Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 août 2020, M. C..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 31 janvier 2020 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 août 2017 du préfet du Haut-Rhin ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de renouveler sa carte de résident ou, à défaut, de réexaminer sa demande dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.
Il soutient que :
- le signataire de l'acte est incompétent ;
- un recours en révision est en cours et il existe un sérieux doute sur sa culpabilité, l'arrêté d'expulsion étant entaché d'une erreur de droit en application de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté d'expulsion méconnaît le 1° de l'article L. 521-2 du même code ;
- il méconnaît son droit à une vie privée et familiale normale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fond amentales.
La requête a été communiquée au préfet du Haut-Rhin qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A..., présidente assesseur,
- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant marocain né le 7 mars 1986, qui déclare être entré en France en 2001 alors qu'il était mineur dans le cadre du regroupement familial, a été incarcéré à la maison centrale d'Ensisheim, après sa condamnation à une peine de réclusion de 20 ans pour homicide volontaire. Par un arrêté du 28 août 2017, le préfet du Haut-Rhin a édicté une mesure d'expulsion à son encontre. Par un jugement du 31 janvier 2020, dont M. C... relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 août 2017.
2. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté par adoption des motifs du point 2 du jugement attaqué.
3. En deuxième lieu, aux termes du 1° de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion que si cette mesure constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que les dispositions de l'article L. 521-3 n'y fassent pas obstacle : / 1° L'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an (...) ". Selon l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant ".
4. Il ressort des termes de l'arrêté contesté que le préfet du Haut-Rhin, pour prononcer la mesure d'éloignement de M. C..., s'est fondé sur l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cité au point 6, qui autorise l'expulsion d'un ressortissant étranger au motif qu'il présente une menace grave à l'ordre public et non sur la disposition précitée qui requiert une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique. En faisant valoir que l'arrêté du 28 août 2017 méconnaît le 1° de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. C... doit être regardé comme soulevant le moyen tiré de ce que le préfet du Haut-Rhin a commis une erreur de droit en ayant fondé la mesure d'expulsion sur les dispositions de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'il relève de celles, plus protectrices, du 1° de l'article L. 521-2 du même code.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est le père d'un enfant français, né le 24 novembre 2004. Séparé de la mère de l'enfant depuis 2006, il n'établit pas avoir effectivement contribué à l'entretien et à l'éducation de son fils depuis la naissance de ce dernier. A la date de l'arrêté en litige, il n'avait effectué que deux versements modiques pour contribuer à son entretien en 2017, sans qu'il puisse se prévaloir de son impécuniosité, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier qu'il effectuait des versements très réguliers de 100 à 200 euros par mois, voir davantage, à son épouse et à sa soeur en 2016 et 2017. Sa contribution à l'entretien de son fils n'est devenue plus régulière et plus substantielle que postérieurement à l'arrêté contesté. Ainsi, alors même que son fils est venu lui rendre visite au parloir à 16 reprises en 2016 et à 12 reprises en 2017, dans le cadre de visites accompagnées, cette circonstance ne suffit pas à établir que M. C... contribuait effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant depuis au moins un an avant la date de l'arrêté litigieux. Par suite, le requérant, qui ne relève pas des dispositions du 1° de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Haut-Rhin, en prenant l'arrêté contesté sur un autre fondement, a commis une erreur de droit.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public. ".
7. Il ressort des pièces du dossier que la cour d'assises d'appel de Colmar a condamné M. C..., le 31 janvier 2013, à 20 ans de réclusion pour homicide volont aire de la jeune femme avec laquelle il entretenait alors une relation. M. C... a également été condamné à quatre reprises, entre 2012 et 2017, à des peines pour des faits de conduite de véhicule sous l'empire d'un état alcoolique, excès de vitesse, conduite d'un véhicule malgré la suspension de son permis de conduire et détention non autorisée de stupéfiants. Eu égard à la gravité des faits à l'origine de sa condamnation à une peine de vingt ans de réclusion et au caractère répété et encore récent, à la date de l'arrêté litigieux, des autres délits commis, le préfet du Haut-Rhin n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation en estimant que la présence en France de M. C... était de nature à présenter une menace grave pour l'ordre public en application de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En dernier lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
9. M. C... déclare être entré en France en 2001 dans le cadre du regroupement familial, alors qu'il était mineur. Un premier titre de séjour de dix ans lui a été délivré en 2004. Ses parents ainsi que plusieurs de ses frères et soeurs vivent en France, sans cependant qu'il soit dépourvu de toute attache familiale au Maroc, où vivaient trois de ses frères et soeurs à la date de l'arrêté litigieux. Ainsi qu'il a été dit au point 5 du présent arrêt, à la date de la décision en litige, ses relations avec son fils, renouées en 2016 alors qu'il était incarcéré, étaient récentes et épisodiques et se sont d'ailleurs espacées depuis 2018. Si M. C... s'est marié avec une ressortissante française, mère de cinq enfants, le 11 juin 2015, les époux n'ont jamais vécu ensemble en raison de l'incarcération de M. C.... Alors même que Mme C... rend visite très régulièrement à son époux au parloir, il ressort des pièces du dossier et en particulier de l'enquête de la gendarmerie du 12 mai 2017, que les enfants de Mme C..., majeurs pour la plupart, ne sont pas au courant du mariage de leur mère et qu'en mai 2017, M. C... a indiqué qu'il serait hébergé par sa mère ou sa soeur à sa sortie d'incarcération. Enfin, la circonstance que M. C... a débuté une formation de cuisinier ne suffit pas à établir qu'il justifierait d'une insertion professionnelle en France. Par suite, eu égard aux considérations tenant à la défense de l'ordre public et à la prévention des infractions, la décision contestée n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. C... à mener une vie privée et familiale, garanti notamment par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 août 2017 du préfet du Haut-Rhin. Ses conclusions à fin d'injonction doivent, en conséquence, être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Haut-Rhin.
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N° 20NC02433