Procédure devant la cour :
I - Par une requête enregistrée le 8 avril 2016, sous le n° 16NC00614, la commune de Champillon, représentée par la SELAS Fidal, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 9 février 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société Eiffage Travaux publics Est devant le tribunal administratif ;
3°) à titre subsidiaire de ne faire droit à cette demande que pour ce qui concerne la révision de prix ;
4°) de mettre à la charge de la société Eiffage Travaux publics Est le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les réserves non levées font obstacle à l'établissement du décompte ;
- le procès-verbal de réserves était opposable à la société qui l'a signé ;
- les sommes réclamées par la société ne lui sont pas dues.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2016, la Société Eiffage Route Nord Est, venant aux droits de la société Eiffage Travaux publics Est demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 9 février 2016 en tant qu'il n'a pas fait droit à la demande de paiement relatif au surcoût de plantations d'espaces verts ;
3°) de condamner la commune de Champillon à lui verser la somme de 21 960 euros TTC au titre du surcoût de plantations d'espaces verts, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 avril 2011 et avec capitalisation des intérêts à compter du 3 mars 2015 ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Champillon le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par la commune requérante ne sont pas fondés ;
- elle a droit au paiement des prestations liées aux plantations d'espaces verts.
II - Par une requête enregistrée le 8 avril 2016, sous le n° 16NC00615, la commune de Champillon, représentée par la SELAS Fidal, demande à la cour :
1°) d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 9 février 2016 ;
2°) de mettre à la charge de la société Eiffage Travaux publics Est le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'exécution du jugement aurait des conséquences difficilement réparables compte tenu de la taille de la commune et de ses finances ;
- les réserves non levées font obstacle à l'établissement du décompte ;
- le procès-verbal de réserves était opposable à la société qui l'a signé ;
- les sommes réclamées par la société ne lui sont pas dues.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2016, la Société Eiffage Route Nord Est, venant aux droits de la société Eiffage Travaux publics Est demande à la cour :
1°) de rejeter la demande de sursis à exécution ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Champillon le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la commune requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code le code des marchés publics ;
- le cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux approuvé par décret du 21 janvier 1976 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Kohler, premier conseiller,
- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la société Eiffage Route Nord Est.
1. Considérant que la commune de Champillon a attribué un marché de "voirie et réseaux divers" portant sur la restructuration et la mise en sécurité de la route départementale traversant la commune à la société Eiffage Travaux publics Est (société Eiffage) en mars 2009 ; que la société, après avoir mis en demeure la commune d'établir le décompte général de ce marché, a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de la condamner à lui verser la somme de 95 127,77 euros au titre du solde de ce marché ; que, sous le n° 16NC00614, la commune relève appel du jugement du 9 février 2016 en tant que, par ce jugement, le tribunal l'a condamnée à verser à la société Eiffage Travaux publics Est la somme de 70 064,90 euros ; que, par la voie de l'appel incident, la société Eiffage Travaux publics Est relève appel du même jugement en tant que le tribunal n'a pas intégralement fait droit à sa demande ; que, sous le n° 16NC00615, la commune demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement ;
2. Considérant que les requêtes nos16NC00614 et 16NC00615 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt ;
Sur l'établissement du décompte :
En ce qui concerne l'absence de levées des réserves :
3. Considérant que la commune soutient que l'absence de levées des réserves faisait obstacle à l'établissement du décompte général ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 10.7 du cahier des clauses administratives particulières applicable au marché en litige : " Le mandatement du solde interviendra dans un délai de quarante cinq (45) jours à compter de la notification du décompte général pour les marchés d'une durée inférieure ou égale à six (6) mois. ( ...) Ceci dans le cas ou rien ne s'oppose au règlement définitif et à condition que toutes les réserves soient levées. (...) Le décompte définitif de chaque entreprise ne sera soldé qu'après : - levée totale des réserves du dernier ouvrage réceptionné (...) " ; que contrairement à ce que soutient la commune, ces stipulations, qui ne concernent que les modalités de paiement du solde du marché, n'imposent pas au maître d'ouvrage de surseoir à l'établissement du décompte tant que les réserves signalées lors de la réception n'ont pas été levées ; que, dans l'hypothèse où les travaux nécessaires à la levée des réserves n'auraient pas été exécutés par l'entreprise dans le délai qui lui a été imparti, il appartient au maître de l'ouvrage d'en tirer les conséquences, notamment en opérant des réfactions sur le prix ou en mettant à la charge de l'entreprise, dans le respect des stipulations contractuelles, le montant des travaux réalisés par une autre entreprise ; que les stipulations précitées ne lui permettent toutefois pas, dans cette hypothèse, de surseoir indéfiniment au paiement du solde du marché ;
