Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 31 décembre 2019, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 3 décembre 2019 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
2°) d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2019 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être renvoyé ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de réexaminer sa demande de titre de séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant refus de délivrer un titre de séjour n'est pas suffisamment motivée ;
- elle méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est entachée d'illégalité par voie d'exception ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 janvier 2021, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. A... n'est fondé.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 avril 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C..., présidente assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant malien né le 10 mars 2001, est entré régulièrement en France, le 8 mai 2017. Il a été admis à l'aide sociale à l'enfance du département de l'Aube jusqu'au 27 juillet 2018, date à laquelle le tribunal pour enfants a ordonné la mainlevée de son placement. Il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié, le 17 juin 2019. Par un arrêté du 26 juillet 2019, le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être renvoyé. Par un jugement du 3 décembre 2019, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 juillet 2019.
Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour à M. A..., après avoir précisé les dispositions juridiques applicables, rappelle les conditions d'entrée et de séjour en France de M. A... et sa demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre du travail. Elle précise que la présentation d'une simple promesse d'embauche ne saurait être regardée comme un motif d'admission exceptionnelle au séjour en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle mentionne également que la demande de M. A... ne satisfait pas aux conditions prévues par le 7° de l'article L. 313-11 du même code, Elle examine en outre la vie privée et familiale de M. A... de manière suffisamment approfondie. Par suite, le moyen d'insuffisance de motivation de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".
4. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de ces dispositions par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
5. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre du travail, M. A... a présenté une promesse d'embauche du 16 avril 2019 de la société de restauration Subway, attestant souhaiter l'embaucher dans le cadre d'un contrat d'apprentissage en CAP vente alimentaire à compter du 1er juillet 2019, qui a d'ailleurs été réitérée le 10 novembre 2020, postérieurement à la décision contestée. M. A... était, en outre, inscrit en première année de CAP cuisine dans un lycée professionnel à Troyes au titre de l'année 2018-2019 et a d'ailleurs obtenu son CAP, le 6 juillet 2020, postérieurement à la décision en litige. L'entreprise Subway atteste également qu'il y a effectué un très bon stage et que ses qualités professionnelles ont été appréciées de tous. Cependant, au regard de la présence récente de M. A... en France, depuis un peu plus de deux ans seulement à la date de la décision contestée et de la présentation d'une simple promesse d'embauche en apprentissage, le préfet de l'Aube n'a pas entaché sa décision portant refus de titre de séjour d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que la demande de M. A... ne relevait pas de motifs exceptionnels. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... a fait état de considérations humanitaires de nature à justifier son admission exceptionnelle au séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
6. En troisième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, M. A... résidait en France depuis un peu plus de deux ans. S'il a été initialement admis à l'aide sociale à l'enfance du département de l'Aube en qualité de mineur isolé, le tribunal pour enfants a ordonné la mainlevée de cette mesure le 27 juillet 2018, au vu d'une expertise médico-légale qui a conclu à la majorité de M. A... et de l'absence de caractère authentique des documents d'état-civil qu'il a présentés au regard de l'article 47 du code civil. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... serait dépourvu d'attaches familiales ou privées au Mali, où vivent notamment sa mère, son frère et sa soeur. De plus, il est célibataire et ne fait état d'aucune attache privée ou familiale stable en France. Il ne justifie pas davantage d'une insertion particulière, alors même qu'il était inscrit en première année de CAP cuisine à la date de la décision litigieuse, qu'il s'investit dans ses études et qu'il a effectué des stages professionnels au cours desquels ses qualités professionnelles ont été appréciées. Par suite, la décision portant refus de délivrer un titre de séjour à M. A... ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale normale au regard des buts en vue desquels elle a été prise, garanti notamment par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la décision portant refus de délivrer un titre de séjour à M. A... n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision contestée sur sa situation personnelle.
8. Il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par M. A... tendant à l'annulation de la décision portant refus de délivrer un titre de séjour ne peuvent qu'être rejetées.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III (...) ".
10. La motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, prise en application du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cité au point précédent, se confond avec celle du refus de titre de séjour opposé à M. A... dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé ainsi qu'il est dit au point 2 du présent arrêt et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique. Par suite, le moyen d'insuffisance de motivation doit être écarté.
11. En deuxième lieu, en l'absence d'illégalité de la décision portant refus de délivrer un titre de séjour ainsi qu'il est dit au point 8 du présent arrêt, le moyen, soulevé par voie d'exception, tiré de l'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté.
12. En dernier lieu, pour les motifs exposés au point 7 du présent arrêt, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 juillet 2019 du préfet de l'Aube. Ses conclusions à fin d'injonction et celles qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, en conséquence, être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Aube.
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N° 19NC03784