Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2019, le préfet de la Moselle demande à la cour d'annuler le jugement du 12 novembre 2019 du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il annule les décisions portant obligation de quitter le territoire français avec un délai de départ volontaire de trente jours, fixant le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit et interdiction de retour en France durant un an et lui enjoint de réexaminer la situation de M. C... en saisissant, le cas échéant, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement.
Il soutient que :
- M. C..., qui ne réside pas habituellement en France, ne peut pas bénéficier des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il n'a pas demandé son admission au séjour pour des motifs de santé ;
- il n'est pas établi qu'il ne serait pas en mesure de bénéficier des traitements appropriés à son état de santé dans son pays d'origine, les traitements dont il aurait besoin n'étant pas même précisés ;
- il n'est pas compétent pour saisir le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- il se réfère à ses écritures en première instance s'agissant des autres moyens soulevés par M. C....
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2020, M. C..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation, le cas échéant sous astreinte et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la requête du préfet est irrecevable en application de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
- il peut se prévaloir du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors même qu'il n'a pas déposé de demande de titre de séjour pour motifs de santé en France ;
- sa pathologie psychiatrique justifie qu'il puisse bénéficier de ces dispositions.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de M. C... à fins de suspension de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que la cour nationale du droit d'asile (CNDA) a rejeté son recours par une décision du 7 novembre 2019.
Par un mémoire, enregistré le 9 novembre 2020, le préfet de la Moselle conclut, en réponse au moyen soulevé d'office, qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de M. C... à fins de suspension de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il n'y a plus lieu de statuer sur le litige qui a perdu son intérêt.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B..., présidente assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. La demande d'asile de M. C..., ressortissant géorgien né le 5 novembre 1979, entré en France le 2 décembre 2018, a été rejetée par une décision du 28 juin 2019 de l'Office français pour la protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Par un arrêté du 9 septembre 2019, le préfet de la Moselle lui a retiré son attestation de demandeur d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit et l'a interdit de retour en France pendant une durée d'un an. Par un jugement du 12 novembre 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les conclusions de M. C... tendant à l'annulation du retrait de son attestation de demandeur d'asile et a, d'une part, annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français avec un délai de départ volontaire de trente jours, fixant le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit et interdiction de retour en France durant un an et d'autre part, enjoint au préfet de la Moselle de réexaminer la situation de M. C... en saisissant, le cas échéant, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement. Le préfet relève appel de ce jugement en tant qu'il annule les décisions portant obligation de quitter le territoire français avec un délai de départ volontaire de trente jours, fixant le pays à destination duquel M. C... est susceptible d'être reconduit et portant interdiction de retour en France durant un an et d'autre part, lui enjoint de réexaminer la situation de M. C... en saisissant, le cas échéant, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Sur le moyen d'annulation retenu par le jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., qui doit être regardé comme résidant habituellement en France à la date de l'arrêté litigieux et pouvait, en conséquence, invoquer les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a été admis en soins psychiatriques pour péril imminent, une première fois du 27 au 31 janvier 2019, puis une seconde fois du 27 août au 3 septembre 2019. Le 30 juillet 2019, il a fait l'objet d'un dépistage positif à l'hépatite C. Il a, par ailleurs, invoqué son état de santé dans son entretien avec les services de l'OFPRA à l'occasion de l'examen de sa demande d'asile, le 28 juin 2019.
4. Pour annuler les décisions du 9 septembre 2019 portant obligation de quitter le territoire français avec un délai de départ volontaire de trente jours, fixant le pays à destination duquel M. C... est susceptible d'être reconduit et portant interdiction de retour en France durant un an, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a relevé que ces décisions, qui ne mentionnaient pas l'état de santé de M. C... et, plus particulièrement, l'accès effectif aux soins dont il pourrait avoir besoin dans son pays d'origine, étaient entachées d'un défaut d'examen des circonstances particulières de sa situation.
5. Or, en se bornant à soutenir que M. C... n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il ne peut être regardé comme résidant habituellement en France et en relevant qu'il n'a, en outre, pas déposé de demande de titre de séjour pour des motifs de santé, alors que cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que M. C... se prévale des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Moselle ne conteste pas utilement le moyen d'annulation tiré du défaut d'examen de l'état de santé de M. C... avant l'édiction de l'arrêté du 9 septembre 2019, seul retenu par le jugement attaqué.
6. Par suite, les conclusions du préfet de la Moselle tendant à l'annulation du jugement attaqué et au rejet de la demande de première instance de M. C... tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français avec un délai de départ volontaire de trente jours, fixant le pays à destination duquel M. C... est susceptible d'être reconduit et portant interdiction de retour en France durant un an, doivent être rejetées.
