Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 26 janvier 2018, le 12 novembre 2018 et le 17 décembre 2018, la région Grand Est, représentée par Me B... de la SELAS M et R Avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 28 novembre 2017 ;
2°) de condamner la société Engie Cofely à lui verser une somme de 33 262,20 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts à compter de l'introduction de sa demande de première instance, en réparation des désordres affectant la voûte réfractaire de la chaudière du lycée Malraux de Remiremont ;
3°) de mettre à la charge de la société Engie Cofely le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il a méconnu les articles R. 741-7 et R. 741-8 du code de justice administrative ;
- elle justifie de la délibération du conseil régional habilitant son président à ester en justice ;
- la responsabilité de la société Engie Cofely est engagée sur le fondement de la garantie prévue par les stipulations de l'article 25 du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services (CCAG-FCS) de 2009, applicable au contrat en litige ;
- l'admission des prestations de son cocontractant ne saurait être regardée comme étant intervenue le 27 juin 2014 lors de la réunion de prise en charge des installations dès lors que la région n'était pas représentée par un technicien compétent en mesure de procéder aux constatations nécessaires concernant la chaudière ;
- selon les stipulations de l'article 25 du CCAG-FCS l'admission des prestations est prononcée sous réserve des vices cachés ;
- la responsabilité contractuelle de la société peut être retenue dès lors qu'elle n'a pas invité la région à procéder aux vérifications nécessaires avant l'admission des prestations alors qu'elle avait connaissance du désordre affectant la chaudière du lycée Malraux ;
- en omettant d'attirer son attention sur les risques liés à une réception sans réserve, la société, qui est tenue à une obligation de conseil, a commis une faute ;
- à cet égard, la société a sciemment caché le désordre à la région en ne l'informant pas de son existence, notamment lors de la réception, alors qu'elle en avait connaissance et avait d'ailleurs sollicité le fabricant pour obtenir un devis ;
- la responsabilité contractuelle de la société est engagée, en vertu des stipulations de l'article 3.2.3, du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du marché, en raison des dysfonctionnements de la chaudière, liés à des désordres affectant la voûte réfractaire ;
- elle n'avait pas connaissance de l'état des installations lors de leur remise à disposition ;
- la circonstance que le représentant du lycée Malraux était informé du désordre ne lui est pas opposable, dès lors qu'il n'est pas intervenu pour le compte de la région lors de l'opération d'admission des prestations ;
- la fiche d'intervention signée par ce dernier, pour le compte du lycée, ne permet pas davantage de démontrer que la région avait connaissance de l'état des installations ;
- les constatations nécessaires à la vérification de la chaudière ne pouvaient valablement être réalisées par un apprenti stagiaire ;
- la société Engie Cofely ne produit aucun document permettant d'établir que la région aurait été informée de l'existence du désordre avant l'admission des prestations ;
- elle ne peut pertinemment invoquer les stipulations des articles 2.1 et 2.1.1 du CCTP du marché ultérieurement passé avec la société Dalkia ;
- la société Idex Energies n'est pas titulaire du contrat d'exploitation et de maintenance des installations thermiques du lycée Malraux ;
- les travaux de réparation ont été confiés à cette société à la suite de son devis du 27 avril 2016 pour un montant de 39 077,50 euros hors taxes, tandis que celui de la société Dalkia, d'un montant de 54 833 euros hors taxes, n'a pas été retenu ;
- les travaux de réparation ont bien concerné l'ouvrage objet du désordre ;
- la circonstance que le compte P3 aurait été excédentaire et que son solde a été reversé à la région est inopérante.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 octobre 2018 et le 26 novembre 2018, la société Engie Energie Services, succédant à la société Engie Cofely, représentée par Me A... - D... de la SELARL Bosco Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la région Grand Est le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable en l'absence d'autorisation d'ester en justice ;
- le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué au regard des dispositions de l'article R. 741-8 du code de justice administrative est inopérant ;
- les dispositions de l'article R. 741-7 du même code ne concernent que la minute du jugement ;
- l'admission sans réserve des fournitures ou des prestations de service et le paiement du prix marquent la fin des relations contractuelles ;
- la procédure d'admission des prestations prévue au contrat a été respectée ;
- la région était représentée lors des opérations d'admission, ce dont atteste le procès verbal qui mentionne les noms de son représentant et de celui du lycée Malraux ;
- la demande de la région a été présentée après l'expiration du délai de garantie prévu par l'article 28 du CCAG-FCS de 2009, applicable au marché ;
- la région ne peut soutenir que le désordre n'était pas apparent dès lors que le technicien du lycée Malraux, présent lors de la procédure d'admission des prestations, avait été informé de la détérioration de la voûte réfractaire de la chaudière ;
- l'admission des prestations sans réserve couvre le vice allégué de sorte que sa responsabilité contractuelle ne peut être engagée ;
- la société Dalkia n'a émis ni commentaire ni réserve lors de la prise de possession des installations ;
- la demande de la région devait être dirigée contre cette dernière société ;
- la garantie des vices cachés ne concerne que les fournisseurs de sorte que la région ne peut se prévaloir de cette garantie à son encontre eu égard aux prestations du marché ;
- en tout état de cause, la garantie des vices cachés ne saurait conduire à l'engagement de sa responsabilité dès lors que le désordre affectant la chaudière résulte d'une usure normale de l'installation ;
- l'exploitation et la maintenance des installations du lycée Malraux ont été réalisées en toute transparence avec les services techniques de cet établissement ;
- la détérioration du réfractaire constatée dans la fiche d'intervention du 13 mars 2014 concerne une usure normale de l'élément de chauffe ne nécessitant pas une intervention immédiate ;
- le devis de réparation de la voûte réfractaire présenté par la région à l'appui de sa demande aurait dû être celui de la société Dalkia et non celui de la société Idex Energies ;
- il n'est pas établi que la facture a été réglée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Michel, premier conseiller,
- les conclusions de M. Louis, rapporteur public,
- et les observations de Me B...pour la région Grand Est ainsi que celles de Me C...pour la société Engie Energie Services.
