Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 février 2018, MmeD..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) à titre principal, de renvoyer l'affaire au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
3°) à titre subsidiaire :
- d'annuler cet arrêté ;
- d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer un certificat de résidence de dix ans ou un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous une astreinte de 100 euros par jour de retard ;
- à défaut, d'enjoindre au préfet de la Marne de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la régularité de l'ordonnance :
- elle disposait jusqu'au 11 décembre 2017 pour présenter un mémoire complémentaire ; celui-ci a été enregistré le 11 décembre 2017 ; par conséquent, c'est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a jugé qu'elle s'était désistée de sa requête ;
Sur le refus de séjour :
- l'auteur de la décision était incompétent pour l'édicter ;
- la décision est insuffisamment motivée ;
- la décision contestée est contraire aux stipulations de l'article 7 bis de l'accord du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, modifié ;
- la décision contestée est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle est contraire à l'article 9 du code civil ;
- elle est contraire aux stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
- elle est contraire aux dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la requérante a effectué des démarches pour obtenir un visa en qualité d'ascendant de français à charge ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- l'auteur de la décision était incompétent pour l'édicter ;
- la décision litigieuse a été prise dans des conditions qui méconnaissent le droit d'être entendu qui constitue un principe général du droit communautaire ;
- la décision contestée est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à celles de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle est contraire à l'article 9 du code civil ;
- l'illégalité du refus de séjour prive de base légale l'obligation de quitter le territoire français ;
Sur la fixation du pays de renvoi :
- l'auteur de la décision était incompétent pour l'édicter ;
- la décision contestée est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à celles de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
- elle est contraire à l'article 9 du code civil.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 septembre 2018, le préfet de la Marne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- l'accord du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, modifié ;
- la convention internationale de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C...Dhers a été entendu au cours de l'audience publique.
1. MmeD..., ressortissante algérienne née le 1er juillet 1954, est entrée en France le 18 août 2015 munie d'un visa de court séjour. Elle a demandé au préfet de la Marne de lui délivrer un certificat de résidence de dix ans. Par un arrêté du 30 août 2017, le préfet de la Marne lui a refusé la délivrance d'un tel titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination. La requérante relève appel de l'ordonnance du 18 décembre 2017 par laquelle le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a donné acte d'un désistement.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : 1° Donner acte des désistements (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 776-12 du même code : " Lorsqu'une requête sommaire mentionne l'intention du requérant de présenter un mémoire complémentaire, la production annoncée doit parvenir au greffe du tribunal administratif dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle la requête a été enregistrée. Si ce délai n'est pas respecté, le requérant est réputé s'être désisté à la date d'expiration de ce délai, même si le mémoire complémentaire a été ultérieurement produit. Il est donné acte de ce désistement. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que la requête sommaire, par laquelle Mme D... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du préfet de la Marne du 30 août 2017 et a fait part de son intention de présenter un mémoire complémentaire, a été enregistrée au greffe de ce tribunal le 24 novembre 2017. Ainsi, la requérante disposait jusqu'au lundi 11 décembre 2017 pour enregistrer un tel mémoire. Son mémoire complémentaire a été enregistré au greffe du tribunal à cette date. Dans ces conditions, Mme D...est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance litigieuse.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme D...devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.
5. En premier lieu, la décision contestée a été signée par M. Denis Gaudin, secrétaire général de la préfecture de la Marne, qui disposait, en vertu d'un arrêté du préfet de la Marne du 18 juillet 2016, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour, d'une délégation à l'effet de signer tous arrêtés ou décisions relevant de la compétence de l'Etat dans le département à l'exception d'actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions en matière de police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision litigieuse doit être écarté.
