Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 3 mai 2016, Mme D...A..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1501470 du 21 septembre 2015 du magistrat délégué du tribunal administratif de Besançon ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du préfet du Doubs du 14 septembre 2015 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat, Me C..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision refusant un délai de départ volontaire doit être annulée par voie d'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- cette décision est entachée d'une erreur de fait ;
- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie d'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle a été prise en violation des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté portant assignation à résidence doit être annulé par voie d'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 août 2016, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A...ne sont pas fondés.
Mme D... A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 mars 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B...a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme D...A..., née le 29 novembre 1968, de nationalité kosovare, est entrée irrégulièrement sur le territoire français le 24 octobre 2010 ; que sa demande d'asile a été rejetée par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides des 31 mars 2011 et 9 juillet 2012, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile les 28 mars 2012 et 26 juin 2013 ; que par un arrêté du 29 octobre 2012, le préfet du Doubs a refusé de l'admettre au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français ; que Mme A...a présenté une nouvelle demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade qui a été rejetée par un arrêté du préfet du Doubs du 12 juin 2014 assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; que le recours formé par Mme A...contre cet arrêté a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Besançon du 16 octobre 2014 confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 2 juillet 2015 ; que Mme A...ayant refusé de déférer à la mesure d'éloignement, le préfet du Doubs a pris un nouvel arrêté en date du 14 septembre 2015 faisant obligation à l'intéressée de quitter sans délai le territoire français, avec interdiction de retour pendant une durée de deux ans ; que par un arrêté du même jour, le préfet du Doubs l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ; que Mme A...fait appel du jugement du 21 septembre 2015 par lequel le magistrat délégué du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés du 14 septembre 2015 ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
3. Considérant que Mme A... fait valoir qu'elle réside sur le territoire français depuis cinq ans, que son époux et ses enfants vivent en France, que son fils qui est en situation régulière l'héberge et lui apporte une aide financière et morale et l'assiste dans ses démarches médicales, qu'elle a tout mis en oeuvre pour s'insérer dans la société française notamment en suivant des cours d'apprentissage de la langue française ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme A...s'est maintenue sur le territoire français depuis cinq ans à la date de la décision attaquée au seul bénéfice de ses demandes successives de titre de séjour ; que son époux et sa fille font également l'objet d'une mesure d'éloignement vers le Kosovo ; que, dès lors, l'intéressée qui n'établit pas qu'elle serait particulièrement insérée dans la société française n'est pas dépourvue de toute attache dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de quarante-deux ans ; que, dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ;
4. Considérant que Mme A...soutient qu'eu égard à son état de santé qui s'oppose à tout déplacement, le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en lui faisant obligation de quitter le territoire français ; que si l'intéressée se prévaut d'une attestation de son médecin généraliste en date du 7 janvier 2015, il ressort des pièces produites en première instance par MmeA... que ce même médecin a indiqué dans un certificat établi le 18 septembre 2015 à la demande de la requérante, que " son état de santé peut la rendre inapte, lors des poussées douloureuses, aux déplacements quotidiens hors de son domicile " ; que, dans ces conditions, Mme A... n'établit pas qu'à la date de la décision attaquée, son état de santé faisait obstacle à ce qu'elle puisse voyager en avion sans craindre pour son intégrité physique ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
5. Considérant, en premier lieu, que les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par Mme A... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire ne peut qu'être écartée par voie de conséquence ;
6. Considérant, en second lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...). / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) " ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de la note d'information n° 482/2015 établie par la direction départementale de la police de l'air et des frontières du Doubs en date du 23 juillet 2015 produite par le préfet, que ce même jour, alors qu'elle avait été conduite à l'aéroport de Roissy - Charles de Gaulle en exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre le 12 juin 2014, Mme D...A...a refusé d'embarquer sur le vol à destination de Pristina ; que, dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire au motif qu'elle s'était soustraite à une précédente mesure d'éloignement en refusant d'embarquer à bord de l'avion devant la ramener dans son pays d'origine, le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur de fait ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination :
8. Considérant, en premier lieu, que les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par Mme A... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination ne peut qu'être écartée par voie de conséquence ;
9. Considérant, en second lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; que ce dernier texte énonce que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;
10. Considérant que Mme A... fait valoir que, ainsi qu'il ressort de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé de Lorraine émis le 10 janvier 2014 et de l'attestation du docteur C du 2 juin 2015, il n'existe pas de traitement approprié à son état de santé au Kosovo, et que cette circonstance fait obstacle à ce qu'elle soit renvoyée dans ce pays ; que toutefois, ainsi que l'indique le préfet du Doubs, la cour de céans a, par un arrêt du 2 juillet 2015 devenu définitif, jugé que le préfet établissait l'existence de traitements appropriés à l'affection de Mme A...au Kosovo ; que Mme A...n'établit ni même n'allègue que les pathologies dont elle est atteinte auraient évolué depuis cette date ou que son traitement aurait changé ; que, par suite, en fixant le Kosovo comme pays de destination, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention susvisée ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour pendant une durée de deux ans :
11. Considérant qu'aux termes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti (...) " ;
12. Considérant que si Mme A...soutient que la décision portant interdiction de retour pendant une durée de deux ans méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur d'appréciation, ces moyens doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 3 et 4 ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision l'assignant à résidence :
13. Considérant que les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par Mme A... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'assignant à résidence ne peut qu'être écartée par voie de conséquence ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
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N° 16NC00955