Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 15 décembre 2015 et le 4 juillet 2016, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 17 septembre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 10 février 2015 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches du Rhône, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire de lui enjoindre de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer dans l'attente de la décision une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre la somme de 2 000 euros à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, qui sera versée à Me A... sous réserve de la renonciation de l'avocat au bénéfice de l'aide juridictionnelle sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la commission du titre de séjour aurait dû être consultée ;
- la décision lui refusant l'admission au séjour est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen réel et complet de sa demande ;
- les dispositions du 7° de l'article L. 2313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
- la décision de refus de titre méconnaît les dispositions de l'article 3-1 de la convention européenne sur les droits de l'enfant ;
- ce refus est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la mesure d'éloignement est illégale par voie de conséquence ;
- elle méconnaît les mêmes dispositions et stipulations et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 mars 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Anne Menasseyre, première conseillère a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. B..., de nationalité nigériane, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de la vie privée et familiale qu'il menait en France ; que, par arrêté du 10 février 2015, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer le titre sollicité et lui a fait obligation de quitter le territoire ; que M. B... relève appel du jugement du 17 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Marseille a refusé de faire droit à sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions en annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
3. Considérant que Mme D..., de nationalité nigériane, et titulaire d'une carte de résident qui expirera en 2024 a donné le jour à quatre enfants respectivement nés en 2008, 2011, 2013 et le 12 février 2015 ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'expertise génétique réalisée en décembre 2015, que M. B... est le père de l'aîné et des deux plus jeunes ; que la vie commune entre Mme D... et M. B... n'est pas sérieusement contestée par le préfet à compter de l'année 2014 ; que M. B... verse au débat des pièces nombreuses qui démontrent en outre que cette communauté de vie est antérieure et remonte à tout le moins au début de l'année 2013, les documents médicaux corroborés par des décomptes de l'assurance maladie portant l'adresse commune produits faisant même apparaître que M. B..., bénéficiaire de l'aide médicale, a reçu des soins à Marseille à plusieurs reprises dans le courant de l'année 2012 ; que Mme D... a, sur signalement de la préfecture des Bouches-du-Rhône, été contrainte de rembourser des prestations familiales auxquelles la vie commune qu'elle menait avec M. B... ne lui permettait pas de prétendre ; que l'enquête alors effectuée par les services de la caisse d'allocations familiales a conclu à une vie maritale remontant au mois de janvier 2013, mois de naissance du deuxième enfant du couple ; que par ailleurs, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que M. B... aurait conservé des attaches au Nigeria ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, l'arrêté attaqué du 10 février 2015 a, dès lors, porté au droit au respect de la vie familiale de M. B... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et a, ainsi, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que, par suite, le jugement et l'arrêté préfectoral doivent être annulés ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la situation de M. B... n'a pas évolué, depuis l'intervention de l'arrêté du 10 février 2015, dans des conditions telles que sa demande de titre de séjour serait devenue sans objet ou que des circonstances postérieures à la date de cet arrêté permettraient désormais de fonder légalement une nouvelle décision de rejet ; que l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet des Bouches-du-Rhône délivre à l'intéressé une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; que, dès lors, il y a lieu pour la Cour de prescrire au préfet de délivrer à l'appelant, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, un tel titre de séjour ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " (...) Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. / Si l'avocat du bénéficiaire de l'aide recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat " ;
7. Considérant que M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance, le versement à Me A..., son avocat, d'une somme de 1 500 euros ; que conformément aux dispositions précitées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée, le recouvrement en tout ou partie de cette somme vaudra renonciation par cet avocat à percevoir, à due concurrence, la part contributive de l'Etat ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 17 septembre 2015 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 10 février 2015 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. B..., dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".
Article 3 : L'Etat versera à Me A... une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... F...B..., au ministre de l'intérieur et à Me A....
Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Marseille et au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 14 décembre 2016, où siégeaient :
- M. Guidal, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Chanon, premier conseiller,
- Mme E..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 23 décembre 2016.
N° 15MA04779 2
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