5. Considérant que la commune invoque l'absence de levées des réserves figurant encore dans le procès-verbal de levée partielle des réserves établi le 30 novembre 2011 ; qu'elle ne produit cependant aucun élément de nature à établir que, en raison de leur ampleur et des travaux nécessaires à leur levée, ces réserves, qui auraient été émises par le conseil général et qui concernent la rugosité des enrobés côté impair et une fissure transversale au niveau d'un passage piétons, l'empêchaient d'établir le décompte et de régler le solde du marché, après l'expiration du délai imparti à l'entreprise, soit après le mois de mai 2011 ;
En ce qui concerne le solde du marché :
6. Considérant que le titulaire d'un marché conclu à prix global et forfaitaire a droit au paiement des prestations prévues au contrat qu'il a exécutées ; qu'il peut également prétendre à la rémunération de travaux supplémentaires à la condition que ces travaux aient été commandés par ordre de service ou qu'ils aient été indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art ;
7. Considérant, en premier lieu, que la commune soutient que la somme de 6 889,90 euros correspondant à la rémunération des travaux de transfert, d'installation de protections de chantier, de fourniture et de pose d'une chambre de tirage, de démolition d'un endroit de revêtement et de la fourniture de plots réfléchissants, ne pouvait être accordée à la société Eiffage dès lors que les parties avaient décidé, en cours de chantier, de ne pas procéder à l'exécution de ces prestations ; qu'elle ne produit toutefois à l'appui de ces allégations que le courrier établi par le maître d'oeuvre à la suite de la notification par l'entreprise de son projet de décompte final, faisant mention d'un tel accord ; que ce seul élément est insuffisant pour établir que ces prestations, prévues au marché, ne devaient plus être exécutées et qu'elles n'ont effectivement pas été réalisées ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que la commune a, en première instance, contesté de manière globale l'intégralité des demandes de paiement présentées par la société Eiffage, en se référant à l'argumentation développée par le maître d'oeuvre dans son analyse du projet de décompte final de l'entreprise ; que cette contestation concernait également la demande relative aux " réseaux secs non réalisés par le [syndicat intercommunal d'énergies de la Marne] " pour un montant de 21 855,70 euros ; que la société Eiffage, qui se borne à affirmer que cette demande n'était pas contestée en première instance et que la commune ne produit aucun élément de nature à établir que ces prestations n'ont pas été réalisées, ne produit elle-même aucun élément de nature à établir que ces prestations correspondraient à des travaux supplémentaires, demandés par ordre de service ou indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art, de nature à lui ouvrir droit à paiement ; que, dans ces conditions, la commune de Champillon est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a intégré cette somme au crédit de la société Eiffage dans le décompte ;
9. Considérant, en troisième lieu, que la société Eiffage a sous-traité les prestations relatives aux espaces verts comprises dans le marché à la société Paysagistes d'Europe ; qu'elle a fait figurer dans son projet de décompte final une somme de 18 361,30 euros HT correspondant à un surcoût de plantations d'espaces verts ; qu'en se bornant à indiquer que le procès-verbal de réception des travaux ne comporte aucune réserve relative aux plantations d'espaces verts, la société Eiffage n'établit pas que les prestations complémentaires dont elle demande le paiement ont effectivement été réalisées alors qu'il ressort par ailleurs d'un constat d'huissier, établi à la demande de la commune le 5 juillet 2013, qu'aucune plantation n'a été effectuée ; qu'ainsi, et alors même qu'un différend existerait entre la société Eiffage et son sous-traitant, la réalité de ces travaux supplémentaires n'est pas établie ; que, par suite, la société Eiffage n'est pas plus fondée qu'en première instance à en demander le paiement ;
10. Considérant, en quatrième lieu, qu'en vertu de l'article 18 du code des marchés publics alors applicable, les marchés d'une durée d'exécution supérieure à trois mois qui nécessitent, pour leur réalisation, le recours à une part importante de fournitures notamment de matières premières dont le prix est directement affecté par les fluctuations de cours mondiaux, doivent comporter une clause de révision de prix ; qu'ainsi le cahier des clauses administratives particulières applicable au marché en litige ne pouvait pas prévoir que le marché était passé à prix global, forfaitaire, ni actualisable, ni révisable ; que, dans ces conditions, et alors que la commune ne conteste pas la formule de révision appliquée par la société Eiffage, il y a lieu d'inscrire au crédit de la société dans le décompte la somme de 29 837,10 euros HT au titre de la révision des prix ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Champillon est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont accordé à la société Eiffage la somme de 21 855,70 euros ; que le solde du marché peut ainsi être fixé à la somme de 36 727 euros HT soit, 43 925,50 euros TTC ;
Sur la demande de sursis à exécution :
12. Considérant que le présent arrêt statue sur les conclusions présentées par la commune de Champillon tendant à l'annulation du jugement n° 1300217 du 9 février 2016 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ; qu'il n'y a, par suite, plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 16NC00615 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions que présentent les parties et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : Le solde du marché relatif à la restructuration et la mise en sécurité de la route départementale traversant la commune de Champillon attribué à la société Eiffage est ramené à la somme de 43 925,50 euros TTC au crédit de la société.
Article 2 : Le jugement n° 1300217 du 9 février 2016 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 16NC00615.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Champillon et à la Société Eiffage Route Nord Est.
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Nos 16NC00614,16NC00615