Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 mars 2019, la SAS Phone Régie demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 16 janvier 2019 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler la décision implicite née le 12 mars 2017 par laquelle le Centre Pompidou-Metz a rejeté sa réclamation préalable tendant au règlement des sommes dues au titre des marchés n°s 12/PBC/05 et 12/PBC/21 ;
3°) de condamner le Centre Pompidou - Metz à lui verser la somme de 137 842,66 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre des marchés n°s 12/PBC/05 et 12/PBC/21, cette somme devant être assortie des intérêts moratoires dus au titre de chacune des factures ;
4°) de mettre la somme de 5 000 euros à la charge du Centre Pompidou - Metz au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué méconnaît l'article R. 741-2 du code de justice administrative en ce qu'il n'a pas visé de manière fidèle et synthétique la fin de non-recevoir opposée en défense par le Centre Pompidou - Metz ;
- il méconnaît le principe du caractère contradictoire de la procédure, faute d'avoir communiqué le mémoire en défense enregistré après clôture qui soulevait pour la première fois la forclusion sur l'ensemble de ses demandes retenue par le jugement attaqué ;
- le tribunal a statué au-delà des conclusions dont il était saisi en retenant la forclusion de l'ensemble de ses demandes, alors que la tardiveté n'était soulevée qu'en ce qui concerne les factures ayant fait l'objet d'un règlement partiel ;
- le Centre Pompidou - Metz ne peut invoquer l'article 37-2 du CCAG - FCS, alors qu'il n'a formulé aucune observation sur ses demandes de paiement en application de l'article 11-7 du même CCAG et des articles 12 des deux cahiers des clauses administratives particulières des marchés litigieux ;
- il a procédé à un paiement partiel de certaines factures, sans s'opposer formellement par écrit au paiement des autres ;
- le Centre Pompidou - Metz a méconnu les stipulations contractuelles en ne procédant pas au paiement des factures ;
- elle a droit au paiement des factures qui ne lui ont pas été payées que ce soit au titre du forfait ou des prix unitaires ;
- le paiement des intérêts moratoires est dû à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la demande de paiement de chacune des factures.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juillet 2020, l'établissement public de coopération culturelle Centre Pompidou - Metz, représenté par Me B..., conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que les sommes demandées par la société Phone Régie soient réduites à de plus justes proportions et à ce qu'à minima la somme de 86 795,68 euros TTC soit déduite du montant réclamé, au rejet de la demande de paiement des intérêts moratoires et enfin à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Phone Régie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité ;
- le tribunal n'était pas tenu de rouvrir l'instruction ;
- la demande de la société Phone Régie est irrecevable comme atteinte de forclusion en application de l'article 37-2 du CCAG- FCS ;
- les demandes de paiement de la société Phone Régie ne sont pas fondées, ses demandes de paiement étant entachées d'erreurs et ne permettant pas de vérifier l'exécution du service fait ;
- la somme demandée ne saurait excéder celle mentionnée dans le mémoire en réclamation ;
- la moitié de la somme demandée par la société requérante doit être laissée à sa charge, dès lors que sa responsabilité est engagée en raison de la transmission de factures erronées et dépourvues des informations utiles au paiement ;
- les intérêts moratoires ne peuvent être appliqués que sur une somme hors taxes et ne courent qu'à la date de réception des factures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et services ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A..., présidente,
- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,
- et les observations de Me B... pour le Centre Pompidou - Metz.
Considérant ce qui suit :
1. Par un acte d'engagement du 26 mars 2012, l'établissement public de coopération culturelle Centre Pompidou - Metz a attribué à la société Phone Régie un marché n° 12/PBC/05 de " prestations d'accueil, de billetterie et de médiation ", comprenant un lot n°1 " accueil et billetterie " et un lot n°2 " médiation ". Ce marché, conclu pour une durée d'un an, reconductible trois fois, comportait un montant global et forfaitaire ainsi qu'une partie à bons de commande à concurrence de 20% maximum du prix global et forfaitaire du marché. Ce premier marché a pris effet le 5 mai 2012. Par un acte d'engagement du 19 septembre 2012, le Centre Pompidou - Metz a également attribué à la société Phone Régie un marché à bons de commande n° 12/PBC/21 de " prestations de service de conférenciers ". Ce marché d'une durée d'un an, reconductible trois fois, a pris effet le 12 octobre 2012. Ces marchés ont fait l'objet de plusieurs avenants portant sur le contenu des prestations et les prix. Le prix global et forfaitaire des deux lots du marché n° 12/PBC/05 a ainsi diminué. La société Phone Régie demande le paiement de la somme de 137 842,66 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre des prestations réalisées mais non réglées dans le cadre de ces marchés. Par un jugement du 16 janvier 2019, dont la société Phone Régie relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
2. La société Phone Régie, qui demande le règlement de sommes au titre des marchés qui lui ont été confiés, a ainsi donné à l'ensemble de sa requête le caractère d'un recours de plein-contentieux. Elle ne saurait, en conséquence, utilement demander l'annulation de la décision implicite née le 12 mars 2017 par laquelle le Centre Pompidou - Metz a rejeté sa réclamation préalable du 10 janvier 2017, reçue le 12 janvier suivant, qui a pour seul effet de lier le contentieux.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le juge administratif a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.