Une note en délibéré, enregistrée le 22 mars 2019, a été présentée pour la région Grand Est.
Considérant ce qui suit :
1. Par un acte d'engagement du 17 décembre 2009, la région Lorraine a confié à la société Cofely, aux droits de laquelle est venue la société Engie Cofely, un marché public, non reconductible, d'exploitation et de maintenance des installations thermiques du patrimoine immobilier de compétence régionale du secteur Vosges Ouest. Postérieurement au terme de ce marché, survenu le 30 juin 2014, la région a, par un courrier du 6 août 2015, mis la société Engie Cofely en demeure de procéder à des travaux de réparation sur la chaudière du lycée Malraux à Remiremont mais s'est heurtée à une position de refus. La région Lorraine, aux droits de laquelle est ensuite venue la région Grand Est, a alors saisi le tribunal administratif de Nancy qui, par jugement du 28 novembre 2017, a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Engie Cofely, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, à lui verser une somme de 33 262, 20 euros, en réparation des désordres affectant la voûte réfractaire de la chaudière au motif que l'expiration du délai de garantie d'un an à compter de l'admission des équipements avait mis fin aux rapports contractuels. C'est le jugement attaqué.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il est constant que le jugement attaqué a été rendu par une formation collégiale du tribunal administratif de Nancy. Par suite, le moyen tiré par la région Grand Est de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-8 du code de justice administrative relatives à la signature de la minute des décisions juridictionnelles rendues par un magistrat statuant seul, doit être écarté comme inopérant. Par ailleurs, et contrairement à ce que soutient la région, la minute de ce jugement comporte, conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du même code, les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience.
Sur les conclusions indemnitaires :
3. Aux termes de l'article 2 du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services, applicable au marché en litige en vertu de l'article 2-1.2 de l'acte d'engagement : " (...) L'admission est la décision, prise après vérifications, par laquelle le pouvoir adjudicateur reconnaît la conformité, sans réserves, des prestations aux stipulations du marché. La décision d'admission vaut attestation de service fait et constitue le point de départ des délais de garantie. (...) ". Selon l'article 25 de ce document contractuel : " Le pouvoir adjudicateur prononce l'admission des prestations, sous réserve des vices cachés, si elles répondent aux stipulations du marché. L'admission prend effet à la date de notification au titulaire de la décision d'admission ou en l'absence de décision, dans un délai de quinze jours à dater de la livraison ". Aux termes de l'article 28 du même document : " 28. 1. Les prestations font l'objet d'une garantie minimale d'un an. Le point de départ du délai de garantie est la date de notification de la décision d'admission. / 28. 2. Au titre de cette garantie, le titulaire s'oblige à remettre en état ou à remplacer à ses frais la partie de la prestation qui serait reconnue défectueuse, exception faite du cas où la défectuosité serait imputable au pouvoir adjudicateur (...) / 28.4. Pendant le délai de garantie, le titulaire doit exécuter les réparations qui lui sont prescrites par le pouvoir adjudicateur. Il peut en demander le règlement s'il justifie que la mise en jeu de la garantie n'est pas fondée ". Enfin l'article 3.2.3 du cahier des clauses techniques particulières du marché relatif au maintien et à la remise en état des matériels, stipule, s'agissant des obligations et responsabilités des cocontractants que : " Cette prestation couvre les réparations et le remplacement, à l'identique ou à fonction identique, de tous les matériels déficients de façon à maintenir l'installation en bon état de marche continu (...) / A l'approche du terme du marché, le maître de l'ouvrage pourra désigner un expert en charge de dresser un bilan des installations, afin de déterminer les éventuels travaux à exécuter sur les matériels qui ne seraient pas en état normal d'entretien et de fonctionnement. Le titulaire pourra réfuter les conclusions de l'expert. En tout état de cause, le titulaire s'engage à laisser, en fin d'exécution du marché, l'installation qualitativement et quantitativement en état normal d'entretien de fonctionnement, sans qu'aucune grosse réparation soit nécessaire, et ce pendant un an ".
