Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 26 mars 2015, 7 septembre 2015 et 29 octobre 2015, la société Commercible, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 5 mars 2015 ;
2°) de condamner la communauté d'agglomération de Reims Métropole à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;
3°) de condamner la communauté d'agglomération de Reims Métropole aux dépens ;
4°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération de Reims Métropole la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la cause adéquate de ses préjudices commercial et patrimonial réside dans les travaux de réalisation du tramway de Reims ; ces travaux ont rendu plus difficile l'accès à son magasin et son chiffre d'affaires n'a baissé que durant la période d'exécution des travaux ; plus de 60 % de la clientèle est située hors de Reims et a été empêchée de fréquenter le magasin pendant plus de deux ans ; elle est la seule à avoir subi un effondrement de son chiffre d'affaires dans le secteur des bijoux fantaisie et dans son secteur géographique ;
- les dommages subis revêtent un caractère anormal et spécial ;
- par la mise en place d'une commission d'indemnisation amiable, la collectivité publique a reconnu sa responsabilité ;
- ses préjudices commercial et patrimonial sur trois ans, évalués par l'expert, peuvent être estimés à une somme de 100 000 euros.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 avril 2015 et le 16 octobre 2015, la communauté d'agglomération de Reims Métropole, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Commercible sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors qu'elle ne comporte aucune critique du jugement attaqué ;
- le préjudice subi ne présente pas de caractère anormal et spécial dès lors que l'accès de la clientèle à ce commerce, situé en zone piétonnière, est resté possible pendant la durée des travaux et que le stationnement à proximité de ce commerce a été maintenu ;
- ce commerce est situé en dehors du périmètre des travaux litigieux ;
- la circonstance qu'une commission d'indemnisation amiable a été mise en place ne saurait constituer une reconnaissance de responsabilité ;
- le lien de causalité entre les travaux en cause et le préjudice allégué n'est pas établi ;
- le quantum des sommes réclamées n'est pas justifié ;
- la plus-value apportée par les travaux d'aménagement au commerce de la société doit venir en déduction du préjudice qu'elle invoque.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Michel, premier conseiller,
- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,
- et les observations de Me B...pour la communauté d'agglomération de Reims Métropole.
1. Considérant que la Sarl La Rabinière exploitait, sous l'enseigne " Agatha ", un fonds de commerce de bijoux fantaisie qu'elle a cédé à la Sarl Commercible par un contrat du 20 octobre 2010 ; que la société estimant avoir subi un préjudice lié aux travaux de réalisation de la ligne de tramway pour sa période d'activité allant de décembre 2008 au 30 juin 2010, a sollicité une indemnisation auprès de la commission créée par la communauté d'agglomération de Reims Métropole aux fins d'indemniser les professionnels riverains de la ligne de tramway, qui a rejeté sa demande ; qu'à la suite de la désignation d'un expert et du dépôt par celui-ci de son rapport, le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a accordé à la société, par une ordonnance du 24 juillet 2012, une provision de 100 000 euros à valoir sur le préjudice subi, qui a été annulée par une ordonnance du président de la cour administrative d'appel de Nancy du 12 octobre 2012 ; que la société Commercible a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à la condamnation de la communauté d'agglomération de Reims Métropole à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices, commercial et patrimonial, qu'elle estimait avoir subis du fait des travaux de réalisation du tramway de Reims ; que la société Commercible relève appel du jugement du 5 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ;
2. Considérant que la responsabilité du maître de l'ouvrage est engagée, même sans faute, à raison des dommages que l'ouvrage public dont il a la garde peut causer aux tiers ; qu'il appartient toutefois au riverain d'une voie publique qui entend obtenir réparation des dommages qu'il estime avoir subis à l'occasion d'une opération de travaux publics à l'égard de laquelle il a la qualité de tiers d'établir, d'une part, le lien de causalité entre cette opération et les dommages invoqués et, d'autre part, le caractère anormal et spécial de son préjudice, les riverains des voies publiques étant tenus de supporter, sans contrepartie, les sujétions normales qui leur sont imposées dans un but d'intérêt général ; que, pour se dégager de sa responsabilité, l'administration doit établir que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure ;
3. Considérant que la société appelante soutient que la baisse importante de son chiffre d'affaires constatée en 2009 est imputable aux travaux de réalisation d'aménagement du tramway à Reims dès lors que sa clientèle, circulant, en majorité, en véhicules automobiles, a été empêchée d'accéder à son commerce situé dans l'hyper-centre piétonnier de Reims ; qu'il résulte de l'instruction que le fonds de commerce de la société est situé dans le passage Subé, galerie commerciale couverte, comprenant quatre possibilités d'accès ; que si les travaux ont rendu plus difficiles la circulation et le stationnement des véhicules à proximité du magasin exploité par la société, il résulte toutefois de l'instruction que l'accès de la clientèle à ce magasin, situé en dehors du périmètre du chantier, est demeuré possible pendant la durée des travaux, la clientèle extérieure au centre ville disposant d'ailleurs de parkings " de proximité " dont la fréquentation, même en légère baisse, a atteint 860 437 véhicules en 2009 ;
4. Considérant, ensuite, qu'il ne résulte pas des bilans et des comptes de résultat de la société que les pertes commerciales dont elle se prévaut auraient pour cause déterminante les travaux litigieux ; qu'à cet égard, si le chiffre d'affaires de la société a connu une baisse de 32 % entre 2008 et 2009, passant de 319 801 euros à 216 411 euros, il résulte de l'instruction que les travaux ont commencé dès le mois d'avril 2008, année au cours de laquelle le chiffre d'affaires de la société a été le plus important, en hausse d'un peu plus de 6% par rapport à celui constaté en 2007 ;
5. Considérant, par ailleurs, que la circonstance que des commerçants voisins auraient été indemnisés sur proposition de la commission amiable d'indemnisation, créée par la communauté d'agglomération en vue de prévenir le contentieux, ne saurait dispenser la société appelante d'établir l'existence d'un préjudice indemnisable dans les conditions rappelées au point 2 ;
6. Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction que les travaux de réalisation de la ligne de tramway n'ont pas eu pour effet d'affecter spécifiquement le magasin exploité par la société, mais l'ensemble des commerçants du centre-ville et que des commerces situés dans la même galerie commerciale ou à proximité, dont certains exerçant dans un secteur directement concurrentiel du sien, n'ont pas connu de baisse importante et anormale de leur chiffre d'affaires et de leurs résultats ; que, par suite, si la société Commercible fait état d'une concomitance entre la baisse de son chiffre d'affaires et les travaux incriminés, elle n'établit pas, compte tenu notamment de la nature de son commerce et de la situation de son magasin, que ces travaux seraient à l'origine d'un préjudice anormal et spécial ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de sa requête, que la société Commercible n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à la condamnation de la communauté d'agglomération de Reims Métropole aux dépens ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dernières dispositions, de mettre à la charge de la société Commercible la somme de 1 500 euros à verser à la communauté d'agglomération de Reims Métropole au titre des frais que celle-ci a exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Commercible est rejetée.
Article 2 : La société Commercible versera à la communauté d'agglomération de Reims Métropole la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Commercible et à la communauté d'agglomération de Reims Métropole.
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N° 15NC00557