6. En deuxième lieu, la décision contestée comporte les éléments de droit et de fait, et notamment ceux relatifs à la situation financière du fils de MmeD..., qui en constituent le fondement. La requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que cette décision est entachée d'un défaut de motivation.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 7 bis de l'accord du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, modifié : " (...) Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : (...) b) À l'enfant algérien d'un ressortissant français si cet enfant a moins de vingt et un ans ou s'il est à la charge de ses parents, ainsi qu'aux ascendants d'un ressortissant français et de son conjoint qui sont à sa charge (...) ". Mme D...n'apporte aucun élément permettant de conclure qu'elle serait à la charge de son fils, M. B...D..., ressortissant français. Par ailleurs, le préfet de la Marne fait valoir, sans être contesté, que ce dernier, qui est marié et qui a un enfant à charge, ne bénéficie pour seuls revenus que d'une allocation mensuelle de 315 euros versée par Pôle emploi et que la requérante perçoit une pension de réversion algérienne de 243 euros par mois et des revenus fonciers de 110 euros mensuels. La circonstance que Mme D...aurait effectué des démarches pour obtenir un visa en qualité d'ascendant de français à charge est sans incidence sur la légalité de la décision contestée. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
9. Mme D...fait valoir qu'elle réside en France depuis le 18 août 2015, qu'elle ne trouble pas l'ordre public, que son fils, sa belle-fille et leur enfant y vivent. Cependant, la requérante a vécu jusqu'à l'âge de 61 ans en Algérie où résident notamment sept de ses enfants et sa soeur, selon les affirmations non contestées du préfet de la Marne. Ainsi, compte tenu des conditions et de la durée du séjour en France de la requérante, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté. Le préfet de la Marne n'a pas davantage commis, pour ces mêmes motifs, d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de MmeD....
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 9 du code civil : " Chacun a droit au respect de sa vie privée (...) ". Pour les motifs exposés au point précédent, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
11. En sixième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
12. La circonstance que Mme D...a un petit-fils en France ne suffit pas à établir que la décision litigieuse méconnaîtrait l'intérêt supérieur de ce dernier qui vit avec ses parents. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
13. En septième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) " ; pour les motifs exposés aux points 9 et 12 et compte tenu des éléments de fait avancés par la requérante, la situation de Mme D...ne répond pas à des considérations humanitaires et son admission au séjour ne se justifie pas au regard de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 précité. Le moyen ne peut, dès lors, qu'être écarté.
Sur la décision obligeant Mme D...à quitter le territoire français :
14. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision litigieuse doit être écarté pour les motifs exposés au point 5.
15. En deuxième lieu, le droit d'être entendu avant l'intervention d'une mesure individuelle défavorable, constitue un principe général de droit communautaire impliquant, s'agissant des mesures d'éloignement, que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour.
16. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme D...ait été privée de la possibilité de présenter toutes observations utiles de nature à faire obstacle à un éventuel refus de titre de séjour ou à une mesure d'éloignement, ni qu'elle aurait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux, ni enfin qu'elle ait été empêchée de s'exprimer avant que les décisions ne soient prises. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été privée du droit d'être entendue qu'elle tient, notamment, du droit de l'Union européenne.
17. En troisième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de celles de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant, de l'article 9 du code civil et de ce que le préfet de la Marne aurait entaché la décision contestée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, qui reprennent ce qui a été développé à l'appui des conclusions tendant à l'annulation du refus de titre de séjour, doivent être écartés pour les motifs exposés aux points 9 à 12.
18. En quatrième lieu, les moyens dirigés contre la décision portant refus de séjour ayant été écartés, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté par voie de conséquence.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
19. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision litigieuse doit être écarté pour les motifs exposés au point 5.
20. En deuxième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de celles de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant et de l'article 9 du code civil doivent être écartés pour les motifs exposés aux points 9 à 12.
21. En dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. Il y a dès lors lieu d'écarter ce moyen.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
22. Le présent arrêt, qui rejette les demandes présentées par MmeD..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par Mme D...doivent être rejetées.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
23. Il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
24. L'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, ne saurait être condamné à verser à l'avocate de Mme D...une somme en application de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance n° 1702253 du 18 décembre 2017 du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulée.
Article 2 : La demande présentée par Mme D...devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
2
N° 18NC00535