Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 juin 2016, et un mémoire complémentaire, enregistré le 17 février 2017, M. et Mme F...demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1401092 du tribunal administratif de Nancy du 26 avril 2016 ;
2°) de condamner la commune de Drouville à leur verser :
- une somme de 57 705 euros hors taxe, réévaluée en fonction de l'indice national du bâtiment puis assortie des intérêts au taux légal, ainsi que la taxe sur la valeur ajoutée correspondante, en réparation des dommages de travaux publics causés à leur immeuble situé 6 rue du Four à Drouville ;
- une somme de 640 euros par mois à compter du 1er mai 2012, jusqu'à la mainlevée de l'arrêté de péril, assortie des intérêts au taux légal ;
- la somme de 279,54 euros TTC en remboursement de la facture émanant de la SARL Humbert, avec intérêts de droit ;
3°) de mettre les frais d'expertise à la charge de la commune de Drouville ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Drouville la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la commune de Drouville est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que l'opération de démolition du bâtiment mitoyen de leur immeuble, réalisée en 1993, a causés à ce dernier ;
- ils ont la qualité de tiers par rapport à l'opération de travaux publics ;
- la responsabilité de la commune n'a été révélée que dans le cadre des opérations d'expertise réalisées en 2012-2013 ;
- dès lors que les désordres sont apparus après plusieurs années, c'est à tort que les premiers juges ont considéré que seul le propriétaire de l'immeuble à la date de naissance du dommage avait qualité pour en demander réparation ;
- le vendeur n'ayant pas connaissance de ces désordres, il ne pouvait céder ses droits à réparation ;
- la circonstance que le dommage soit, pour partie, imputable à un tiers n'est pas de nature à atténuer la responsabilité de la commune.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2016, la commune de Drouville, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- seule la propriétaire de l'immeuble avait qualité pour lui demander réparation ;
- les requérants ne justifient pas de ce que le vendeur, dans le cadre de la cession à titre onéreux dont ils ont bénéficié, leur aurait expressément cédé ses droits à réparation ;
- l'ensemble des conséquences des travaux de démolition était connu avant l'acquisition du bien par les intéressés ;
- d'autres facteurs sont également à l'origine des désordres et en particulier le mauvais état des sols d'assises et des fondations et les malfaçons imputables à l'entreprise ;
- les requérants étaient, en outre, parfaitement informés de la fragilité du mur pignon ;
- le faible niveau de la valeur vénale du bien acquis par les requérants tenait compte de ces éléments ;
- à supposer que la responsabilité de la commune soit retenue, elle devra être atténuée par celle de l'entreprise ayant réalisé les travaux de démolition en 1993, de celle de MmeF..., maire de la commune au moment de l'acquisition, et enfin de celle de l'entreprise et du maître d'oeuvre des travaux réalisés à la demande des requérants qui se sont abstenus de réaliser une étude de sol préalable et ont négligé la consolidation du pignon Nord-Ouest ;
- l'action en réparation de leur préjudice devant le juge judiciaire, engagée contre l'entreprise et le maître d'oeuvre chargés des travaux réalisés, fait obstacle à la condamnation de la commune ;
- la commune ne peut être condamnée au paiement de la somme correspondant au remboursement d'une facture de la SARL Humbert.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Di Candia, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., pour M. et MmeF....
