Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 septembre 2020, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 9 juin 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 11 septembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
s'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne peut bénéficier d'un traitement approprié au Kosovo et que les troubles dont il souffre sont en lien avec les dangers réels encourus en cas de retour dans ce pays ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur de droit, dès lors que, devant se voir attribuer de plein droit un titre de séjour en application des dispositions du 7° ou du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne pouvait légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement ;
- la décision en litige méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
s'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet du Bas-Rhin qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme C..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant kosovar né le 18 août 1990 à Shtime, est entré en France le 24 novembre 2013, selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) par une décision du 27 mars 2015, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 19 octobre 2015. Le 8 décembre 2015, M. A... a sollicité son admission au séjour en se prévalant de son état de santé. Par un arrêté du 10 mai 2016, le préfet du Bas-Rhin a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Le 9 octobre 2017, M. A... a, à nouveau, sollicité son admission au séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 11 septembre 2019, le préfet du Bas-Rhin a refusé de faire droit à cette nouvelle demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... fait appel du jugement du 9 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision portant refus de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) "
3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
4. En l'espèce, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé, par son avis du 10 décembre 2018, que si l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut bénéficier d'un traitement approprié et peut voyager sans risque vers son pays d'origine.
5. Il ressort des pièces du dossier que le requérant souffre d'un syndrome dépressif avec risque de passage à l'acte et qu'il bénéficie d'un suivi psychothérapeutique et d'un traitement à base de Sertoline et de Tercian. Pour contester l'avis du collège des médecins de l'OFII selon lequel il pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, le requérant produit des certificats médicaux, qui font état de la gravité de la pathologie de l'intéressé, sans toutefois remettre en cause l'appréciation portée par le préfet sur la possibilité de bénéficier d'un traitement approprié au Kosovo. M. A... se prévaut également des rapports de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) concernant les soins relatifs au syndrome post-traumatique en date du 31 août 2016, et du 3 avril 2017 concernant le traitement psychiatrique et psychothérapeutique ainsi que d'un rapport du parlement européen de 2018 concernant l'état des soins médicaux au Kosovo. Toutefois, ces documents, faisant état d'une inadéquation entre les besoins de la population kosovare en soins psychiatriques et les ressources du pays en termes de professionnels qualifiés et de structures spécialisées dans la santé mentale, ne permettent pas de conclure à une absence desdits soins psychiatriques au Kosovo, notamment pour traiter les états de stress post-traumatique dont il souffre. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que les troubles de M. A... trouveraient leur origine dans des évènements vécus au Kosovo, faisant obstacle à ce qu'il puisse y bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de l'inexacte application des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. M. A... soutient qu'il résidait en France depuis plus de six ans à la date de l'arrêté attaqué, que deux de ses frères y demeurent régulièrement et qu'il parle français. Toutefois, le requérant, célibataire sans enfant, n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Kosovo où vivent ses parents et quatre frères et soeur. Par suite, eu égard à la durée et aux conditions de séjour de l'intéressé en France, le préfet du Bas-Rhin n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté. Pour les mêmes motifs, la décision litigieuse n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de l'intéressé.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision portant refus de séjour ayant été écartés, le moyen tiré par la voie de l'exception de l'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté par voie de conséquence.
9. En deuxième lieu, lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français. Ainsi qu'il a été dit au point n°5, M. A... ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point n°7, il ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement du 7° de ce même article L. 313-11. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Bas-Rhin ne pouvait pas légalement l'obliger à quitter le territoire français.
10. En dernier lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points 5 et 7 du présent arrêt, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
11. M. A... reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau ni critiquer utilement les motifs de rejet qui lui ont été opposés par le tribunal administratif de Strasbourg, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent également qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 20NC02752