Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 novembre 2018, M.A..., représenté par Me Sabatakakis, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 juin 2018 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du 13 avril 2018 du préfet du Haut-Rhin l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin, à titre principal, de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- le préfet a commis une erreur de droit en ne procédant pas à un examen réel et sérieux de sa situation ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle doit être annulée en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2019, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant égyptien né le 4 mars 1993, est entré sur le territoire français le 19 septembre 2016, selon ses déclarations. Sa demande tendant à la reconnaissance de la qualité de réfugié a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 30 août 2017, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 29 janvier 2018. Par un arrêté du 13 avril 2018, le préfet du Haut-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé. M. A...fait appel du jugement du 12 juin 2018 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg, statuant dans le cadre des dispositions du I bis de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 13 avril 2018 l'obligeant à quitter le territoire français et fixant son pays de destination.
Sur la légalité des décisions du 13 avril 2018 :
2. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite du rejet de sa demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile le 29 janvier 2018, M. A...a, le 6 mars 2018, présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour. Cette demande n'a pas fait l'objet d'un enregistrement de la part des services de la préfecture en raison du caractère incomplet de son dossier et, le 8 mars 2018, la préfecture a proposé à M. A...un nouveau rendez-vous le 17 avril 2018 pour déposer un dossier complet. Or, il est constant que la décision du 13 avril 2018 par laquelle le préfet a prononcé à l'encontre de M. A...une obligation de quitter le territoire français est intervenue avant la date de ce rendez-vous, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas soutenu par le préfet qu'à la date de sa décision, la demande de M. A... présentait un caractère abusif ou dilatoire. Cette décision, intervenue ainsi sans que le préfet du Haut-Rhin se soit mis en position de prendre connaissance des éléments complémentaires que l'intéressé aurait pu faire valoir au cours de ce rendez-vous, alors qu'il ne pouvait ignorer l'existence des démarches de ce dernier, révèle par suite que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de la situation de M.A.... Elle est donc entachée d'une erreur de droit de nature à en entraîner l'annulation.
3. La décision du 13 avril 2018 fixant le pays à destination duquel M. A... serait renvoyé doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
4. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ainsi que, par voie de conséquence, de la décision fixant le pays de destination.
Sur l'injonction :
5. En application des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'implique pas la délivrance d'un récépissé de demande de titre de séjour, contrairement à ce que demande M. A..., mais seulement que le préfet du Haut-Rhin procède au réexamen de sa situation. Il y a lieu d'enjoindre au préfet d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Durant cette période d'instruction, M. A... sera muni, dans un délai de huit jours à compter de la même date, d'une autorisation provisoire de séjour.
Sur les frais liés à l'instance :
6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Sabatakakis, conseil de M.A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cet avocat d'une somme de 1 500 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1802972 du 12 juin 2018 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg et les décisions du 13 avril 2018 par lesquelles le préfet du Haut-Rhin a obligé M. A...à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Haut-Rhin de réexaminer la situation de M. A...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la même date.
Article 3 : L'Etat versera à Me Sabatakakis, avocat de M. A..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Sabatakakis renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
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N° 18NC03125