Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 8 mars 2018 sous le n° 18NC00584, le préfet des Vosges demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 5 mars 2018 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme F... devant le tribunal administratif de Nancy.
Il soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a retenu le moyen tiré du défaut de procédure contradictoire et d'absence d'information sur leurs droits ;
- les autres moyens ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2018, M. et Mme F..., représentés par MeE..., concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat du versement à leur conseil de la somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Ils soutiennent que :
- l'appel du préfet n'a plus d'objet ;
- ils reprennent leurs moyens de première instance.
Les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la requête compte tenu de l'expiration du délai de six mois courant à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, interrompu jusqu'à la date à laquelle le tribunal administratif a statué au principal, rendant la France responsable de la demande de protection internationale de l'intéressé (Conseil d'Etat 24 septembre 2018 Mme B...et M. G...n° 420708, A).
M. et Mme F...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 septembre 2018.
II. Par une requête, enregistrée le 27 mars 2018 sous le n° 18NC01014, le préfet des Vosges demande à la cour de prononcer le sursis à l'exécution de ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 5 mars 2018.
Il soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a retenu le moyen tiré du défaut de procédure contradictoire et d'absence d'information sur leurs droits ;
- les autres moyens ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2018, M. et Mme F..., représentés par MeE..., concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat du versement à leur conseil de la somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Ils soutiennent que :
- l'appel du préfet n'a plus d'objet ;
- ils reprennent leurs moyens de première instance.
M. et Mme F...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Wallerich, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.F..., de nationalité camerounaise et MmeC..., épouseF..., de nationalité nigériane, sont entrés en France, selon leurs déclarations, le 15 août 2017 pour y solliciter l'asile. La vérification de leurs empreintes par le système Eurodac a révélé que ces dernières avaient été enregistrées en Italie. Le 16 novembre 2017, les autorités italiennes ont été saisies d'une demande de reprise en charge qu'elles ont implicitement acceptée par une décision née le 16 janvier 2018. Par deux arrêtés du 21 février 2018, le préfet des Vosges a ordonné le transfert des intéressés vers l'Italie et les a assignés à résidence pendant une durée de quarante-cinq jours. Le préfet des Vosges relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a, d'une part, annulé ces arrêtés et a, d'autre part, enjoint au préfet des Vosges de réexaminer la situation de M. et Mme F..., dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, et de leur délivrer dans cette attente une attestation de demande d'asile. Le préfet des Vosges demande également à la cour de prononcer le sursis à l'exécution du jugement.
2. Les requêtes n° 18NC00584 et 18NC01014 portent sur la situation d'une même famille de ressortissants étrangers et sont dirigées contre un même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
3. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Et aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".
4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 de ce code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 du même code : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ". L'article L. 742-6 du même code prévoit enfin que : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé ".
5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.
6. Il ressort des pièces du dossier que les arrêtés du 21 février 2018 par lesquels le préfet des Vosges a ordonné le transfert de M. et de Mme F...vers l'Italie sont intervenus moins de six mois après la décision par laquelle l'Italie a donné son accord pour leur reprise en charge, dans le délai d'exécution du transfert fixé par l'article 29 du règlement du 26 juin 2013. Ce délai a toutefois été interrompu par l'introduction, par M. et MmeF..., des recours présentés contre ces arrêtés sur le fondement de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Un nouveau délai de six mois a commencé à courir à compter du jugement du tribunal administratif de Nancy du 5 mars 2018 qui a annulé les arrêtés en litige. Par ailleurs, il ne ressort d'aucune des pièces des dossiers que ce délai aurait été prolongé, en application des dispositions précitées du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013. Ainsi, à la date du 5 septembre 2018, la France est devenue responsable de l'examen de la demande de protection internationale de M. et de MmeF.... Il s'ensuit qu'à cette date, les décisions de transfert en litige sont devenues caduques et ne pouvaient plus être légalement exécutées. Cette caducité étant intervenue postérieurement à l'introduction de l'appel, les conclusions de la requête du préfet des Vosges tendant à l'annulation du jugement du 5 mars 2018 sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, pas lieu d'y statuer.
7. Le présent arrêt se prononçant sur les conclusions du préfet des Vosges tendant à l'annulation du jugement n° 1800528-1800531 du 5 mars 2018 du tribunal administratif de Nancy, il n'y a, par suite, plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 18NC01014 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions
de M. et de Mme F...présentées, dans les deux instances, sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les requêtes n°18NC00584 et n° 18NC01014 du préfet des Vosges.
Article 2 : Les conclusions présentées dans les deux instances par M. et Mme F...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. D...F...et Mme A...F....
Copie en sera adressée au préfet des Vosges.
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N° 18NC00584-18NC01014