Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement le 20 octobre 2017 et les 30 juillet, 11 et 16 octobre 2018, M. A... B..., représenté par la S.C.P. Nataf et Planchat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 et 2012, et des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le droit de communication exercé par l'administration auprès du Parquet est irrégulier au regard des articles L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales, l'obtention des pièces étant antérieure à une instance judiciaire ;
- la vérification de comptabilité s'étant déroulée dans les locaux du centre des finances publiques et non à son domicile où se trouvait sa comptabilité, la procédure est irrégulière en application de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales ;
- la proposition de rectification et la réponse aux observations du contribuable sont insuffisamment motivées en méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- les rehaussements ne peuvent être fondés sur les éléments de l'enquête pénale qui n'ont pas été retenus comme probants par les juridictions pénales et ont donné lieu à une relaxe ;
- la réalité des ventes d'or ayant fait l'objet de rehaussements n'est pas établie par l'administration ;
- les constations du juge pénal s'imposent au juge de l'impôt ;
- en ne prenant pas en compte le bénéfice tiré de son activité mais seulement le chiffre d'affaires, l'administration a méconnu l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
- conformément aux dispositions prévues par l'article 6 § 2 de la convention européenne des droits de l'homme, l'arrêt de la cour d'appel de Reims en date du 10 décembre 2015, qui a prononcé la relaxe de M.B..., fait obstacle à l'application de la majoration de 80 %.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 mars et 9 octobre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par des mémoires, enregistrés les 30 juillet et 20 août 2018, M. B...demande à la cour, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017, notamment le III de son article 55.
Il soutient que ces dispositions applicables au litige méconnaissent le principe selon lequel la loi pénale nouvelle doit, lorsqu'elle abroge une incrimination ou prononce des peines moins sévères que la loi ancienne, s'appliquer de manière rétroactive.
Par un mémoire, enregistré le 20 août 2018, le ministre de l'action et des comptes publics soutient que les conditions posées par l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 pour transmettre une question prioritaire de constitutionnalité ne sont pas remplies.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017, notamment le III de son article 55 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lambing,
- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., qui exerce une activité de brocanteur, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au cours de laquelle le vérificateur a constaté des minorations de recettes. Par proposition de rectification du 3 octobre 2014, l'administration a rehaussé les revenus imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, selon la procédure de rectification contradictoire s'agissant de l'année 2011 et selon la procédure d'évaluation d'office s'agissant de l'année 2012. L'administration lui a notifié en conséquence des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2011 et 2012 ainsi que des pénalités correspondantes. M. B... relève appel du jugement du 4 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 82 C du livre des procédures fiscales : " A l'occasion de toute instance devant les juridictions civiles ou criminelles, le ministère public peut communiquer les dossiers à l'administration des finances. (...) ". Aux termes de l'article L. 101 du même livre dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " L'autorité judiciaire doit communiquer à l'administration des finances toute indication qu'elle peut recueillir, de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ou une manoeuvre quelconque ayant eu pour objet ou ayant eu pour résultat de frauder ou de compromettre un impôt, qu'il s'agisse d'une instance civile ou commerciale ou d'une information criminelle ou correctionnelle même terminée par un non-lieu. (...) ". Pour l'application de ces dispositions, seul l'engagement de poursuites, qui inclut la phase de l'instruction conduite par le juge d'instruction, doit être regardé comme ouvrant l'instance. Ni l'ouverture d'une enquête préliminaire, ni l'examen des poursuites par le ministère public, selon les formes et conditions prévues par le code de procédure pénale, n'ont, eux-mêmes, un tel effet.
3. M. B...soutient que le droit de communication exercé par l'administration fiscale auprès du Parquet est irrégulier dès lors que l'instance judiciaire le concernant a été engagée postérieurement. Il résulte de l'instruction, et notamment du jugement du tribunal correctionnel de Châlons-en-Champagne du 26 novembre 2014, qu'une convocation à l'audience devant le tribunal correctionnel de Châlons-en-Champagne a été adressée à M. B...le 26 mai 2014 sur instruction du procureur de la République, valant engagement de poursuites à l'encontre de l'intéressé. L'administration fiscale a exercé son droit de communication auprès du substitut du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne le 26 juin 2014 afin d'obtenir les pièces relatives à la procédure pénale ouverte à l'encontre de M.B.... Ainsi, à cette date, M. B...était poursuivi devant un tribunal et une instance correctionnelle était ouverte à son encontre. Dans ces conditions, l'administration pouvait régulièrement fonder sa demande de communication sur les dispositions des articles L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales.
