Procédure devant la cour :
I. Par une requête n°19NC03626 enregistrée le 17 décembre 2019, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler, en ce qui le concerne, le jugement du 23 juillet 2019 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 26 février 2019 pris à son encontre par le préfet du Haut-Rhin ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour, assorti d'une astreinte fixée à 100 euros par jour de retard à compter du délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, injonction assortie d'une astreinte fixée à 100 euros par jour de retard ;
5°) de condamner l'Etat à verser à Me B... la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- elle a été signée par une autorité incompétente ;
- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'il remplit les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle comporte des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle a été signée par une autorité incompétente ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 février 2020, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
II. Par une requête n°19NC03627 enregistrée le 17 décembre 2019, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler, en ce qui la concerne, le jugement du 23 juillet 2019 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 26 février 2019 pris à son encontre par le préfet du Haut-Rhin ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour, assorti d'une astreinte fixée à 100 euros par jour de retard à compter du délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, injonction assortie d'une astreinte fixée à 100 euros par jour de retard ;
5°) de condamner l'Etat à verser à Me B... la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- elle a été signée par une autorité incompétente ;
- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle remplit les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle comporte des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle a été signée par une autorité incompétente ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 février 2020, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
M. et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 19 novembre 2019.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Antoniazzi, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C..., ressortissants albanais nés respectivement les 16 juillet 1971 et 8 avril 1968, sont, selon leurs déclarations, entrés en France le 20 novembre 2013. Leurs demandes d'asile ont été successivement rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). M. et Mme C... ont sollicité leur admission au séjour en raison de l'état de santé de M. C.... Par des arrêtés du 24 juillet 2015, le préfet du Haut-Rhin a rejeté ces demandes et a assorti ses décisions d'obligation de quitter le territoire français. Par un jugement du 21 janvier 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé ces arrêtés et a enjoint au préfet de délivrer à M. et Mme C... des cartes de séjour, qui leur ont été délivrées jusqu'au 24 juin 2017. A la suite du rejet de la demande de titres de séjour présentée par M. et Mme C... le 10 avril 2017, le préfet a refusé de les admettre au séjour et les a obligés à quitter le territoire français par des arrêtés du 25 janvier 2018. Le 13 décembre 2018, M. et Mme C... ont à nouveau sollicité leur admission exceptionnelle au séjour. Par des arrêtés du 26 février 2019, le préfet du Haut-Rhin a rejeté ces demandes, a obligé les intéressés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils seront éloignés. M. et Mme C... font appel du jugement du 23 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur le moyen commun aux décisions contestées :
2. Le préfet du Haut-Rhin a, par un arrêté du 20 septembre 2016, régulièrement publié au recueil spécial n° 46 des actes administratifs de la préfecture du 21 septembre 2016, donné délégation à M. Christophe Marx, secrétaire général de la préfecture, pour signer tous actes ou décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions contenues dans les arrêtés contestés. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions litigieuses doit être écarté.
Sur la légalité des décisions portant refus de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".
4. M. et Mme C... se prévalent de leur présence en France depuis cinq ans, de leurs efforts d'insertion, justifiés notamment par l'exercice d'une activité professionnelle d'octobre 2017 à mai 2018 et de la scolarisation de leurs trois enfants. Toutefois, ces circonstances, dont le préfet du Haut-Rhin a tenu compte lors de l'examen de leur demande, ne constituent ni des considérations humanitaires ni des motifs exceptionnels de nature à justifier leur admission au séjour. Dans ces conditions, les intéressés ne sont pas fondés à soutenir que le préfet du Haut-Rhin a entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant de leur délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".
6. M. et Mme C... font valoir qu'ils se sont parfaitement intégrés en France où ils ont tissé des liens et où leurs trois enfants suivent une scolarité en collège et en lycée. Toutefois, si M. C... a exercé une activité professionnelle au cours de la période où il était titulaire d'un titre de séjour, les intéressés ne justifient cependant pas d'une intégration particulière. Par ailleurs, ils ne sont pas dépourvus d'attaches familiales en Albanie où ils ont vécu respectivement jusqu'à l'âge de quarante-deux et quarante-cinq et où résident des membres de leurs familles. En outre, les décisions contestées ne font pas obstacle à ce que les requérants reconstituent leur cellule familiale dans leur pays d'origine avec leurs enfants. Dans ces conditions, les décisions par lesquelles le préfet du Haut-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour n'ont pas porté au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs des refus qui leur ont été opposés. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes motifs, les décisions litigieuses ne sont pas davantage entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle des intéressés.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". S'il ressort des pièces des dossiers que les enfants des requérants font des efforts pour obtenir des résultats scolaires honorables, les refus de titre en litige n'ont ni pour objet, ni pour effet d'interrompre leur scolarité. Par ailleurs et en tout état de cause, il n'est pas établi qu'ils ne pourront pas poursuivre une scolarité normale dans leur pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité des décisions refusant de leur accorder un titre de séjour, à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions les obligeant à quitter le territoire français.
9. En deuxième lieu, lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français. Ainsi qu'il a été dit au point n°6, M. et Mme C... ne remplissent pas les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que le préfet du Haut-Rhin ne pouvait pas légalement les obliger à quitter le territoire français.
10. En dernier lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points 6 et 7 du présent arrêt, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés.
Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination :
11. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
12. Si les requérants affirment qu'ils ont fait l'objet de menaces de la part de leur voisin en raison d'un conflit foncier et craignent pour leur sécurité, ils ne produisent aucun document à l'appui de leurs allégations de nature à démontrer qu'ils risqueraient d'être exposés à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Albanie. Au surplus, ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt, la demande d'asile de M. et Mme C... a été rejetée par une décision de l'OFPRA du 30 avril 2014, confirmée par une décision de la CNDA du 23 décembre 2014. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées ne peut qu'être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés du préfet du Haut-Rhin du 26 février 2019. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de M. et Mme C... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à Mme G... A..., épouse C..., et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
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N° 19NC03626-19NC03627