Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 25 mai 2015, M. C... et la SARL Les fontaines de la Babote, représentés par Me F..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 20 mars 2015 ;
2°) de faire droit à leur demande de première instance, en portant le montant de l'astreinte sollicitée à la somme de 1 000 euros par jour de retard ;
3°) de mettre in solidum à la charge de la commune de Montpellier et de l'Etat les entiers dépens de l'instance, comprenant notamment les frais du constat d'huissier du 6 juin 2014 pour un montant de 9 314,83 euros, ainsi que la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est entaché d'erreurs de droit et de fait ;
- les premiers juges ne pouvaient prononcer un non-lieu à statuer ;
- le conseil municipal était compétent pour statuer sur leur demande ;
- M. E... occupe irrégulièrement le domaine public communal ;
- l'autorité administrative était tenue de saisir le juge de la contravention de grande voirie et d'engager une procédure d'expulsion.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2016, la commune de Montpellier, représentée par Me D..., SCP Vinsonneau-Paliès Noy Gauer et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. C... et autre sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. C... et autre ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chanon, premier conseiller,
- les conclusions de M. Salvage, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la commune de Montpellier.
1. Considérant que M. C... et la SARL Les fontaines de la Babote ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de Montpellier a rejeté leur demande du 14 août 2013 tendant à ce qu'il dresse un procès-verbal de contravention de grande voirie à l'encontre de M. E..., restaurateur exploitant sans titre sur le domaine public communal une terrasse, située square de la Babote, et qu'il saisisse le conseil municipal afin de l'autoriser à demander au juge administratif, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, l'expulsion du domaine public de l'intéressé ; que M. C... et autre relèvent appel du jugement du 20 mars 2015 décidant qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de cette demande ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du constat d'huissier du 6 juin 2014, que, si M. E... a déposé, le 13 février 2014, une demande d'occupation du domaine public au titre de l'année 2014, et obtenu, par arrêté du maire de Montpellier en date du 20 mars 2014, un permis de stationnement pour l'implantation d'une terrasse de 40 m², cette autorisation n'a que partiellement régularisé l'occupation du domaine public communal dès lors, notamment, que la commune n'a pas accordé le permis de stationnement pour la totalité de la surface sollicitée et que la superficie réellement occupée à la date du constat d'huissier est de 106 m² ; que, par suite, M. C... et autre sont fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges, qui ne pouvaient estimer que la demande avait perdu son objet en cours d'instance, ont décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande dont ils était saisis ; qu'ainsi le jugement est entaché d'irrégularité et doit être annulé ;
3. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C... et autre devant le tribunal administratif de Montpellier ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 2132-2 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les contraventions de grande voirie sont instituées par la loi ou par décret, selon le montant de l'amende encourue, en vue de la répression des manquements aux textes qui ont pour objet, pour les dépendances du domaine public n'appartenant pas à la voirie routière, la protection soit de l'intégrité ou de l'utilisation de ce domaine public (...) " ;
5. Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'institue une contravention de grande voirie en vue de la répression de l'occupation sans titre d'une parcelle d'un square appartenant au domaine public communal ; qu'en l'absence du texte prévu à l'article L. 2132-2 du code général de la propriété des personnes publiques, le maire de Montpellier était, en tout état de cause, tenu de rejeter la demande de M. C... et autre tendant à ce qu'il dresse un procès-verbal de contravention de grande voirie à l'encontre de M. E... à raison de l'occupation irrégulière d'une partie du square de la Babote ;
6. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune mesure administrative " ; que lorsque le juge des référés est saisi, sur le fondement de ces dispositions, d'une demande d'expulsion d'un occupant du domaine public, il lui appartient de rechercher si, au jour où il statue, cette demande présente un caractère d'urgence et ne se heurte à aucune contestation sérieuse ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. E... a exploité une terrasse régulièrement autorisée au droit de son commerce, square de la Babote, pendant plusieurs années jusqu'en 2012 ; qu'il a effectué sans autorisation de construire des travaux, notamment pour l'aménagement de la terrasse par le scellement de deux stores métalliques, constatés par un procès-verbal d'infraction dressé le 21 décembre 2012 ; qu'en application du " règlement des terrasses " de la commune de Montpellier, l'illégalité de ces travaux faisait obstacle au renouvellement du permis de stationnement au titre de l'année 2013 ; que, par courrier du 12 août 2013, la commune, ainsi qu'il lui était loisible, a mis en demeure M. E... de " régulariser administrativement sa situation " en lui accordant un délai jusqu'au 30 septembre 2013, les travaux ayant d'ailleurs été en grande partie régularisés par des décisions de non-opposition à déclaration au cours de l'année 2014 ; que M. C... et autre n'invoquent aucune urgence à engager une procédure d'expulsion du domaine public à la date de la décision contestée ; qu'aucune situation d'urgence ne résulte des pièces du dossier dès lors que la commune n'a jamais entendu s'opposer par principe au projet de terrasse de M. E..., sous réserve de sa conformité aux règles d'urbanisme ; que, dans ces conditions, le maire de Montpellier, qui n'était pas en situation de compétence liée pour saisir le juge des référés, a pu légalement refuser d'engager une procédure d'expulsion du domaine public sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, qui était nécessairement vouée à l'échec en l'absence d'urgence ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C... et autre ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le maire de Montpellier a rejeté leur demande du 14 août 2013 ; que, par suite, leurs conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent, en tout état de cause, être rejetées ;
Sur les frais et dépens :
9. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) " ;
10. Considérant que les frais résultant pour l'une des parties de la production d'un constat d'huissier ne sont pas compris dans les dépens ; que, par suite, les conclusions de M. C... et autre tendant au remboursement, sur le fondement de ces dispositions, de la somme de 9 314,83 euros correspondant aux frais d'un constat d'huissier qu'ils ont engagés de leur propre initiative doivent en tout état de cause être rejetées ;
11. Considérant, d'autre part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Montpellier, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par M. C... et autre et non compris dans les dépens, comprenant notamment les frais de constat d'huissier ; que, dans les circonstances de l'espèce, les conclusions de la commune présentées sur le même fondement doivent être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 20 mars 2015 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C... et autre devant le tribunal administratif de Montpellier et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Montpellier présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à la SARL Les fontaines de la Babote et à la Commune de Montpellier.
Délibéré après l'audience du 14 décembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement,
- M. Chanon, premier conseiller,
- Mme G..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 23 décembre 2016.
N° 15MA02118 2
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