4. En deuxième lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales dans sa version applicable à la présente procédure : " Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements. "
5. Les dispositions de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales ont pour conséquence que toute vérification de comptabilité doit en principe se dérouler dans les locaux de l'entreprise vérifiée. La vérification n'est toutefois pas nécessairement entachée d'irrégularité du seul fait qu'elle ne s'est pas déroulée dans ces locaux. Il en va ainsi lorsque, notamment, la comptabilité ne se trouve pas dans l'entreprise et que, d'un commun accord entre le vérificateur et les représentants de l'entreprise, les opérations de vérification se déroulent au lieu où se trouve la comptabilité, dès lors que cette circonstance ne fait, par elle-même, pas obstacle à ce que la possibilité d'engager avec le vérificateur un débat oral et contradictoire demeure offerte aux représentants de l'entreprise vérifiée. Ces dispositions n'interdisent pas, dès lors qu'un débat contradictoire a pu avoir lieu dans l'entreprise et que l'essentiel du contrôle y a été effectué, que le vérificateur demande au contribuable qui est libre de refuser, d'une part, de venir dans son bureau pour son entretien, d'autre part, d'y apporter des documents comptables, q''il remportera à l'issue de l'entretien sans en avoir été à aucun moment dessaisi.
6. Il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 3 octobre 2014, que la vérification de comptabilité dont a fait l'objet l'activité de M. B...s'est déroulée du 6 mai au 1er octobre 2014. Conformément à la demande écrite de M. B...du 6 mai 2014, les opérations de contrôle se sont déroulées dans les locaux de son comptable, où se trouvait sa comptabilité. Une copie de ses écritures comptables a été remise au vérificateur le 19 mai 2014. Si l'entrevue organisée le 29 septembre 2014 a eu lieu dans les locaux de l'administration, la présence même de M. B...atteste que ce dernier ne s'est pas opposé aux modalités de cette rencontre. Dès lors que l'administration détenait une copie des documents comptables de M.B..., qui lui ont été remis le 19 mai 2014 comme il a été dit précédemment, les échanges intervenus le 29 septembre 2014 ont pu se dérouler sans que l'intéressé ait été privé de la faculté de s'appuyer sur les éléments de sa comptabilité. En outre, huit rencontres ont eu lieu avec M. B...au cours des opérations de vérification de comptabilité. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé d'un débat oral et contradictoire au cours de la vérification de comptabilité.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) / Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition ". Aux termes de l'article L. 76 du même livre : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. ".
8. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 3 octobre 2014 adressée à M. B...indique le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées. L'administration y précise également les motifs pour lesquels elle a écarté la comptabilité de M. B...comme étant dépourvue de valeur probante. Ladite proposition détaille les faits fondant les rectifications afférentes à des insuffisances de recettes et la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires au titre des années 2011 et 2012. La proposition de rectification adressée à M. B...est ainsi suffisamment motivée. Il en est de même pour la réponse aux observations du contribuable du 15 décembre 2014 dès lors que l'administration fiscale a indiqué les raisons pour lesquelles elle maintenait les rehaussements. Il s'ensuit que le requérant, disposant de l'ensemble des informations nécessaires pour contester utilement les motifs des rehaussements de ses revenus imposables, n'est pas fondé à soutenir que l'administration a méconnu les dispositions précitées des articles L. 57 et L. 76 du livre des procédures fiscales.
Sur le bien fondé de l'imposition :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
S'agissant de l'année 2011 :
9. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. / Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69. ".
10. Il résulte de la proposition de rectification du 3 octobre 2014 que les impositions relatives au rehaussement des bénéfices industriels et commerciaux au titre de l'année 2011 ont été établies suivant la procédure de redressement contradictoire et n'ont pas été acceptées par le contribuable. Le litige n'a pas été soumis à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Dans ces conditions, il incombe à l'administration d'établir, d'une part, la preuve des irrégularités entachant la comptabilité de la société, l'autorisant à reconstituer les résultats de celle-ci, d'autre part, le bien-fondé de cette reconstitution.
11. L'administration a démontré au cours de la vérification de comptabilité que les factures ne sont pas établies suivant une séquence chronologique, que des différences apparaissaient entre les facturiers et les écritures comptables et que les recettes étaient globalisées en deux écritures au 31 décembre 2011. L'administration a également relevé des discordances entre le livre de police en matière d'achats d'or et les factures établies par M.B..., ainsi que des irrégularités dans la tenue du livre de police et dans l'inventaire des objets de brocante. M. B... ne conteste pas la réalité de ces constatations. Dans ces conditions, l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, de ce que la comptabilité de M. B...était entachée de graves irrégularités.
