Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 février 2019, Mme E..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 24 octobre 2018 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 23 avril 2018 du préfet du Haut-Rhin ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, le tout dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 520 euros toutes taxes comprises à verser à son avocate au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le refus de renouvellement de son titre de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en l'absence de traitement disponible dans son pays d'origine ;
- il méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il porte une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale normale ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles des 7° et 11° de l'article L. 313-11 du même code ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale normale ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2019, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les traitements appropriés à l'état de santé de la requérante sont disponibles en Arménie ;
- les autres moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés.
Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 janvier 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B..., présidente, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., ressortissante arménienne née le 13 septembre 1965, est entrée irrégulièrement en France le 22 décembre 2014. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 30 novembre 2015. Un titre de séjour lui a été cependant délivré, le 28 juillet 2016 pour raisons de santé, valable pour une durée d'un an. Par un arrêté du 23 avril 2018, le préfet du Ha ut-Rhin a refusé de renouveler ce titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 24 octobre 2018, dont Mme E... relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de cet arrêté.
Sur le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
3. Il résulte des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 du même code, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
4. D'une part, par un avis du 13 février 2018, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de Mme E... nécessitait une prise en charge, dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour elle. Il a cependant également relevé qu'il existait un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine.
5. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que Mme E... est atteinte d'un carcinome mammaire droit. Outre un bilan sérologique réalisé tous les six mois, elle bénéficie d'un traitement sous hormonothérapie par Aromasine. Cependant, si le certificat médical du 15 mai 2018 établit la nécessité d'une prise en charge médicale de la requérante, il ne se prononce pas sur la disponibilité d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine.
6. Or, il ressort des pièces du dossier que Mme E... pourra bénéficier d'un suivi de la pathologie dont elle est affectée dans son pays d'origine et notamment des examens cliniques qui lui sont actuellement prescrits. En outre, le préfet du Haut-Rhin établit que l'exémestane (Aromasine) est enregistré en Arménie. Si la requérante produit un second certificat médical du 27 septembre 2018 indiquant que les traitements dont elle pourrait avoir besoin à l'avenir ne sont pas " tous " disponibles dans son pays d'origine, ce certificat, au demeurant postérieur à l'arrêté du 23 avril 2018, n'est pas de nature à remettre en cause les données issues de bases de données scientifiques selon lesquelles le traitement actuellement prescrit à Mme E... est disponible en Arménie.
7. En outre, la circonstance que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne se prononce pas sur la durée des soins dont Mme E... doit bénéficier est sans incidence sur la légalité de l'arrêté du 23 avril 2018, dès lors qu'ainsi qu'il a été dit, Mme E... peut bénéficier d'un traitement approprié à son affection dans son pays d'origine.
8. Enfin, la requérante ne saurait utilement invoquer l'avis du 1er juillet 2016 de l'Agence régionale de santé, au demeurant non produit, pour contester la légalité de l'arrêté du 23 avril 2018 du préfet du Haut-Rhin dès lors qu'il lui appartenait d'examiner l'état de santé de Mme E... à la date à laquelle il a édicté son arrêté.
9. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
10. En deuxième lieu, aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ". L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".
11. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... est entrée en France à l'âge de 49 ans, qu'elle a passé l'essentiel de sa vie en Arménie et ne résidait en France que depuis quatre ans à la date de l'arrêté du préfet du Haut-Rhin. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en dépit de ses efforts d'intégration et notamment le suivi de cours de français, l'obtention du permis de construire ou encore la participation à un chantier d'insertion Access de juin à novembre 2017, Mme E... aurait tissé des liens d'une intensité particulière en France. En outre, le refus de titre de séjour opposé à son frère jumeau et à sa belle-soeur a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 7 décembre 2018. Cependant, à la différence de son frère, Mme E... est célibataire et n'a pas d'enfant, l'intérêt supérieur des enfants du frère de la requérante ayant en effet justifié l'annulation pour excès de pouvoir prononcée par le tribunal administratif de Strasbourg, le 7 décembre 2018. Or, Mme E..., qui n'a pas vocation à résider avec son frère et sa belle-soeur, n'établit pas être dépourvue de toute attache familiale et amicale en Arménie, pays dans lequel elle a passé l'essentiel de sa vie. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
12. En dernier lieu, eu égard à la disponibilité de traitements adaptés à l'état de santé de Mme E... dans son pays d'origine et à l'absence d'atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, il ne ressort pas des pièces du dossier que le refus de titre de séjour opposé à la requérante aurait des conséquences d'une particulière gravité pour elle. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
13. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés d'une part, de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article L. 511-4 ainsi que les 7° et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'autre part, de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
Sur la décision fixant le pays de destination :
14. Il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par adoption des motifs des points 10 et 11 du jugement attaqué, Mme E... ne faisant état d'aucun élément nouveau en appel.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 avril 2018 du préfet du Haut-Rhin. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles qu'elle présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié Mme A... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Haut-Rhin.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme B..., présidente,
- Mme Antoniazzi, premier conseiller,
- M. Michel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 octobre 2019.
Le président-rapporteur,
Signé : C. B...
L'assesseur le plus ancien,
Signé : S. Antoniazzi
La greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
F. Dupuy
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N° 19NC00395