Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 septembre 2017 et 20 juillet 2018, la société DP Construction, représentée par Me A...de la SCP JBR, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 4 juillet 2017 ;
2°) de condamner la commune de Nuisement-sur-Coole à lui verser une somme de 21 724,64 euros, au titre du solde de son marché, assortie des intérêts moratoires à compter du 27 mai 2015 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Nuisement-sur-Coole le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés en première instance et une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont statué ultra petita en se prononçant sur les pénalités de retard alors que la commune n'a pas formé de demande à ce titre ;
- les travaux complémentaires qu'elle a réalisés ont été acceptés par la commune pour une somme de 7 500 euros hors taxes ;
- il n'y a pas eu de retard dès lors que les travaux du marché de construction de la salle d'activités culturelles devaient être terminés au 31 octobre 2014 ;
- les délais figurant dans l'acte d'engagement sont indicatifs ;
- le planning auquel fait référence la commune par son courrier du 20 avril 2015 n'est qu'indicatif ;
- les délais d'exécution n'avaient pas de valeur contractuelle, ainsi qu'il ressort des courriers du cabinet d'architectes Grzeszczak Rigaud ;
- ce cabinet d'architectes ne disposait pas de la capacité à imposer des délais à la société, quand bien même les ordres de service ont été régularisés ;
- les délais prévus au marché de maîtrise d'oeuvre étaient indicatifs et, en tout cas, inopposables aux constructeurs ;
- rien ne démontre la réalité du retard ;
- le cahier des clauses administratives particulières est imprécis s'agissant de la période à prendre en compte pour appliquer la pénalité de 300 euros hors taxes qu'il prévoit ;
- la réception de l'ensemble du chantier étant intervenue dans le délai prévu au 31 octobre 2014, aucun retard ne saurait être retenu à son encontre ;
- le solde de son marché s'élève à la somme de 21 724,84 euros toutes taxes comprises comprenant la retenue de garantie pour une somme de 13 207,15 euros ainsi que les travaux complémentaires ;
- à la suite de la reprise des réserves, la commune n'a émis aucune réclamation depuis plus d'une année de sorte que la retenue de garantie n'est plus justifiée ;
- le solde de son marché ne lui a pas été versé ;
- elle a droit aux intérêts moratoires sur le solde de son marché à compter du 27 mai 2015, date du décompte.
La requête a été communiquée à la commune de Nuisement-sur-Coole, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 ;
- l'arrêté du 8 septembre 2009 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Michel, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Louis, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un acte d'engagement du 1er octobre 2013, la commune de Nuisement-sur-Coole a confié à la société DP Construction le lot n° 1 " gros-oeuvre " d'un marché de construction d'une salle d'activités culturelles. La société DP Construction a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner la commune à lui verser une somme de 21 994,84 euros correspondant au solde de ce marché, assortie des intérêts moratoires à compter du 27 mai 2015. Par un jugement du 4 juillet 2017, dont elle relève appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a déterminé le solde de ce marché et, après avoir constaté qu'il était débiteur, a rejeté cette demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la société DP Construction a notamment contesté devant le tribunal administratif les pénalités de retard mises à sa charge par le maître de l'ouvrage. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges qui, pour dégager le solde du marché en litige, ont apprécié le bien-fondé de ces pénalités, auraient statué au-delà des prétentions des parties, alors même que la commune de Nuisement-sur-Coole n'avait, sur ce point, présenté aucun moyen en défense. Le moyen tiré de l'irrégularité, à cet égard, du jugement attaqué doit être écarté.
Sur le solde du marché :
3. Il appartient au juge du contrat, en l'absence de décompte général devenu définitif, de statuer sur les réclamations pécuniaires des parties et de déterminer le solde de leurs obligations contractuelles respectives.
4. La société DP Construction soutient sans être contredite que le montant total du marché exécuté s'établit à la somme de 264 142,78 euros et qu'elle a déjà perçu une somme de 242 417,94 euros. Elle conteste les pénalités de retard que la commune a entendu lui infliger et demande le paiement du solde de ce marché soit la somme de 21 724,84 euros toutes taxes comprises, comprenant également des travaux supplémentaires non réglés ainsi que le montant de la retenue de garantie.
5. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de l'acte d'engagement : " (...) Le délai d'exécution propre au lot pour lequel je m'engage sera déterminé à partir du planning que j'ai fourni à l'appui de mon offre et de la mise au point de celui-ci avec l'ensemble des entreprises durant la période de préparation du chantier ". Aux termes de l'article 4 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) : " 4-1. Délai d'exécution des travaux : Le délai d'exécution de l'ensemble des lots est fixé à l'article 3 de l'acte d'engagement / Les délais d'exécution propres à chacun des lots s'insèrent dans ce délai d'ensemble ". Selon l'article 4-1-2 de ce même document : " A- Le calendrier détaillé d'exécution est affiné par l'équipe de maîtrise d'oeuvre sur la base des plannings remis par les titulaires à l'appui de leurs offres et après consultation des entrepreneurs (...) / B- Le délai d'exécution propre à chacun des lots commence à courir à la date fixée dans le calendrier détaillé d'exécution (...) ". Aux termes de l'article 4-3.1 du même document relatif aux pénalités pour retard : " Les dispositions suivantes sont appliquées lot par lot, en cas de retard dans l'exécution des travaux, comparativement au calendrier détaillé d'exécution élaboré avec les entrepreneurs. / (...) Le montant (...) est de 300 euros HT ". Enfin aux termes de l'article 20.1.1 du cahier des clauses administratives générales relatives aux marchés de travaux, applicable au présent marché en vertu de l'article 2 du CCAP : " Les pénalités sont encourues du simple fait de la constatation du retard par le maître d'oeuvre ".
6. Il résulte de l'instruction que par un ordre de service n° 1 du 30 septembre 2013, la date de démarrage des travaux a été fixée au 30 octobre 2013. Le planning d'exécution a été communiqué à la société DP Construction par un ordre de service n° 2 du 10 décembre 2013, qui prévoyait un délai de quatre mois pour l'exécution des travaux du lot n° 1. Contrairement à ce que soutient la société DP Construction, il résulte des stipulations précitées du cahier des clauses administratives particulières du marché ainsi que de cet ordre de service n° 2 que ce planning n'a pas qu'un caractère indicatif mais qu'il engage la société au titre de ses obligations contractuelles. Si l'ordre de service n° 3 du 5 septembre 2014 a actualisé le planning d'exécution et a prévu, en outre, une reprise du mur béton apparent du 8 septembre au 1er octobre 2014, il n'a cependant pas modifié la date contractuelle de fin des travaux du lot n° 1, qui est restée fixée au 24 février 2014. Lors de l'établissement du projet de décompte général définitif du marché par le maître d'oeuvre, ont été retenus, dans l'exécution des travaux de ce lot, des retards correspondant à quarante jours ouvrables susceptibles de donner lieu à des pénalités contractuelles d'un montant total de 12 000 euros hors taxes, qui ont été ramenées, par le maître d'ouvrage, à un montant de 7 500 euros hors taxes.
7. La société DP Construction qui ne produit, à l'instance, aucun élément précis de nature à infirmer la réalité des retards qui lui ont été ainsi reprochés par la commune, ne saurait utilement, pour contester ces pénalités, se prévaloir du fait que le délai d'exécution de l'ensemble des lots du marché de construction de la salle d'activités culturelles aurait été globalement respecté. En outre, si par un courrier du 20 avril 2015, le bureau d'architectes Grzeszczak Rigaud a informé les entrepreneurs que la commune avait refusé de contractualiser avec lui la mission " ordonnancement, pilotage et coordination " de sorte que les actes émis par ses soins devaient être regardés comme dépourvus de toute valeur juridique, cette circonstance, contrairement à ce que soutient la société DP Construction, demeure sans incidence quant à l'opposabilité des ordres de service dont elle a été destinataire et n'a eu aucunement pour effet de la délier de ses propres obligations contractuelles.
8. Il en résulte que la société DP Construction n'est pas fondée à demander que soit réintégrée, dans les sommes qui lui étaient dues au titre du marché, la somme de 7 500 euros hors taxes correspondant aux pénalités de retard que la commune a entendu lui infliger.
9. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que les travaux supplémentaires sur les réseaux, de fourniture de gros béton et de comblement d'un puits d'un montant total de 7 500 euros hors taxes ont été acceptés par la commune de Nuisement-sur-Coole mais ne lui ont pas été réglés. Par suite, la société DP Construction est fondée à en demander le paiement.
10. En dernier lieu, il n'est pas contesté que la société DP Construction a procédé à la reprise des réserves émises lors de la réception des travaux qui a fait l'objet d'un procès-verbal le 31 octobre 2014 . Elle est, par suite, fondée, en application des dispositions de l'article 101 du code des marchés publics alors en vigueur, à demander le remboursement de la retenue de garantie.
11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4, 8, 9 et 10 que la société DP Construction est fondée à demander au titre du solde de son marché le règlement d'une somme de 14 224,84 euros toutes taxes comprises. Il s'ensuit que la société DP Construction est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté dans cette mesure, sa demande à ce titre.
Sur les intérêts :
12. Selon le I de l'article 8 du décret du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique : " Le taux des intérêts moratoires est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement les plus récentes, en vigueur au premier jour du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de huit points de pourcentage. / Les intérêts moratoires courent à compter du jour suivant l'échéance prévue au contrat ou à l'expiration du délai de paiement jusqu'à la date de mise en paiement du principal incluse. / Les intérêts moratoires appliqués aux acomptes ou au solde sont calculés sur le montant total de l'acompte ou du solde toutes taxes comprises, diminué de la retenue de garantie, et après application des clauses d'actualisation, de révision et de pénalisation ". Et selon le I de l'article 2 de ce décret : " Le délai de paiement court à compter de la date de réception de la demande de paiement par le pouvoir adjudicateur ou, si le contrat le prévoit, par le maître d'oeuvre ou toute autre personne habilitée à cet effet. / Toutefois : (...) 2° Pour le paiement du solde des marchés de travaux soumis au code des marchés publics, le délai de paiement court à compter de la date de réception par le maître de l'ouvrage du décompte général et définitif établi dans les conditions fixées par le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (...) ". Aux termes du II de cet article : " (...) La date de réception de la demande de paiement et la date d'exécution des prestations sont constatées par les services du pouvoir adjudicateur ou, le cas échéant, par le maître d'oeuvre ou la personne habilitée à cet effet. A défaut, c'est la date de la demande de paiement augmentée de deux jours qui fait foi. En cas de litige, il appartient au créancier d'apporter la preuve de cette date ". Enfin selon le b) de l'article 1er du même décret, le délai de paiement pour une collectivité territoriale est de trente jours.
13. Il résulte des dispositions précitées du 2° du I de l'article 2 du décret du 29 mars 2013 que lorsqu'un décompte général fait l'objet d'une réclamation par le cocontractant, le délai de paiement du solde doit être regardé comme ne commençant à courir qu'à compter de la réception de cette réclamation par le maître d'ouvrage. En application des dispositions précitées du II de l'article 2 du décret du 29 mars 2013, la réclamation du 27 mai 2015 de la société DP Construction doit être regardée comme ayant été réceptionnée le 29 mai 2015 et cette société a ainsi droit aux intérêts moratoires contractuels à compter du 29 juin 2015, date à laquelle expirait le délai de paiement contractuel de trente jours imparti à la commune, au taux prévu par les dispositions du I de l'article 8 du même décret, sur le montant du solde de son marché, diminué de la somme de 13 207,15 euros toutes taxes comprises correspondant à la retenue de garantie, soit sur une somme de 1 017,69 euros toutes taxes comprises.
Sur les frais liés à l'instance :
14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Nuisement-sur-Coole le versement de la somme de 1 500 euros à la société DP Construction sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1500573 du 4 juillet 2017 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.
Article 2 : La commune de Nuisement-sur-Coole est condamnée à verser à la société DP Construction une somme de 14 224,84 euros toutes taxes comprises.
Article 3 : La somme de 1 017,69 euros toutes taxes comprises portera intérêt à compter du 29 juin 2015, au taux prévu par les dispositions du I de l'article 8 du décret n° 2013-269 du 29 mars 2013.
Article 4 : La commune de Nuisement-sur-Coole versera à la société DP Construction une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête et de la demande présentée devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société DP Construction et à la commune de Nuisement-sur-Coole.
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N° 17NC02263