Par un jugement n° 1605404-1700855 du 13 mars 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 8 août 2016 et rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 mai 2019 et 4 mai 2020, Mme A..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 13 mars 2019 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 27 décembre 2016 par laquelle le directeur départemental des finances publiques du Haut-Rhin a rejeté sa demande tendant au bénéfice d'un congé de longue maladie ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;
3°) d'enjoindre au directeur départemental des finances publiques du Haut-Rhin de lui accorder le bénéfice d'un congé de longue maladie ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'absence des noms des médecins signataires du procès-verbal du comité médical entache la procédure d'irrégularité dès lors qu'il n'est pas possible de vérifier la régularité de la composition de ce comité ;
- la décision litigieuse n'est pas motivée dès lors qu'elle ne précise pas les pièces du dossier sur lesquelles elle se fonde ;
- le tribunal et l'administration ont commis une erreur manifeste d'appréciation en lui refusant l'octroi d'un congé longue maladie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 décembre 2019, le ministre de l'économie et des finances et le ministre de l'action et des comptes public concluent au rejet de la requête.
Ils soutiennent que :
- les conclusions à fin d'injonction sont irrecevables ;
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 13 novembre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 30 novembre 2020 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Antoniazzi, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Agent administratif principal de la direction générale des finances publiques, en poste à la trésorerie d'Altkirch, Mme A... a sollicité à plusieurs reprises, depuis 2013, l'octroi d'un congé de longue maladie. Placée à nouveau en congé de maladie ordinaire à compter du 7 décembre 2015, elle a sollicité le bénéfice d'un congé de longue maladie le 15 avril 2016. A la suite de l'avis défavorable émis par le comité médical départemental, le directeur départemental des finances publiques (DDFP) du Haut-Rhin a rejeté la demande de Mme A... par décision du 8 août 2016 et l'a invitée à reprendre ses fonctions à compter du 7 septembre 2016. Mme A... n'a toutefois pas déféré à cette invitation et a présenté de nouveaux arrêts de travail. L'administration a en conséquence sollicité une nouvelle expertise médicale qui s'est déroulée le 20 octobre 2016. Par un avis du 7 décembre 2016, le comité médical départemental a émis un nouvel avis défavorable à l'octroi d'un congé de longue maladie. Par une décision du 27 décembre 2016, le DDFP du Haut-Rhin a pris une nouvelle décision refusant le bénéfice d'un congé de longue maladie à Mme A.... Celle-ci relève appel du jugement du 13 mars 2019 en tant que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) ; 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. (...) ".
3. Pour refuser d'accorder à Mme A... le bénéfice d'un congé de longue maladie, le directeur départemental des finances publiques s'est notamment fondé sur l'avis émis le 7 décembre 2016 par le comité médical départemental, qui a estimé que l'affection présentée n'était pas suffisamment invalidante pour justifier un congé de longue maladie, a maintenu le sens de l'avis émis lors de la séance du 3 août 2016 et a indiqué que l'intéressée était apte à la réintégration à temps plein à compter du 7 septembre 2016. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme A... souffre d'un syndrome anxio-dépressif chronique, de douleurs et d'une asthénie chroniques et présente également des troubles de la concentration et de la mémoire, constatés lors de test neuropsychologiques. Les certificats médicaux, émis par le médecin psychiatre qui la suit depuis 2012 et par son médecin généraliste, attestent que les multiples pathologies de Mme A... ne lui permettent pas de reprendre une activité professionnelle, renforcent la pénibilité de son travail et la handicapent dans son quotidien. Ces conclusions sont corroborées par le médecin chargé de la prévention, qui, depuis 2013, appelle l'attention de l'administration sur la situation de Mme A..., et constate qu'en dépit des aménagements de poste consentis pour privilégier des tâches répétitives, Mme A... n'est pas en capacité de remplir ses fonctions. Enfin, l'expert chargé d'examiner la requérante, à la demande de l'administration, a constaté que celle-ci souffrait d'un syndrome dépressif sévère et conclu que le congé de longue maladie était justifié dans son rapport établi le 6 décembre 2016. Dans ces conditions, même si le comité médical, dont la position ne lie pas l'administration, a rendu le 7 décembre 2016 un avis défavorable au bénéfice par Mme A... d'un congé de longue maladie et que cette instance avait précédemment rendu d'autres avis défavorables les 29 mai 2013, 9 octobre 2013, 18 février 2015 et 3 août 2016, il ressort de l'ensemble des pièces du dossier qu'à la date de la décision en litige, les multiples pathologies de Mme A... la mettaient dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rendaient nécessaires un traitement et des soins prolongés et présentaient un caractère invalidant et de gravité confirmée, lui donnant droit à un congé de longue maladie. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme A... est fondée à demander l'annulation de la décision lui refusant un congé de longue maladie à compter du 7 décembre 2015.
4. Il résulte de ce qui précède, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ".
6. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que le présent arrêt implique nécessairement, eu égard au motif d'annulation de la décision du 27 décembre 2016, que l'administration place Mme A... en congé de longue maladie à compter du 7 décembre 2015. Contrairement à ce que soutient le ministre de l'économie et des finances, le juge, saisi de conclusions tendant à ce que soient prescrites les mesures d'exécution qu'implique nécessairement l'annulation d'une décision administrative, peut, en application des dispositions précitées, enjoindre à l'administration de prendre une décision dans un sens déterminé. Par suite, les conclusions de Mme A... présentées sur le fondement de l'article L. 911-1 du code susmentionné sont recevables. Dès lors, il y a lieu d'enjoindre au directeur départemental des finances publiques du Haut-Rhin de prendre une décision plaçant Mme A... en congé de longue maladie à compter du 7 décembre 2015 dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1605404-1700855 du 13 mars 2019 en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation de la décision du 27 décembre 2016 par laquelle le directeur départemental des finances publiques du Haut-Rhin a rejeté la demande de Mme A... tendant au bénéfice d'un congé de longue maladie ainsi que cette dernière décision sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au directeur départemental des finances publiques du Haut-Rhin de placer Mme A... en congé de longue maladie à compter du 7 décembre 2015, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'économie et des finances et au ministre de l'action et des comptes public.
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N° 19NC01442