Sur l'injonction prononcée par le jugement attaqué :
7. Aux termes de l'article R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Selon l'article 9 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui, dans le cadre de la procédure prévue aux titres I et II du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sollicite le bénéfice des protections prévues au 10° de l'article L. 511-4 ou au 5° de l'article L. 521-3 du même code est tenu de faire établir le certificat médical mentionné au deuxième alinéa de l'article 1er (...) / Dans tous les cas, l'étranger est tenu d'accomplir toutes les formalités nécessaires à l'établissement du certificat médical pour bénéficier de la protection qu'il sollicite. ". L'article 10 de cet arrêté précise que : " Le certificat médical, dûment renseigné et accompagné de tous les documents utiles, est transmis sans délai, par le demandeur ou, avec l'accord exprès de celui-ci, par le médecin qui l'a rédigé, par tout moyen permettant d'assurer la confidentialité de son contenu, au service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont l'adresse a été préalablement communiquée au demandeur (...) ". L'article 11 du même arrêté énonce que : " Au vu du certificat médical, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 (...), le médecin de l'office désigné par son directeur général pour émettre l'avis sur l'état de santé prévu à l'article R. 511-1 du même code émet un avis dans les conditions prévues à l'article 6 et au présent article et conformément aux modèles figurant aux annexes C et D du présent arrêté. Pour l'établissement de l'avis, le collège de médecins ou le médecin de l'office peut demander, dans le respect du secret médical, tout complément d'information auprès du médecin ayant rempli le certificat médical. Le demandeur en est informé. / Le collège de médecins ou le médecin de l'office peut convoquer le demandeur et faire procéder à des examens complémentaires. Dans ce cas, le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. Il peut être assisté d'un interprète et d'un médecin de son choix. / Lorsque le demandeur n'a pas présenté au médecin de l'office ou au collège les documents justifiant son identité, n'a pas produit les examens complémentaires qui lui ont été demandés ou n'a pas répondu à la convocation du médecin de l'office ou du collège qui lui a été adressée, l'avis le constate. ". Aux termes de l'article 1er du même arrêté : " L'étranger qui dépose une demande de délivrance ou de renouvellement d'un document de séjour pour raison de santé est tenu, pour l'application des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de faire établir un certificat médical relatif à son état de santé par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier./ A cet effet, le préfet du lieu où l'étranger a sa résidence habituelle lui remet un dossier comprenant une notice explicative l'informant de la procédure à suivre et un certificat médical vierge, dont le modèle type figure à l'annexe A du présent arrêté. ".
8. Il résulte de ces dispositions que l'étranger susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement et sollicitant la protection pour raisons médicales doit établir un certificat médical et le transmettre, par lui-même ou par le médecin qui l'a rédigé avec son accord, à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
9. Par suite, l'annulation prononcée par le tribunal administratif de Strasbourg pour défaut d'examen de l'état de santé de M. C..., si elle implique nécessairement que le préfet de la Moselle réexamine la situation de M. C... au regard de son état de santé, ne saurait impliquer qu'il saisisse le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dès lors qu'il appartient à M. C... d'accomplir les démarches en vue de l'établissement du certificat médical prévu par l'article 9 de l'arrêté du 27 décembre 2016 cité au point 7 du présent arrêt, afin de faire examiner son dossier médical par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
10. Par suite, le préfet de la Moselle est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Strasbourg lui a enjoint de saisir, le cas échéant, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration dans le cadre du réexamen de la demande de M. C.... Il y a lieu, en conséquence, d'annuler l'article 2 du jugement attaqué.
11. Il appartient toutefois à la cour, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les conclusions à fin d'injonction présentées par M. C... devant le tribunal administratif de Strasbourg.
Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par M. C... devant le tribunal administratif de Strasbourg :
12. Le présent arrêt confirme l'annulation des décisions du 9 septembre 2019 du préfet de la Moselle portant obligation de quitter le territoire français avec un délai de départ volontaire de trente jours, fixant le pays à destination duquel M. C... est susceptible d'être reconduit et portant interdiction de retour en France durant un an.
13. Eu égard à ses motifs, cette annulation n'implique pas nécessairement qu'un titre de séjour soit délivré à M. C.... En revanche, elle implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet de la Moselle de réexaminer la situation de M. C..., au regard de son état de santé, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ou, si M. C... justifie avoir accompli les diligences nécessaires dans ce délai, jusqu'à ce que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ait examiné sa situation.
Sur les frais liés à l'instance :
14. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me A..., avocat de M. C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. C... de la somme de 1 200 euros.
D E C I D E :
Article 1er : L'article 2 du jugement du 12 novembre 2019 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Moselle de réexaminer la situation de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ou, si M. C... justifie avoir accompli les diligences nécessaires dans ce délai, jusqu'à ce que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ait examiné sa situation.
Article 3 : L'Etat versera à Me A... une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête du préfet de la Moselle est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C..., au ministre de l'intérieur et à Me A....
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Moselle.
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N° 19NC03364