S'agissant de l'année 2012 :
12. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. ". Aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu par l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge pou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré. ".
13. Il résulte de l'instruction que les bénéfices commerciaux de M. B...ont été évalués d'office au titre de l'année 2012 en application de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales en l'absence de dépôt de la déclaration spéciale requise dans le délai légal. Dès lors, le requérant supporte la charge d'établir le caractère exagéré des impositions mises à sa charge au titre de l'année 2012.
En ce qui concerne la minoration des recettes résultant de la vente d'or à la société Orobel au titre de l'année 2011 :
14. A la suite de l'exercice de son droit de communication auprès du Parquet de Châlons-en-Champagne, l'administration a eu connaissance de l'existence de trois ventes de lingots en or réalisées par M. B...au profit de la société belge Orobel les 18 janvier, 29 janvier et 7 février 2011 pour des montants respectifs de 127 474 euros, 90 291,60 euros et 86 264, 42 euros. L'administration a rehaussé les revenus imposables de M. B...dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux au titre de l'année 2011 de la somme globale de 304 030 euros. M. B...se prévaut de la relaxe dont il a bénéficié dans le cadre de la procédure pénale ouverte à son encontre pour des faits d'exercice d'activité de brocanteur sans déclarations en matière sociale et fiscale et soutient que l'administration n'établit pas la réalité des ventes en litige.
15. Il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 3 octobre 2014, que l'administration s'est fondée sur l'audition du gérant et d'une employée de la société Orobel par la police fédérale belge, ainsi que sur les fiches de ventes d'or renseignées par ledit gérant saisies par les autorités belges dans les locaux de ladite société. Or, par un arrêt du 10 décembre 2015, qui a confirmé le jugement susmentionné du tribunal correctionnel de Châlons-en-Champagne du 26 novembre 2014, la cour d'appel de Reims a relaxé M. B...au motif que " la réalité des quatre reventes d'or à la société Orobel n'apparaît dès lors pas avec certitude établie ". Si l'autorité de chose jugée par le juge répressif ne s'impose pas en l'espèce au juge administratif de l'impôt eu égard aux motifs de la décision de relaxe, laquelle est fondée sur l'existence d'un doute quant à la culpabilité de M. B..., il ressort des constatations matérielles des faits opérées par la cour d'appel que les fiches des ventes en cause, renseignées par la société Orobel, non signées ou supportant une signature différente de celle de M.B..., sont apparues sujettes à caution. S'il est vrai, comme le relève l'administration, que M. B... n'a pas déposé plainte pour usurpation d'identité à l'encontre du gérant de la société Orobel, la cour d'appel de Reims a jugé que l'authenticité des fiches de ventes était sérieusement remise en cause. En outre, lors des auditions par la police belge, le gérant de la société Orobel a déclaré disposer d'une copie de la carte nationale d'identité de M. B...établie lors de la première vente en 2008. En ne prenant pas connaissance des documents d'identité de M. B...lors des trois ventes litigieuses, des erreurs sur l'identité de l'intéressé ont été commises par la société Orobel lorsqu'elle a renseigné les fiches de ces trois ventes. Par ailleurs, il ressort de l'audition de l'employée de la société Orobel que cette dernière a seulement reconnu, à partir d'une planche photographique, que M. B...avait effectué plusieurs transactions avec la société belge sans précision des dates auxquelles les ventes seraient intervenues. M. B...a pour sa part soutenu avoir réalisé la dernière transaction avec la société belge en janvier 2009. Eu égard à l'ensemble de ces circonstances, l'administration, qui supporte la charge de la preuve, n'établit pas la réalité de la minoration de recettes concernant les trois ventes d'or des 18 janvier, 29 janvier et 7 février 2011. Par conséquent, la base d'imposition dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux au titre de l'année 2011 doit être réduite de la somme de 304 030 euros.
