Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 22 novembre 2019 et le 15 février 2020, M. A..., représenté Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 18 octobre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aube du 21 juin 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, à défaut de réexaminer sa situation sous la même condition de délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
sur la décision portant refus de titre de séjour :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 313-14 du même code ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle emporte des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 mai 2020, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. A... aux éventuels dépens.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Roussaux, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant de nationalité guinéenne né le 19 février 1988, est entré sur le territoire français le 1er octobre 2012 selon ses déclarations. Il a sollicité le 19 février 2013 son admission au séjour au titre de l'asile. Par une décision du 7 février 2014, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande, cette décision a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile par une décision du 30 janvier 2015. Par un arrêté du 26 mars 2015, le préfet de l'Aube a pris à l'encontre de M. A... une mesure d'éloignement. Il s'est toutefois maintenu sur le territoire français. Le 11 avril 2019, l'intéressé a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 21 juin 2019 le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... fait appel du jugement du 18 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, l'arrêté contesté comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit pour lesquelles le préfet de l'Aube a refusé de délivrer au requérant le titre de séjour qu'il sollicite. Dès lors et dans le respect des dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, ce refus est régulièrement motivé.
3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, pour refuser à M. A... la délivrance du titre de séjour demandé, le préfet de l'Aube a procédé à un examen particulier de la situation du requérant, au regard de l'ensemble des éléments caractérisant sa situation portée à sa connaissance. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit sera écarté.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. (...) ".
5. M. A... soutient qu'il justifie résider de manière habituelle en France depuis le 1er octobre 2012 et qu'il vit en concubinage avec une ressortissante française qui l'héberge depuis le 4 octobre 2015. Toutefois, les seuls documents qu'il produit pour justifier de sa relation de concubinage sont deux attestations du 18 juillet 2019 et du 10 janvier 2020 de cette personne qui affirme l'héberger et avoir un projet de mariage avec lui, ainsi qu'une autre de la fille de cette dernière et d'autres témoignages peu circonstanciés. Aucune de ces pièces ne permet d'établir la réalité et l'intensité des liens qu'il aurait tissés avec cette ressortissante, ni leur communauté de vie. De plus, il ressort de sa demande de titre de séjour formulée le 31 janvier 2019 qu'il a indiqué être célibataire. Par ailleurs, il ne justifie pas du caractère habituel de sa présence en France au cours des années 2017 et 2018 par la seule production d'une carte individuelle d'admission à l'aide médicale d'état valable du 16 mars 2017 au 16 mars 2018. S'il produit également une promesse d'embauche datée du 4 avril 2019 par la société Bruno Location pour un poste de " manoeuvre ", celle-ci ne précise aucune durée. Enfin, l'intéressé ne conteste pas qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 24 ans et où résident, selon ses déclarations en préfecture, ses parents ainsi que ses trois frères et soeurs. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, la décision de refus de séjour opposée par le préfet de l'Aube au requérant n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Dans ces conditions, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'arrêté contesté sur sa situation personnelle doit être écarté.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ". Il appartient à l'autorité administrative, en application de ces dispositions, de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale" répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire".
7. Compte tenu notamment des circonstances mentionnées au point 5, lesquelles ne révèlent pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Aube aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en lui refusant le séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 en refusant de lui délivrer un titre de séjour.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, lorsqu'un refus de titre de séjour est assorti d'une obligation de quitter le territoire français, la motivation de fait de cette dernière se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé, de motivation spécifique. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit au point 2, la décision portant refus de titre de séjour comporte l'énoncé des éléments de fait sur lesquels s'est fondé le préfet pour prendre sa décision. Par conséquent, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui vise son fondement légal, doit être écarté.
9. En deuxième lieu, la décision portant refus de titre de séjour opposée au requérant n'étant pas entachée d'illégalité, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de son illégalité, ne peut qu'être écarté.
10. En dernier lieu, en se bornant à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français emporte des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle, M. A... n'assortit pas son moyen de précisions nécessaires permettant d'en apprécier le bien-fondé.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.
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N° 19NC03386