4. Il résulte de l'instruction que, le 27 juin 2014, la région Grand Est a, en application des stipulations précitées de l'article 2 du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services, admis, sans réserve, les prestations faisant l'objet du marché confié à la société Engie Cofely et relatives notamment à la maintenance et l'entretien des installations thermiques du lycée Malraux de Remiremont. Après le terme du contrat survenu le 30 juin 2014, la région a été informée le 18 septembre 2014 par le lycée Malraux que la chaudière de l'établissement n'avait pu être remise en fonctionnement en raison de désordres affectant la voûte réfractaire.
5. En premier lieu, il incombait à la région, en vertu des stipulations des articles 23-1 et 23-2 du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services, d'effectuer les opérations de vérification quantitative et qualitative des équipements. Elle pouvait en outre, le cas échéant, désigner un expert pour dresser un bilan relatif à l'état des installations en application des stipulations précitées de l'article 3.2.3 du cahier des clauses techniques particulières du marché. Dans ces conditions, elle ne saurait faire échec aux conséquences de l'admission sans réserve des prestations qu'elle a prononcée, en se prévalant de ce que les vérifications préalables n'auraient pas été faites. Par ailleurs, il appartenait à la région, si elle l'estimait nécessaire, de recourir à des personnes plus qualifiées que celles qu'elle a désignées pour la représenter lors de la visite des installations afin, le cas échéant, d'émettre des réserves lors de la procédure d'admission des prestations du marché. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'admission doit être écarté.
6. En deuxième lieu, et contrairement à ce que soutient la région, il ne résulte d'aucune des stipulations du marché en litige ni d'aucun principe que le prestataire soit tenu à l'égard du pouvoir adjudicateur, d'une obligation de conseil lors de la procédure d'admission de ses prestations. Il en résulte que si la région soutient que la société Engie Cofely se serait sciemment abstenue de l'informer de l'existence de désordres affectant la voûte réfractaire de la chaudière du lycée alors qu'elle en avait connaissance depuis le 13 mars 2014 comme tendrait à le démontrer le fait qu'elle avait sollicité un devis auprès de la société Schmid, une telle circonstance, quand bien même serait-elle avérée, n'est pas susceptible d'engager sa responsabilité contractuelle au titre d'un manquement à ses obligations.
7. En troisième lieu, si la région Grand Est se prévaut de la garantie des vices cachés prévue par les stipulations précitées de l'article 25 du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services, il ne résulte pas de l'instruction et n'est d'ailleurs pas allégué que le désordre affectant la voûte réfractaire de la chaudière du lycée serait imputable aux pièces fournies ou aux aménagements réalisés par la société Engie Cofely.
8. En dernier lieu, si le dysfonctionnement de la chaudière a été signalé à la région Grand Est par les services techniques du lycée Malraux, le 18 septembre 2014, dans le délai de la garantie contractuelle d'un an prévue par les stipulations précitées de l'article 28 du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services, il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté que la région Grand Est n'a demandé à la société Engie Cofely de prendre en charge le coût des réparations que le 6 août 2015, soit après l'expiration de ce délai. Contrairement à ce que soutient la région Grand Est, les stipulations précitées de l'article 3.2.3 du cahier des clauses techniques particulières du marché relatives au maintien et à la remise en état des matériels par le cocontractant pendant une durée d'un an, ne peuvent être interprétées comme dérogeant, sur ce point, aux stipulations de l'article 28 du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services, relatives au point de départ du délai de garantie.
9. Il résulte de ce qui précède que la responsabilité contractuelle de la société Engie Energie Services ne peut être engagée à l'égard de la région Grand Est pour les désordres ayant affecté la chaudière du lycée Malraux de Remiremont.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée en défense, que la région Grand Est n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Engie Energie Services à lui verser une indemnité de 33 262, 20 euros en réparation de ces désordres.
Sur les frais liés à l'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Engie Energie Services, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la région Grand Est demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la région Grand Est le versement d'une somme de 1 500 euros à la société Engie Energie Services sur le fondement des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la région Grand Est est rejetée.
Article 2 : La région Grand Est versera à la société Engie Energie Services une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la région Grand Est et à la société Engie Energie Services.
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N° 18NC00240