En ce qui concerne la minoration des recettes relatives aux ventes d'objets de brocante au titre des années 2011 et 2012 :
16. Il résulte de l'instruction que l'administration a établi que M. B... a, au cours de la période vérifiée, procédé à des minorations de recettes au titre des années 2011 et 2012 en comparant les remises de chèques sur les comptes bancaires de l'intéressé ainsi que les ventes en espèces inscrites sur le livre de ventes avec le chiffre d'affaires déclaré dans la comptabilité. Contrairement à ce que soutient le requérant, pour reconstituer le chiffre d'affaires " brocante ", l'administration ne s'est pas fondée sur les éléments de la procédure pénale engagée à l'encontre de M.B.... Il s'ensuit que ce dernier ne peut en tout état de cause se prévaloir de l'autorité de la chose jugée par le juge pénal. S'agissant de l'année 2011, il résulte de ce qui a été dit au point 11, que l'administration a apporté la preuve, qui lui incombe au titre du redressement concerné, de ce que la comptabilité de M. B... était entachée de graves irrégularités. Il ressort en outre de la proposition de rectification du 3 octobre 2014 que le service a reconstitué le montant des recettes en comparant les remises de chèques sur les comptes bancaires du requérant et le montant des ventes en espèces inscrites sur le livre de vente. Dès lors, l'administration doit être regardée comme ayant établi le bien fondé du rehaussement. S'agissant de l'année 2012, M. B..., qui supporte la charge de la preuve ainsi qu'il a été dit plus haut aux points 12 et 13, n'apporte aucun élément démontrant l'exagération des impositions mises à sa charge.
Sur la question prioritaire de constitutionnalité concernant les dispositions du III de l'article 55 de la loi n°2017-1775 du 28 décembre 2017 relatives à l'intérêt de retard :
17. D'une part, aux qu'aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ". Aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la loi organique susvisée du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'État (...) le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel (...) ". Aux termes de l'article 23-2 de la même ordonnance : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux ".
18. D'autre part, aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : " I. - Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. (...) III. - Le taux de l'intérêt de retard est de 0,40 % par mois. (...) ". Le III de l'article 55 de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 prévoit que ce taux sera désormais fixé à 0,20 % par mois à compter du 1er janvier 2018.
19. M. B...soutient que les dispositions du III de l'article 55 de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 portent atteinte au principe constitutionnel selon lequel la loi pénale nouvelle doit, lorsqu'elle abroge une incrimination ou prononce des peines moins sévères que la loi ancienne, s'appliquer rétroactivement. Le requérant se réfère au taux d'émission des obligations assimilables du Trésor (OAT) et des bons du Trésor à taux fixe (BTF) afin de démontrer que le taux de l'intérêt de retard, supérieur auxdits taux, constitue en réalité une sanction. Ces dispositions sont applicables au présent litige et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel.
20. D'une part, l'intérêt de retard institué par l'article 1727 du code général des impôts vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et de payer l'impôt aux dates légales. Si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié.
21. D'autre part, les taux d'émission des obligations assimilables du Trésor (OAT) et des bons du Trésor à taux fixe (BTF), appliqués aux créanciers de l'Etat dans le cadre d'un emprunt pour une durée déterminée, ne sauraient servir de terme de comparaison à la situation des contribuables ne s'étant pas acquittés dans le délai légal du versement d'une créance fiscale, pour laquelle l'Etat subit un délai incertain de remboursement. Ainsi, la comparaison du niveau du taux d'intérêt légal avec le taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié, dont la durée d'emprunt n'est pas connue, est plus appropriée.
22. Par suite, M. B...ne démontre pas que le niveau du taux de l'intérêt de retard serait devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié. Dès lors, le requérant ne saurait utilement soutenir que la modification du taux des intérêts de retard, qui n'ont pas le caractère d'une sanction, méconnaîtrait les dispositions de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Il s'ensuit que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée est dépourvue de caractère sérieux et qu'il n'y pas lieu de la transmettre au Conseil d'Etat. Le moyen tiré de ce que les dispositions du III de l'article 55 de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit en conséquence être écarté.
23. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ne lui a pas accordé la décharge de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2011, ainsi que des pénalités correspondantes, à raison de la réduction de la base d'imposition dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux à hauteur de la somme de 304 030 euros.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
24. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui est, dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel, une somme de 1 500 euros au bénéfice de M. B...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.B....
Article 2 : La base de l'impôt sur le revenu assignée à M. B...en matière de bénéfices industriels et commerciaux au titre de l'année 2011 est réduite de la somme de 304 030 euros.
Article 3 : M. B...est déchargé de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2011 correspondant à cette réduction de la base d'imposition.
Article 4 : Il est mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au bénéfice de M. B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne n° 1502669 du 4 octobre 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'action et des comptes publics.
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N° 17NC02484