4. Il résulte de l'instruction que, dans son premier mémoire en défense devant le tribunal administratif de Strasbourg, le Centre Pompidou - Metz soulevait une fin de non-recevoir tirée de la forclusion des demandes de la société Phone Régie tendant au paiement de la somme de 35 696,32 euros correspondant aux seules factures ayant fait l'objet d'un règlement partiel en application de l'article 37-2 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de fournitures courantes et de services (CCAG-FCS), dans sa rédaction issue de l'arrêté du 19 janvier 2009. Par son second mémoire en défense, enregistré le 29 novembre 2018 après la clôture de l'instruction fixée par le tribunal au 26 octobre 2018, le Centre Pompidou - Metz soulevait cette même forclusion à l'encontre de l'ensemble des demandes de la société Phone Régie.
5. En retenant, au regard des stipulations de l'article 37-2 du CCAG-FCS, la forclusion de la demande de la société Phone Régie pour l'intégralité de sa créance alors que cette fin de non-recevoir, qui n'est pas d'ordre public, n'avait été soulevée qu'à l'encontre des seules factures ayant fait l'objet d'un règlement partiel et non de celles n'ayant fait l'objet d'aucun règlement, le tribunal administratif s'est mépris sur la portée de l'irrecevabilité soulevée devant lui avant la clôture de l'instruction et a, en outre, tenu compte du mémoire en défense enregistré après la clôture de l'instruction mais non communiqué au Centre Pompidou - Metz. Il a, par suite, méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure. Il suit de là que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens d'irrégularité du jugement attaqué soulevés par la société requérante, cette dernière est fondée à soutenir que le jugement du 16 janvier 2019 du tribunal administratif de Strasbourg est intervenu à la suite d'une procédure irrégulière et à en demander l'annulation.
6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Phone Régie devant le tribunal administratif de Strasbourg.
Sur la recevabilité de la demande de la société Phone Régie :
7. En premier lieu, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge (...) ".
8. Contrairement à ce que soutient le Centre Pompidou-Metz, la société Phone Régie précise suffisamment le fondement juridique de sa demande, à savoir le règlement de sommes dues au titre de ses marchés ainsi que le montant des sommes demandées. Elle produit, à cet égard, les différentes factures qui n'auraient pas été réglées ou n'auraient fait l'objet que d'un règlement partiel et mentionne, pour chacunes d'elles, le marché en litige. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense tirée du défaut de motivation de la requête de la société Phone Régie ne peut qu'être écartée.
9. En second lieu, l'article 37-2 du CCAG-FCS, dans sa rédaction issue de l'arrêté du 19 janvier 2009 applicable aux marchés en litige stipule que : " Tout différend entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'un mémoire de réclamation exposant les motifs et indiquant, le cas échéant, le montant des sommes réclamées. Ce mémoire doit être communiqué au pouvoir adjudicateur dans le délai de deux mois, courant à compter du jour où le différend est apparu, sous peine de forclusion ".
10. L'apparition d'un différend, au sens de ces stipulations, entre le titulaire du marché et l'acheteur, résulte, en principe, d'une prise de position écrite, explicite et non équivoque émanant de l'acheteur et faisant apparaître le désaccord. Elle peut également résulter du silence gardé par l'acheteur à la suite d'une mise en demeure adressée par le titulaire du marché l'invitant à prendre position sur le désaccord dans un certain délai. En revanche, en l'absence d'une telle mise en demeure, la seule circonstance qu'une personne publique ne s'acquitte pas, en temps utile, des factures qui lui sont adressées, sans refuser explicitement de les honorer, ne suffit pas à caractériser l'existence d'un différend au sens des stipulations précédemment citées.
11. Il résulte de l'instruction et notamment des énonciations du mémoire en réclamation du 10 janvier 2017, que la société Phone Régie a adressé au Centre Pompidou - Metz une sommation de payer la somme de 548 396,72 euros par voie d'huissier, le 3 mai 2016. En réponse, le Centre Pompidou - Metz lui a réglé, le 27 mai 2016, la somme de 433 222,64 euros, sans procéder au paiement du surplus. Le 2 novembre 2016, la société Phone Régie a adressé au Centre Pompidou-Metz une mise en demeure lui demandant de procéder au paiement de la somme de 137 790,29 euros dans un délai de huit jours. Cette mise en demeure a été reçue le 7 novembre suivant par le Centre Pompidou - Metz. La société Phone Régie lui a enfin adressé un mémoire en réclamation, le 10 janvier 2017 reçu le 12 janvier suivant.
