Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 6 novembre 2015, Mme D..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 octobre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 juin 2015 ;
3°) d'ordonner à l'autorité compétente de lui délivrer un titre de séjour et, à défaut, de se livrer à une nouvelle instruction de son dossier dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer un titre de séjour provisoire ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la commission du titre de séjour aurait dû être consultée en présence d'une demande de renouvellement d'un certificat de résidence en qualité de conjoint de français ;
- les dispositions de l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ont été méconnues car elle n'a pas été invitée à faire valoir ses moyens de défense avant la décision refusant le renouvellement de son titre ;
- la communauté de vie est établie, le rapport de police grossièrement erroné ne pouvant fonder le refus contesté ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues.
Par ordonnance du 28 juin 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 20 juillet 2016.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 février 2016.
Un mémoire présenté par le préfet des Bouches-du-Rhône a été enregistré le 29 octobre 2016, postérieurement à la clôture d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Anne Menasseyre, première conseillère a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que, par arrêté du 25 juin 2015, le préfet des Bouches-du-Rhône, considérant que la communauté de vie entre les époux avait été rompue, a refusé de renouveler le certificat de résidence en qualité de conjoint de français précédemment délivré à Mme B... épouseD..., de nationalité algérienne, et lui a fait obligation de quitter le territoire français ; qu'elle relève appel du jugement du 12 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté ;
Sur les conclusions en annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux. " ;
3. Considérant que le mariage civil de Mme D... avec son conjoint de nationalité française, qui a eu lieu le 27 avril 2009 en Algérie, a été retranscrit le 22 août 2013 sur le registre de l'état-civil français ; que l'intéressée est régulièrement entrée en France le 12 décembre 2013 ; que, pour lui refuser le renouvellement sollicité, le préfet s'est fondé sur les conclusions d'une enquête de police réalisée à sa demande le 16 mars 2015 et qui, après une entretien réalisé dans les locaux de l'administration avec la seule Mme D..., conclut à " l'évidente absence d'une communauté de vie dans le couple " ;
4. Considérant toutefois que Mme D... a versé aux débats plusieurs courriers du consulat de France à Alger datés de janvier 2014 indiquant à M. D... qu'il devait participer à la journée défense et citoyenneté et choisir l'Etat à l'égard duquel il devait accomplir ses obligations de service national ; qu'elle a également produit la déclaration prévue par l'article 2-1er alinéa de l'accord franco-algérien du 11 octobre 1983 par laquelle M. D... a déclaré, le 4 mars 2015, à Alger, vouloir satisfaire à ses obligations militaires en France, un certificat individuel de participation à la journée défense et citoyenneté établi le 22 mars 2015 par le consul de France à Alger, cosigné par l'intéressé et un certificat de radiation du registre des français établi hors de France, indiquant qu'il y a été inscrit du 4 mars au 1er avril 2015 et qu'il en est radié suite à son départ pour s'établir en France ; que ces documents sont de nature à corroborer que, comme le soutient Mme D..., son époux, dont le certificat de nationalité française n'a été établi que le 22 janvier 2013 était, à la date à laquelle s'est déroulée l'enquête de police sur laquelle s'est fondée l'autorité préfectorale, en Algérie pour y accomplir les démarches administratives en lien avec ses obligations au regard du service national ;
5. Considérant par ailleurs que si Mme D... a travaillé du 15 juillet 2014 au 14 janvier 2015 en qualité de vendeuse dans une boulangerie située à Fontenay-sous-Bois, en région parisienne, l'absence de cohabitation des époux durant cette période, qui avait pris fin à la date de l'arrêté contesté, et qui est liée à des nécessités financières indépendantes de leur volonté n'est pas, à elle seule, de nature à faire regarder la communauté de vie comme ayant cessé ; que l'absence d'enfant dans le couple ne saurait davantage permettre de conclure à l'absence de communauté de vie ; que Mme D... a produit par ailleurs des attestations du couple formé par son frère et la soeur de son époux, qui l'hébergent à l'adresse qu'elle a toujours indiquée comme étant l'adresse commune, une attestation de leur voisin attestant de leur cohabitation, divers courriers adressés à l'adresse commune, soit à elle-même, soit à son époux, soit au couple, et émanant de l'assurance maladie ou de la caisse d'allocations familiales ; que le couple a ouvert en février 2014 puis en décembre 2014 un compte joint, formalité qui nécessitait la présence physique des deux époux matérialisée par leur signature respective ; que l'avis d'imposition 2014 du couple est rédigé aux deux noms et mentionne l'adresse que Mme D... a toujours indiquée comme étant celle où se déroule la vie commune ; que des documents de même nature sont produits pour la période postérieure à l'arrêté attaqué ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'absence de cohabitation, constatée lors de l'enquête de police effectuée en mars 2015, ne saurait, même en prenant en compte la circonstance, invoquée par le préfet en défense, que le couple n'a pas d'enfant, permettre de conclure à une absence de communauté de vie effective entre les époux ; qu'il en résulte que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que le préfet des Bouches-du-Rhône s'est fondé sur ce motif pour lui refuser le renouvellement sollicité ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;
8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la situation de Mme D... depuis l'intervention de l'arrêté du 25 juin 2015 n'a pas évolué dans des conditions telles que sa demande de certificat de résidence serait devenue sans objet ou que des circonstances postérieures à la date de cet arrêté permettraient désormais de fonder légalement une nouvelle décision de rejet ; qu'eu égard au motif énoncé au point 5, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet des Bouches-du-Rhône délivre à Mme D... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ; que, dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet de délivrer à l'intéressée un tel titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que, d'une part, Mme D..., pour le compte de qui les conclusions de la requête relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être réputées présentées, n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée ; que, d'autre part, l'avocat de Mme D... n'a pas demandé que lui soit versée par l'Etat la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à sa cliente si cette dernière n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 octobre 2015 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 25 juin 2015 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à Mme D... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...épouse D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Marseille et au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 14 décembre 2016, où siégeaient :
- M. Guidal, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Chanon, premier conseiller,
- Mme E..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 23 décembre 2016.
N° 15MA04261 2
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