Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 14 août 2015, le 16 mars 2016, le 8 avril 2016 et le 25 avril 2016, la société Reydel Automotive France, anciennement dénommée Vistéon Systèmes Intérieurs, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de C...du 16 juin 2015 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme E...devant le tribunal administratif deC... ;
3°) de mettre à la charge de Mme E...le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision de l'inspecteur du travail est suffisamment motivée ;
- le licenciement de la salariée est justifié par des agissements de harcèlement moral et, de façon plus accessoire, par les menaces qu'elle a émises lors de son entretien préalable au licenciement ;
- le licenciement est dépourvu de tout lien avec le mandat de la salariée.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 novembre 2015 et le 20 avril 2016, Mme E..., représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Reydel Automotive France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision en litige de l'inspecteur du travail du 26 mars 2014 est entachée d'un défaut de motivation ;
- les faits de harcèlement moral qui lui sont reprochés ne sont pas établis ;
- ses propos lors de l'entretien préalable du 30 janvier 2014 ne caractérisent pas, compte tenu notamment du contexte dans lequel ils sont intervenus, des faits d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;
- la décision de l'inspecteur du travail est entachée d'une erreur d'appréciation ;
- il existe un lien entre son mandat et le licenciement envisagé par l'employeur.
La requête a été communiquée au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, qui n'a pas présenté de mémoire.
Par ordonnance du 12 avril 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 26 avril 2016.
Un mémoire présenté pour la société Reydel Automotive France a été enregistré le 25 novembre 2016.
Un mémoire présenté pour Mme E...a été enregistré le 30 novembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Michel, premier conseiller,
- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,
- et les observations de Me B...pour la société Reydel Automotive France ainsi que celles de Me C...pour MmeE....
1. Considérant que MmeE..., employée au sein de la société Vistéon Systèmes Intérieurs devenue Reydel automotive France en qualité d'opératrice en équipe de nuit du secteur injection de l'unité de production n°1 de Rougegoutte, était candidate aux élections des délégués du personnel du 30 juin 2011, représentante syndicale au comité d'établissement et au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; que la société Vistéon Systèmes Intérieurs a sollicité auprès de l'inspection du travail l'autorisation de la licencier pour faute ; que par une décision du 16 novembre 2011, le directeur adjoint du travail de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Belfort a autorisé son licenciement ; que par un jugement du 12 novembre 2013, confirmé par la cour administrative d'appel de Nancy par un arrêt du 3 février 2015, le tribunal administratif deC..., à la demande de MmeE..., a annulé la décision du 16 novembre 2011 susmentionnée ; qu'à la suite de ce jugement, et après sa réintégration dans l'entreprise, l'employeur de Mme E... a présenté à l'inspection du travail une nouvelle demande d'autorisation de licenciement pour faute de la salariée ; que par une décision du 26 mars 2014, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de MmeE... ; que, par un jugement du 16 juin 2015, dont la société Reydel Automotive France relève appel, le tribunal administratif de C...a annulé la décision du 26 mars 2014 de l'inspecteur du travail ;
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2422-1 du code du travail : " Lorsque le ministre compétent annule, sur recours hiérarchique, la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement d'un salarié investi de l'un des mandats énumérés ci-après, ou lorsque le juge administratif annule la décision d'autorisation de l'inspecteur du travail ou du ministre compétent, le salarié concerné a le droit, s'il le demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, d'être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent. Cette disposition s'applique aux salariés investis d'un des mandats suivants : (...) 2° Délégué du personnel, titulaire ou suppléant, ancien délégué du personnel ou candidat aux fonctions de délégué du personnel, salarié ayant demandé à l'employeur l'organisation des élections pour la désignation des délégués du personnel ; / 3° Membre élu du comité d'entreprise, titulaire ou suppléant, représentant syndical au comité d'entreprise, ancien membre ou candidat aux fonctions de membre du comité d'entreprise, salarié ayant demandé à l'employeur l'organisation des élections au comité d'entreprise (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2422-2 du même code : " Le délégué du personnel ou le membre du comité d'entreprise dont la décision d'autorisation de licenciement a été annulée est réintégré dans son mandat si l'institution n'a pas été renouvelée. / Dans le cas contraire, il bénéficie pendant une durée de six mois, à compter du jour où il retrouve sa place dans l'entreprise, de la protection prévue à l'article L. 2411-5 " ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 2421-12 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée " ; qu'aux termes de l'article R. 2421-16 du même code : " L'inspecteur du travail et, en cas de recours hiérarchique, le ministre examinent notamment si la mesure de licenciement envisagée est en rapport avec le mandat détenu, sollicité ou antérieurement exercé par l'intéressé " ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de la réintégration de Mme E..., la société Reydel Automotive France a décidé d'engager une nouvelle procédure de licenciement pour faute de la salariée qui bénéficiait de la protection prévue par les dispositions précitées des articles L. 2422-1 et L. 2422-2 du code du travail ; que dans le cadre de cette procédure, Mme E...a été convoquée à un entretien préalable qui s'est tenu le 30 janvier 2014 au cours duquel elle a tenu des propos menaçants, dont des menaces de mort, à l'encontre de salariés de l'entreprise ; que la nouvelle demande d'autorisation de licenciement de MmeE..., présentée le 13 février 2014 par la société Reydel Automotive France à l'inspection du travail était fondée, d'une part, sur les faits de " harcèlement moral " invoqués par l'employeur lors de sa première demande d'autorisation de licenciement de la salariée auprès de l'inspecteur du travail dont la décision du 16 novembre 2011 susmentionnée a été annulée par un jugement du 12 novembre 2013 du tribunal administratif de C...et, d'autre part, sur les menaces proférées par la salariée le 30 janvier 2014 ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que par la décision en litige du 26 mars 2014, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement pour faute de Mme E...en estimant que les faits reprochés à la salariée par la société présentaient un degré d'une gravité suffisante pour accorder son licenciement sans toutefois mentionner si la mesure de licenciement envisagée était en rapport avec le mandat détenu par MmeE... ;
7. Considérant que l'inspecteur du travail saisi d'une nouvelle demande de licenciement doit procéder à l'examen de la demande en se plaçant à la date à laquelle il statue à la lumière des circonstances de droit et de fait existant à cette dernière date ; que les menaces proférées par la salariée le 30 janvier 2014 lors de son entretien préalable de licenciement constituaient un élément nouveau qui exigeait de l'inspecteur du travail qu'il examine et mentionne dans sa décision si le licenciement envisagé par l'employeur était en rapport avec le mandat détenu par MmeE... ; qu'il suit de là que le défaut de motivation de la décision du 26 mars 2014 en litige autorisant le licenciement de Mme E...est de nature à justifier l'annulation ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Reydel Automotive France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de C...a annulé la décision du 26 mars 2014 par laquelle l'inspecteur du travail l'a autorisée à procéder au licenciement pour faute de MmeE... ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de MmeE..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Reydel Automotive France demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société Reydel Automotive France une somme de 1 500 euros à verser à Mme E...sur le fondement des mêmes dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Reydel Automotive France est rejetée.
Article 2 : La société Reydel Automotive France versera à Mme E...une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Reydel Automotive France, à Mme D...E...et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
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N° 15NC01818