12. La sommation de payer transmise par voie d'huissier le 3 mai 2016 doit être regardée comme une mise en demeure adressée à l'acheteur par le titulaire du marché l'invitant à prendre position sur les sommes non payées en règlement des marchés litigieux. Ainsi qu'il est dit au point précédent, le Centre Pompidou - Metz a procédé au règlement partiel de cette somme. Le silence gardé par le Centre Pompidou - Metz sur le surplus de la demande de la société Phone Régie, à hauteur de 115 174,08 euros (548 396,72 - 433 222,64) a, en conséquence, fait naître un différend au sens des stipulations précitées de l'article 37.2 du CCAG - FCS à compter du 27 mai 2016. Le mémoire en réclamation adressé par la société Phone Régie au Centre Pompidou - Metz, le 10 janvier 2017, plus de deux mois après la naissance de ce différend, était donc tardif. Il en résulte que la demande de la société requérante tendant au paiement de la somme de 115 174,08 euros est forclose. La société requérante ne saurait utilement invoquer, à cet égard, les stipulations de l'article 11-7 du CCAG-FCS selon lesquelles : " Le pouvoir adjudicateur accepte ou rectifie la demande de paiement. Il la complète, éventuellement, en faisant apparaître les avances à rembourser, les primes et les réfactions imposées. / Il arrête le montant de la somme à régler et, s'il est différent du montant figurant dans la demande de paiement, il le notifie ainsi arrêté au titulaire. ", qui ne sauraient faire obstacle à l'application de l'article 37.2 du même cahier.
13. En revanche, cette forclusion ne saurait être retenue pour la somme de 22 668,58 euros (137 842,66 - 115 174,08) dont la société Phone Régie demande également le paiement et qui n'était pas comprise dans la sommation de payer du 3 mai 2016. S'agissant de cette somme, la société Phone Régie est fondée à soutenir qu'un différend est né le 15 novembre 2016 résultant du silence gardé par le Centre Pompidou - Metz à la suite de sa mise en demeure, notifiée le 7 novembre 2016, de procéder au paiement de la somme dont elle se déclare redevable dans un délai de huit jours à compter de sa réception. Ainsi, le mémoire en réclamation du 10 janvier 2017 n'était pas tardif en ce qui concerne la somme de 22 668,58 euros.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de la société Phone Régie est irrecevable à hauteur de la somme de 115 174,08 euros.
Sur les conclusions tendant à la condamnation du Centre Pompidou - Metz de verser la somme de 22 668,58 euros :
15. Il résulte de l'instruction que la société Phone Régie a adressé plusieurs factures au Centre Pompidou - Metz en mai 2016, postérieurement à la sommation de payer du 3 mai 2016, qui sont relatives à des prestations sur bons de commande ainsi qu'au règlement de la partie forfaitaire des deux lots, " accueil et billetterie " et " médiation " du marché n°12/PBC/05.
16. D'une part, il résulte de l'instruction que les factures correspondant au paiement de la partie forfaitaire de ce marché, datées du 30 avril 2016 (factures n°s 111873 et 111874), ont fait l'objet d'un règlement partiel, le surplus correspondant, sans que cela ne soit sérieusement contesté, soit à l'absence de prise en compte par la société requérante des avenants à son marché, soit à des erreurs dans l'application des clauses de révision des prix. Deux factures du mois de mai 2016 relatives à la partie forfaitaire de ce marché (n° 111968 et 969) n'ont, en outre, fait l'objet d'aucun règlement au motif, non contesté, d'erreurs dans l'application des clauses contractuelles.
17. D'autre part, il résulte de l'instruction que les factures à bons de commande au titre du marché n° 12/PBC/21 relatif aux " prestations de service de conférenciers " (n°s 111970, 971, 972 et 973), émises en mai 2016, ne précisent ni le taux horaire applicable, ni les quantités facturées, mais se bornent à demander un montant global, alors même que ces prestations relèvent de prix unitaires. Ainsi qu'il le fait valoir sans que cela ne soit contesté, le Centre Pompidou - Metz ne pouvait, en conséquence, s'assurer de la réalité du service fait.
18. Enfin, la société Phone Régie ne met pas la cour à même d'apprécier le bien-fondé du surplus de sa demande en l'absence de toute autre facture produite.
19. Il résulte de ce qui précède que la société Phone Régie, faute pour elle d'établir le bien-fondé de sa créance, n'est pas fondée à demander la condamnation du Centre Pompidou - Metz à lui verser la somme de 22 668,58 euros au titre des marchés qui lui ont été confiés.
20. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la société Phone Régie doit être rejetée.
Sur les frais liés à l'instance :
21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du Centre Pompidou - Metz, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Phone Régie demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
22. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions que présente le Centre Pompidou - Metz au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 16 janvier 2019 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.
Article 2 : La demande de la société Phone Régie devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par le Centre Pompidou - Metz au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Phone Régie et au Centre Pompidou - Metz.
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N° 19NC00803