Par un jugement nos 1501676 et 1501677 du 22 septembre 2015, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes en tant qu'elles tendaient à l'annulation des décisions de refus de titre de séjour.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 juin 2016, M. et MmeA..., représentés par la SCP A. Levi-Cyferman et L. Cyferman, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 22 septembre 2015 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions de refus de titre de séjour du 22 janvier 2015 prises à leur encontre par le préfet des Vosges ;
3°) d'enjoindre au préfet des Vosges de leur délivrer un titre de séjour avec autorisation de travail, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation administrative et de leur délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à la SCP A. Levi-Cyferman et L. Cyferman, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les décisions en litige sont insuffisamment motivées ;
- le refus de titre de séjour de Mme A...méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les refus de titre de séjour méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les décisions fixant le pays de destination méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet des Vosges, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
M. et Mme A...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 avril 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Kohler, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant qu'à la suite du rejet des demandes d'asile présentées par les intéressés, le préfet des Vosges a, par des décisions du 22 janvier 2015, refusé de délivrer à M. C...A...et à Mme B...A..., ressortissants albanais, un titre de séjour, a assorti ces refus d'obligations de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'éventuelles mesures d'éloignement forcé ; que, par des décisions du 11 juin 2015, le préfet a ordonné leur assignation à résidence ; que, par un jugement du 15 juin 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes, en tant qu'elles étaient dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés ; que M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 22 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions de refus de titre de séjour ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que le tribunal qui, par le jugement du 22 septembre 2015, n'a statué sur la demande des époux A...qu'en tant qu'elle tendait à l'annulation des décisions portant refus de titre de séjour, a visé le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que ce moyen étant inopérant à l'encontre des décisions de refus de titre de séjour, les premiers juges ont pu ne pas y répondre sans entacher leur jugement d'irrégularité ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation des refus de titre de séjour :
3. Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce que soutiennent M. et Mme A... les décisions contestées énoncent les considérations de droit et les éléments de fait, propres à leur situation personnelle, sur lesquels le préfet des Vosges s'est fondé pour refuser de leur délivrer un titre de séjour ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation des décisions en litige doit être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence... " ;
5. Considérant que pour refuser la délivrance du titre de séjour sollicité par Mme A... sur le fondement des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet des Vosges s'est fondé sur l'avis médical du 2 décembre 2014 par lequel le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, à destination duquel elle peut voyager sans risque ; que, si la requérante fait valoir qu'elle ne peut être soignée dans son pays d'origine car sa pathologie trouverait sa source dans les évènements qu'elle y aurait vécus, elle ne produit aucun élément de nature à en justifier ; que le certificat médical qu'elle verse au dossier, établi par un médecin psychiatre, reprend son récit et ne permet ni d'établir l'absence de soins appropriés dans le pays d'origine, ni de contredire l'appréciation portée par le médecin de l'agence régionale de santé ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le préfet des Vosges aurait fait une inexacte application des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (...) à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie (...) dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ;
7. Considérant que M. et Mme A...font valoir qu'ils sont intégrés en France, où ils vivent avec leurs deux enfants nés respectivement en 2011 et en 2013 ; que ces éléments, eu égard à la durée et aux conditions de leur séjour en France où ils ne sont entrés qu'en août 2012, après avoir vécu jusqu'à l'âge de 33 ans et 24 ans en Albanie, ne sont pas de nature à établir que les refus de titre de séjour en litige ont porté une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A..., à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Vosges.
5
N° 16NC01139