Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 1er août 2019 et le 4 mai 2020, M. F..., représenté par Me D..., , demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 11 juillet 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 19 mars 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous une astreinte de 150 euros par jour de retard, et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous les mêmes conditions d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- le jugement est entaché d'erreurs de droit et d'erreurs de fait ;
- l'arrêté du 19 mars 2019 est entaché d'incompétence de l'auteur de l'acte car il ne vise pas l'arrêté de délégation de son signataire ;
- il méconnaît les articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;
- le préfet a commis une erreur de droit car il a instruit sa demande sur un autre fondement que celui-ci expressément sollicité.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 décembre 2020, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Roussaux, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. F..., ressortissant géorgien, est entré en France le 13 avril 2012 selon ses déclarations et a sollicité l'asile le 22 mai 2012. Sa demande d'asile a fait l'objet d'un rejet tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile. Il a bénéficié d'une carte de séjour temporaire du 11 mars 2015 au 10 mars 2016 au regard de son état de santé. Toutefois, le préfet lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour le 31 octobre 2017. Il s'est marié le 28 août 2018 avec une réfugiée géorgienne et a sollicité, par courrier du 21 janvier 2019, une admission au séjour sur le fondement des articles L. 313-11-7° et L. 313-14 du code de l'entré et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 19 mars 2019, le préfet du Bas-Rhin lui a refusé le séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. F... fait appel du jugement du 11 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Contrairement à ce que soutient M. F..., les premiers juges, qui n'étaient pas tenu de répondre à tous les arguments développés à l'appui des moyens invoqués par le requérant, ont répondu à l'ensemble des moyens soulevés et ont suffisamment motivé leur jugement.
3. En second lieu, si M. F... soutient que les premiers juges ont entaché leur jugement d'erreurs de faits et d'erreurs de droit, de telles erreurs, à les supposer établies, sont seulement susceptibles de remettre en cause le bien-fondé du jugement. Elles sont par suite, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. En premier lieu, la décision en litige a été signée par Mme B... A..., faisant fonction de directrice des migrations et de l'intégration, qui a reçu délégation de signature aux fins de signer tous arrêtés et décisions relevant des attributions dévolues à cette direction, à l'exception de certaines catégories d'actes au nombre desquelles ne figurent pas les décisions prises en matière de séjour et d'éloignement des étrangers. La circonstance que la décision en litige ne vise pas l'arrêté de délégation de signature est sans incidence sur sa légalité. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué, signé par Mme A..., serait entaché d'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que le requérant est arrivé en France en 2012, est marié depuis le 28 août 2018 avec une géorgienne qui a obtenu le statut de réfugié et a été embauché en contrat à durée indéterminée le 5 novembre 2015 alors qu'il était titulaire d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Toutefois, à la date de l'arrêté attaqué, M. F... n'était marié que depuis moins de 7 mois avec Mme C... et n'a apporté aucun élément tendant à démontrer une communauté de vie antérieure au mariage qui justifierait une relation stable et ancienne. S'il fait état de son poste d'ouvrier de maintenance, il ressort des pièces du dossier que son contrat à durée indéterminée avec la société MMT a pris fin le 31 mars 2018. Par ailleurs le requérant n'établit pas qu'il serait isolé en cas de retour dans son pays d'origine ou résident toujours ses parents et son frère. Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier, alors qu'il dispose au demeurant de la possibilité de bénéficier du regroupement familial, que l'arrêté litigieux aurait porté au droit de M. F... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Dans ces conditions, le préfet n'a pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en lui refusant un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées. Pour les mêmes motifs, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet aurait entaché son arrêté d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de l'intéressé au regard de son pouvoir de régularisation.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".
8. Il appartient à l'autorité administrative, en application de ces dispositions, de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale" répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire".
9. Alors que le requérant n'invoque aucune considération humanitaire ou motif exceptionnel au sens des dispositions précitées et que les éléments dont il se prévaut rappelés au point 6 du présent arrêt n'en constituent pas, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. En dernier lieu, si le requérant soutient que le préfet a commis une erreur de droit en instruisant sa demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L.411-1 du code précité qui permet de bénéficier du regroupement familial sans l'inviter à présenter ses observations, ni à éventuellement régulariser sa demande, il ressort toutefois des termes de l'arrêté litigieux que quand bien même le préfet a visé l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a mentionné la possibilité pour l'épouse du requérant d'engager des démarches auprès de l'office français de l'immigration et de l'intégration dans le cadre d'une procédure de regroupement familial, il ne s'est pas prononcé sur un droit au séjour au titre de ce fondement. Par suite, le moyen est inopérant et doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
D E C I D E :
Article 1 : La requête de M. F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... F... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 19NC02485