1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme F...ont acquis, le 7 juin 2001, un immeuble à usage d'habitation en mauvais état situé au n° 6 de la rue du Four à Drouville, autrefois mitoyen d'un bâtiment appartenant à la commune, lequel a été démoli par cette dernière en 1993 ; qu'ils ont fait réaliser, la même année, des travaux de réhabilitation de cet immeuble ; que des fissures sont apparues, en 2008, sur les murs extérieurs de ce dernier et que leur aggravation l'année suivante, les a conduits à solliciter et obtenir du président du tribunal de grande instance de Nancy, la désignation d'un expert qui, dans son rapport, a envisagé l'hypothèse que les travaux de démolition effectués en 1993 sur l'ancien bâtiment mitoyen pouvaient être pour partie à l'origine des dommages : que M. et Mme F...ont saisi le tribunal administratif de Nancy d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Drouville à réparer les dommages subis par leur immeuble et qu'ils relèvent appel du jugement du 26 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes ;
2. Considérant que, même en l'absence de faute, le maître de l'ouvrage et, le cas échéant, l'entrepreneur chargé des travaux sont responsables, vis-à-vis des tiers, des dommages causés à ceux-ci par l'exécution d'un travail public, à moins que ces dommages ne soient imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime ; que les tiers victimes de dommages causés par des travaux publics à leurs biens ont droit à l'entière réparation du préjudice sans autre limite que la valeur vénale desdits biens à la date du sinistre ; que cette règle est applicable à l'ensemble des préjudices dont la réparation peut contribuer à apporter à son propriétaire un enrichissement ; qu'il en est ainsi en particulier de ceux résultant d'une perte de jouissance et de la reconstruction du bien ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert désigné par le président du tribunal de grande instance de Nancy, que les désordres affectant la façade de l'immeuble située côté rue ainsi que la fissuration de voile du mur pignon gauche étaient déjà apparents en 2001, date à laquelle M. et Mme F...ont acquis le bien ; qu'il est constant que le prix d'acquisition de cet ensemble immobilier, d'une contenance cadastrale de deux ares cinq centiares, s'est élevé à 12 195,92 euros et qu'eu égard à la valeur du seul terrain à bâtir, la valeur vénale de l'immeuble à cette date devait être regardée comme nulle, ainsi que l'a relevé le rapport de l'expert ; que, par suite, M. et Mme F...ne sont pas fondés à demander que la commune de Drouville soit condamnée à prendre en charge le coût des travaux de remise en état du bâtiment consécutifs à ces désordres ; que pour les mêmes raisons, la commune de Drouville ne peut être condamnée à les indemniser du montant des loyers perdus à raison de ces désordres ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que l'expert a relevé que la fissuration du voile intérieur en maçonnerie séparant le garage et la salle de bains, le déplacement de l'encadrement droit en briques laitières du porche et les désordres intérieurs en lien avec cette fissuration, sont apparus en 2008 et se sont aggravés en 2009 ; que si la valeur vénale du bien n'était alors plus nulle, compte tenu de la réalisation de travaux de réhabilitation du bâtiment, il résulte clairement du rapport d'expertise que ces désordres ne sont imputables qu'à la réalisation de ces travaux par l'entreprise qui en était chargée en 2001 ; que M. et Mme F...ne sont ainsi pas davantage fondés à demander la mise en cause de la responsabilité de la commune de Drouville du fait de ces désordres qui ne lui sont pas imputables ;
5. Considérant, enfin, qu'il résulte des termes mêmes du jugement du tribunal de grande instance de Nancy du 3 octobre 2016 que le maître d'oeuvre et l'entreprise chargée des travaux de réhabilitation réalisés sur l'immeuble en 2001 ont été condamnés in solidum au paiement de la somme de 279,54 euros correspondant au montant de la facture relative aux mesures conservatoires mises en oeuvre par M. et Mme F...avant les travaux de reprise ; que le préjudice qu'ils ont subi à ce titre a ainsi fait l'objet d'une réparation intégrale et qu'ils ne sont pas fondés à demander également la condamnation, à ce titre, de la commune de Drouville ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme F...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande ; que, par suite, leurs conclusions tendant à ce que la commune de Drouville soit condamnée à leur verser une somme de 57 705 euros hors taxe ainsi qu'une somme de 640 euros par mois jusqu'à réalisation des travaux de réfection, doivent être rejetées ;
7. Considérant que si le juge administratif n'est pas compétent pour se prononcer sur la charge finale des frais d'une expertise ordonnée par le juge judiciaire, les frais et dépens qu'a définitivement supportés une personne en raison d'une instance judiciaire dans laquelle elle était partie sont au nombre des préjudices dont elle peut obtenir réparation devant le juge administratif de la part de l'auteur du dommage, sauf dans le cas où ces frais et dépens sont supportés en raison d'une procédure qui n'a pas de lien de causalité directe avec le fait de cet auteur ; que par jugement du 3 octobre 2016, le tribunal de grande instance de Nancy a condamné in solidum le maître d'oeuvre et l'entrepreneur des travaux de réhabilitation réalisés en 2001, aux entiers dépens de cette instance, incluant les frais de l'expertise ordonnée en référé ; que, par suite, M. et Mme F...ne peuvent en tout état de cause obtenir réparation devant le juge administratif des frais et dépens dont il n'ont pas supporté la charge finale ;
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Drouville, qui n'est pas la partie perdante, le versement à M. et Mme F...de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme F...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...F..., Mme A...E...épouse F...et à la commune de Drouville.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
2
N°16NC01260