Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 février 2020, Mme A... F..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 4 de ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 7 février 2020 en tant qu'il fixe à 800 euros la somme mise à la charge de l'Etat au titre des frais non compris dans les dépens ;
2°) de condamner l'Etat à verser à Me F... la somme de 2 400 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à la contribution de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle accordée à M. C... et à Mme E..., par décisions du 19 février 2020 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle est recevable à contester le jugement en tant qu'il fixe le montant de l'indemnité à la charge de l'Etat en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
- les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ont été méconnues dès lors que l'indemnité ne pouvait pas être inférieure à la rétribution qu'elle aurait reçue au titre de l'aide juridictionnelle pour chacun des dossiers ;
- la somme demandée de 1 200 euros pour chaque dossier n'est pas excessive.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Antoniazzi, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme F..., avocate, fait appel du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 7 février 2020 en tant qu'en son article 4, il a seulement mis à la charge de l'Etat, pour les deux demandes d'annulation qu'elle avait déposées pour M. C... et Mme E..., tous deux bénéficiaires de l'aide juridictionnelle totale, une somme globale de 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ". Aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 : " Les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre (...) ./ Si l'avocat du bénéficiaire de l'aide recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat. (...) ". Aux termes de l'article 109 du décret du 19 décembre 1991 : " La part contributive versée par l'Etat à l'avocat choisi ou désigné pour assister plusieurs personnes dans une procédure reposant sur les mêmes faits en matière pénale ou dans un litige reposant sur les mêmes faits et comportant des prétentions ayant un objet similaire dans les autres matières est réduite de 30 % pour la deuxième affaire, de 40 % pour la troisième, de 50 % pour la quatrième et de 60 % pour la cinquième et s'il y a lieu pour les affaires supplémentaires ".
3. L'article 27 de la loi du 10 juillet 1991 dispose que : " (...) / Le montant, hors taxe sur la valeur ajoutée, de l'unité de valeur de référence est fixé, pour les missions dont l'admission à l'aide juridictionnelle est prononcée à compter du 1er janvier 2017, à 32 ".
4. Il résulte de la combinaison des dispositions de la loi du 10 juillet 1991 et du décret du 19 décembre 1991, pris pour son application, que l'avocat perçoit en principe une rétribution pour toute mission de représentation d'une personne bénéficiaire de l'aide juridictionnelle dans une instance déterminée. Toutefois, lorsque plusieurs bénéficiaires de l'aide juridictionnelle présentent, dans une même instance ou dans plusieurs instances, des conclusions identiques en demande ou en défense conduisant le juge à trancher les mêmes questions, l'avocat les représentant au titre de l'aide juridictionnelle réalise à leur égard une seule et même mission. La réduction de la part contributive de l'Etat à la rétribution des missions d'aide juridictionnelle assurées par l'avocat devant la juridiction administrative, prévue par l'article 109 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 s'applique lorsque celui-ci assiste plusieurs bénéficiaires de l'aide juridictionnelle présentant des conclusions similaires en demande ou en défense et que le juge est conduit à trancher des questions semblables, soit dans le cadre d'une même instance, soit dans le cadre d'instances distinctes reposant sur les mêmes faits.
5. Le montant de la part contributive de l'État à la rétribution d'un avocat au titre de l'aide juridictionnelle, en deçà duquel ne saurait être fixée par le juge administratif la somme mise à la charge de l'autre partie non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, résulte de l'application du barème fixé par l'article 90 du décret du 19 décembre 1991 et, le cas échéant, des réductions prévues par les textes applicables, notamment par les articles 38 de la loi du 10 juillet 1991 et 109 du décret du 19 décembre 1991.
6. Il résulte du barème prévu à l'article 90 du décret du 19 décembre 1991 que pour un recours dirigé contre une mesure prise en matière de droit des étrangers présenté devant un tribunal administratif le nombre d'unités de valeur était fixé à 14. La rétribution de la requérante au titre de l'aide juridictionnelle aurait été calculée sur la base d'un coefficient de 14 multiplié par l'unité de valeur de 32 euros HT prévue à l'article 27 de la loi du 10 juillet 1991, soit une somme de 448 euros HT par dossier. Toutefois, il y a lieu, au cas d'espèce, de faire application de l'article 109 du décret du 19 décembre 1991 dès lors que ces deux affaires concernaient les membres d'un couple, placés dans la même situation administrative, pour lesquels ont été pris en compte les mêmes faits pour trancher des questions semblables et dont les prétentions avaient un objet similaire. Dès lors, compte tenu de l'abattement de 30 %, pour la deuxième affaire, prévu par l'article 109 du décret, la rétribution mise à la charge de l'Etat aurait été de 313,60 euros HT, soit un montant total pour les deux instances nos 2000473, 2000474 de 913,92 euros TTC (761,60 euros HT). Dès lors, en fixant la contribution mise à la charge de l'Etat pour les deux affaires à la somme globale de 800 euros, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a méconnu les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 selon lesquelles la somme mise à la charge de la partie perdante ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat.
7. Il ressort des pièces du dossier que les diligences accomplies par Mme F... justifiaient le remboursement d'une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par ses clients et non compris dans les dépens, aucune considération tirée de l'équité ou de la situation économique de la partie perdante ne justifiant qu'il ne soit pas fait application des dispositions de l'article 37 précité. Par suite, Mme F... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 4 du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a limité à la somme de 800 euros le versement à son profit mis à la charge de l'Etat qu'il y a lieu de porter à 1 500 euros, ce versement entraînant pour celle-ci renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Sur les frais de l'instance :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par Mme F... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La somme de 800 euros mise à la charge de l'Etat au bénéfice de Mme F... par l'article 4 du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 7 février 2020 est portée à 1 500 euros.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 7 février 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme F... la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... F... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Bas-Rhin.
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N° 20NC00480