 2044 du code civil ", ainsi que cela est expressément mentionné dans l'accord, cette transaction faisait uniquement obstacle, conformément aux dispositions de l'article 2052 du code civil, à l'introduction ou à la poursuite entre les parties d'une action en justice ayant le même objet. Par suite, le centre hospitalier régional de Metz-Thionville, qui n'est pas partie à cette transaction, ne peut pas davantage s'en prévaloir pour contester la recevabilité de la demande de Mme A...dirigées à son encontre.
Sur la responsabilité du centre hospitalier régional de Metz-Thionville :
7. Si l'expert qui a réalisé la première expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif a indiqué que " les examens qui ont été réalisés ont été ceux recommandés devant la survenue d'un tel tableau en postopératoire ", que " le diagnostic a été établi (...) dans un délai tout à fait normal " et que " concernant le diagnostic et la prise en charge des lésions neurologiques, il n'est pas mis en évidence de manquement ", le second expert désigné par la CRCI s'est toutefois déclaré " en désaccord total avec cette expertise ". Ce nouvel expert relève notamment que plusieurs symptômes présentés par la patiente ont été sous-estimés. Il mentionne à cet égard que Mme A...avait fait état dès le 6 décembre 2008, alors qu'elle était toujours hospitalisée, de douleurs et des troubles sensitifs dans la cuisse et la jambe gauche, ainsi que cela a été consigné par une infirmière dans la fiche de transmission, et que la patiente avait été vue le 26 décembre 2008 par un interne, lequel avait noté dans son dossier l'existence d'une sciatique tronquée depuis l'intervention. Selon le second expert ces deux éléments auraient justifié que Mme A...soit examinée par le chirurgien avant le 30 décembre 2008, date de la visite mensuelle de contrôle, et qu'elle subisse une échographie pelvienne avant le 2 janvier 2009. L'expert relève également que Mme A...n'a été examinée par un neurologue qu'au mois de février 2009 et qu'il n'a pas été demandé d'avis spécialisé d'un neurochirurgien. Ce second expert conclut en indiquant que la prise en charge postopératoire de Mme A...n'a pas été adaptée à l'urgence et à la gravité des complications. Il ressort ainsi des termes de cette seconde expertise, postérieure à la première et davantage circonstanciée, que la prise en charge postopératoire dont Mme A...a fait l'objet n'a pas été conforme aux règles de l'art et que les manquements commis ont retardé le diagnostic des troubles dont souffrait la patiente. Le centre hospitalier régional de Metz-Thionville n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que des fautes de nature à engager sa responsabilité avaient été commises dans le suivi postopératoire de MmeA....
Sur le préjudice :
8. En premier lieu, s'il n'est pas certain, ainsi que l'a relevé la CRCI, qu'un diagnostic plus précoce aurait permis une amélioration de la symptomatologie des troubles dont souffrait MmeA..., il n'est pas davantage établi avec certitude, au vu notamment des conclusions du second expert, que, si les lésions neurologiques dont souffrait la patiente avaient été diagnostiquées plus tôt, cette dernière n'aurait pas pu obtenir une amélioration de son état de santé. Dans ces conditions, le centre hospitalier n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que ces derniers ont considéré que les fautes commises ont fait perdre à Mme A...une chance d'éviter une partie des séquelles dont elle est restée atteinte. Il n'apporte par ailleurs aucun élément de nature à contester le taux de perte de chance retenu par les premiers juges.
9. En second lieu, si le centre hospitalier a indiqué dans sa requête sommaire que le tribunal a procédé à une évaluation excessive des préjudices subis par MmeA..., il ne peut être regardé, en l'absence de précisions sur ce point dans son mémoire ampliatif, comme apportant suffisamment d'éléments permettant à la cour d'apprécier le bien-fondé de ce moyen.
10. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier de Metz-Thionville n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamné à réparer les préjudices subis par Mme A...du fait de fautes commise dans son suivi postopératoire.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier régional de Metz-Thionville une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A...et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du centre hospitalier régional de Metz-Thionville est rejetée.
Article 2 : Le centre hospitalier régional de Metz-Thionville versera une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros à Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A..., au centre hospitalier régional de Metz-Thionville, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Moselle, à l'ONIAM et à la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle.
2
N° 17NC00785