Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 31 janvier 2020, Mme D..., épouse A..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 7 novembre 2019 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté du 26 juin 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- il n'est pas établi que le médecin qui a rédigé le rapport médical n'a pas siégé au sein du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a émis l'avis du 9 juillet 2018 ;
- le préfet a méconnu le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle ne sera pas en mesure de bénéficier d'un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité par voie d'exception ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est entachée d'illégalité par voie d'exception.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 décembre 2020, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme D..., épouse A... n'est fondé.
Mme D..., épouse A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C..., présidente assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Une note en délibéré a été produite pour Mme D..., épouse A... le 18 janvier 2021.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., épouse A..., ressortissante albanaise née le 18 septembre 1979, est entrée en France, le 11 avril 2017. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le 12 juillet 2017. La Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a confirmé la décision de l'OFPRA par une décision du 12 décembre 2017. Par un arrêté du 26 juin 2019, le préfet du Bas-Rhin a refusé de délivrer à Mme A... un titre de séjour pour motifs de santé, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée. Par un jugement du 7 novembre 2019, dont Mme D..., épouse A... relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 juin 2019.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée (...) ". Selon l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". L'article R. 313-23 du même code énonce que : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. A défaut de réponse dans le délai de quinze jours, ou si le demandeur ne se présente pas à la convocation qui lui a été fixée, ou s'il n'a pas présenté les documents justifiant de son identité le médecin de l'office établit son rapport au vu des éléments dont il dispose et y indique que le demandeur n'a pas répondu à sa convocation ou n'a pas justifié de son identité. Il transmet son rapport médical au collège de médecins (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle (...) ".
3. En premier lieu, d'une part, il ressort des pièces du dossier que le rapport médical sur l'état de santé de Mme A... a été rédigé par le Dr. Ricatte, le 6 juin 2018. Le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a émis un avis sur son état de santé, le 9 juillet 2018, était composé des Dr. Bisbal, Gerlier et Mbomeyo. Par suite, le médecin instructeur n'a pas siégé au sein du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui s'est prononcé sur l'état de santé de Mme A.... Le moyen tiré du caractère irrégulier de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration doit, en conséquence, être écarté.
4. D'autre part, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
5. Il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, par son avis du 9 juillet 2018, que l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut est susceptible d'entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité pour elle, mais qu'elle est cependant à même de bénéficier de traitements appropriés dans son pays d'origine.
6. Pour contester l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, Mme A... produit un certificat médical du 14 juin 2019 qui confirme qu'elle a besoin d'un suivi médical en particulier en raison d'une obésité morbide avec un diabète de type II et d'une cardiopathie ischémique avec implantation de six stents. Elle bénéficie depuis juin 2019 d'une insulinothérapie par pompe à insuline. Un certificat médical de juillet 2019, postérieur à l'arrêté litigieux, indique que la non prise en charge des affections de Mme A... et notamment de son diabète de type II l'exposerait à un risque de morbidité majeur à moyen terme. Un certificat médical de novembre 2019, également postérieur à l'arrêté litigieux, précise que son diabète est déséquilibré et exige un suivi régulier. Ces certificats confirment ainsi l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur les conséquences d'une particulière gravité auxquelles Mme A... serait exposée en cas d'interruption de sa prise en charge. Par ailleurs, un certificat du 8 novembre 2019 du centre médical de Kavaje, qui peut être pris en compte dès lors qu'il fait état de faits antérieurs à l'arrêté litigieux, tout en indiquant qu'il n'existe pas de traitement du diabète par pompe à insuline en Albanie, énonce que Mme A... y était déjà suivie pour son diabète et ses problèmes cardiaques. Or, il ne ressort pas des pièces du dossier que le diabète de Mme A... aurait connu une aggravation depuis son arrivée en France en 2017 et ne pourrait être traité que par un dispositif d'injections par pompe à insuline. Ainsi, la seule circonstance que les pompes à insuline n'existeraient pas en Albanie ne suffit pas à établir que son diabète de type II ne pourrait pas y être soigné, différents traitements par insuline étant disponibles en Albanie, y compris l'insuline " Novorapid ", qui lui est prescrite selon les pièces produites.
7. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
8. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour doivent être rejetées.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, la décision du préfet du Bas-Rhin portant refus de délivrer un titre de séjour à Mme A... n'étant pas entachée d'illégalité, le moyen tiré de son illégalité, soulevé par voie d'exception, doit être écarté.
10. En second lieu, ainsi qu'il a été dit, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... ne pourrait pas disposer d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Il ressort, en outre, des pièces du dossier qu'elle est entrée récemment en France en 2017 et n'y justifie d'aucune insertion particulière. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que son fils, né en 2008, âgé de 11 ans à la date de la décision litigieuse, ne pourrait pas la suivre en cas de retour dans son pays d'origine. Son mari n'est également titulaire d'aucun titre de séjour et a d'ailleurs été éloigné à destination de l'Albanie le 24 septembre 2019. Outre la présence de son mari, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait dépourvue d'attaches familiales en Albanie. Par suite, le moyen de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de Mme A... doit être écarté.
11. Par suite, les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doivent être rejetées.
Sur les décisions fixant le pays de destination :
12. Les décisions du préfet du Bas-Rhin portant refus de délivrer un titre de séjour à Mme A... et obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachées d'illégalité, le moyen tiré de leur illégalité, soulevé par voie d'exception, doit être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 juin 2019. Ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, en conséquence, être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... D..., épouse A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information à la préfète de la région Grand Est, préfète du Bas-Rhin.
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N° 20NC00283