Procédure devant la cour :
I- Par une requête enregistrée le 13 avril 2018 sous le numéro 18NC01191, le préfet du Bas-Rhin demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 13 mars 2018 ;
2°) de rejeter la demande de M. B...devant le tribunal administratif de Strasbourg.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'arrêté litigieux était entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation personnelle de l'étranger ;
- les autres moyens de la demande de première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2018, M.B..., représenté par Me C..., conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce soit mis à la charge de l'Etat le versement à Me C...d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle est également entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
II. Par une requête, enregistrée le 13 avril 2018 sous le n° 18NC01203, le préfet du Bas-Rhin demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 1800337 du
13 mars 2018 du tribunal administratif de Strasbourg.
Il soutient qu'il existe des moyens sérieux de nature à justifier, outre l'annulation du jugement, le rejet de la demande de M. B....
Par un mémoire enregistré le 15 juin 2018, M.B..., représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à Me C... d'une somme de 1 500 euros, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761.1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le préfet n'est fondé.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du bureau d'aide juridictionnelle du 7 mars 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés à l'article R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Di Candia, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Après le rejet de sa demande d'asile à la fois par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, le 15 mars 2013, puis par la Cour nationale du droit d'asile, le 5 janvier 2015, M.B..., ressortissant nigérian né le 23 décembre 1966, a bénéficié de plusieurs titres de séjour successifs, en raison de son état de santé, lui ayant permis de séjourner régulièrement en France jusqu'au 28 avril 2017. Par une requête n° 18NC01191, le préfet du Bas-Rhin relève appel du jugement n° 1800337 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 20 novembre 2017 refusant de renouveler son titre de séjour à M. B..., l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné. Par une requête n° 18NC01203, il demande, en outre, qu'il soit sursis l'exécution de ce jugement.
2. Ces deux requêtes étant dirigées contre un même jugement, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
3. Pour annuler la décision par laquelle le préfet du Bas-Rhin a refusé de renouveler le titre de séjour de M.B..., le jugement attaqué a considéré que cette décision était entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé. Toutefois, la circonstance que la décision en litige était en contradiction avec les avis rendus par le médecin de l'agence régionale de santé et par le médecin spécialiste de M. B..., produits à l'appui de ses précédentes demandes de titre, est par elle-même sans incidence sur la décision par laquelle un préfet décide ou non, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, de régulariser la situation d'un étranger compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que M.B..., qui a indiqué résider seul en France, a vécu jusqu'à l'âge de 45 ans au Nigéria, où se trouve encore son fils. Dans ces conditions, et alors même que M. B...est présent en France depuis 2012, qu'il y a travaillé régulièrement entre septembre 2013 et octobre 2017, d'abord pour l'association Emmaüs puis pour différentes sociétés, et qu'il ignore le lieu de résidence actuel de son fils majeur au Nigéria, le préfet du Bas-Rhin est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour était entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M.B....
4. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif de Strasbourg.
Sur les autres moyens tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre :
5. En premier lieu, la décision en litige a été signée par Mme Nadia Idiri, secrétaire générale adjointe de la préfecture du Bas-Rhin, qui disposait, en vertu d'un arrêté du préfet du Bas-Rhin du 18 octobre 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 20 octobre 2017, d'une délégation à l'effet de signer tous arrêtés ou décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions prises en matière de police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige doit être écarté.
6. En deuxième lieu, la décision portant refus de renouvellement du titre de séjour en litige mentionne avec précision les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient M.B..., elle ne se borne pas à se référer à l'avis rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) le 27 août 2017. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ". En vertu de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux mentionnés notamment à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. "
8. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle.
9. Pour refuser à M. B...la délivrance du titre de séjour sollicité, le préfet du Bas-Rhin s'est fondé sur l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'intégration et de l'immigration du 27 août 2017 selon lequel si l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale et si le défaut de prise en charge pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, celui-ci pouvait, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, bénéficier d'un traitement approprié et selon lequel enfin, au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, l'état de santé de l'intéressé lui permettait de voyager sans risque vers le Nigéria.
10. Si M.B..., qui souffre d'une hépatite virale chronique B nécessitant une surveillance et un traitement symptomatique, associée à un tableau de dépression anxieuse suivie en milieu spécialisé, fait valoir qu'il ne peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié au Nigéria, il ne produit à l'appui de ses allégations que deux certificats médicaux émanant d'un même généraliste, dont l'un est antérieur de plus de deux ans à l'avis du collège des médecins de l'OFII, et l'autre se borne à relever que le traitement ne pourrait lui être assuré au Nigéria, sans exposer les raisons pour lesquelles son avis diverge de celui rendu collégialement par les médecins de l'OFII. Dans ces conditions, et nonobstant la circonstance que l'avis du 27 août 2017 ne soit pas dans le même sens que ceux émis, au cours des années antérieures, dans le cadre de l'instruction des précédentes demandes de titres de séjour, ces certificats médicaux ne sont pas, par eux-mêmes, de nature à remettre en cause l'appréciation du préfet quant à la possibilité que M. B...puisse bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de l'inexacte application des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
11. En quatrième lieu, aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est également délivrée de plein droit à " l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour les mêmes raisons que celles exposées au point 3, M. B...n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet du Bas-Rhin aurait méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
12. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Bas-Rhin est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé sa décision refusant un titre de séjour à M.B....
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision de refus de séjour opposée à M. B...doit être écarté.
14. En deuxième lieu, pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 3 et 11, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes raisons, M. B...n'est pas fondé à soutenir que le préfet n'a pas procédé à l'examen de sa situation particulière.
15. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Bas-Rhin est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, annulé son arrêté du 20 novembre 2017 rejetant la demande de titre de séjour de M.B..., l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, d'autre part mis à la charge de l'Etat le versement à son avocate d'une somme de 1 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement :
16. La cour se prononçant par le présent arrêt sur le bien-fondé du jugement du 13 mars 2018, les conclusions du préfet du Bas-Rhin tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont devenues sans objet. Il n'y a donc plus lieu d'y statuer.
Sur les frais d'instance :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme dont M. B... demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1800337 du 13 mars 2018 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par M. B...devant le tribunal administratif de Strasbourg et ses conclusions présentées en appel sont rejetées.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 18NC01203 du préfet du Bas-Rhin.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A...D...B....
Copie en sera transmise, pour information, au préfet du Bas-Rhin.
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N° 18NC01191, 18NC01203