Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 avril 2017, M.A..., représenté par Me Chebbale, demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 novembre 2016 en tant qu'il a limité à la somme de 100 euros le montant de la condamnation prononcée à l'encontre de l'Etat ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 10 000 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Chebbale de la somme de 2 400 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le montant accordé par les premiers juges en réparation de son préjudice moral est insuffisant ;
- son préjudice moral peut être évalué à un montant de 1 000 euros par mois pour la période d'au moins dix mois durant laquelle il n'a bénéficié d'aucune prise en charge.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2018, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il déclare s'en remettre aux éléments développés en première instance.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 mars 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Di Candia, premier conseiller,
- les conclusions de M. Louis, rapporteur public,
- et les observations de Me Chebbale, avocate de M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., de nationalité kosovare, est entré en France, en dernier lieu, le 8 février 2015 et a obtenu un rendez-vous le 26 février 2015 au guichet unique de la préfecture de la Moselle en vue de l'enregistrement de sa demande d'asile. Cette demande n'a cependant été enregistrée à la préfecture de la Moselle que le 30 novembre 2015 et M. A...a alors demandé au tribunal administratif de Strasbourg la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 21 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi à raison de l'incapacité de l'Etat à dégager à son profit une solution d'hébergement entre le mois de février 2015 et le 29 juillet 2016, date à laquelle la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande d'asile. Il relève appel du jugement du 23 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a limité à un montant de 100 euros l'indemnité au versement de laquelle l'Etat a été condamné.
2. En application des dispositions des articles L. 348-1 et suivants et R. 348-1 et suivants alors applicables du code de l'action sociale et des familles, les demandeurs d'asile peuvent être admis à l'aide sociale pour être accueillis dans les centres pour demandeurs d'asile, et ceux qui ne bénéficient pas d'un niveau de ressources suffisant bénéficient d'une allocation mensuelle de subsistance. Ils ont également vocation à bénéficier, outre du dispositif d'accueil d'urgence spécialisé pour demandeurs d'asile, qui a pour objet de les accueillir provisoirement dans des structures collectives ou dans des hôtels en attente d'un accueil en centre pour demandeurs d'asile, du dispositif général de veille sociale prévu par l'article L. 345-2 du code de l'action sociale et des familles, lequel peut conduire à leur admission dans un centre d'hébergement d'urgence ou un centre d'hébergement et de réinsertion sociale. Enfin, en vertu des articles L. 5423-8-1° et L. 5423-9-2° du code du travail les demandeurs d'asile qui ont demandé à bénéficier du statut de réfugié peuvent bénéficier, sous condition d'âge et de ressources, d'une allocation temporaire d'attente à condition de ne pas être bénéficiaires d'un séjour en centre d'hébergement pris en charge au titre de l'aide sociale.
3. Il résulte de l'instruction que M. A...a sollicité le service d'appel téléphonique du dispositif de veille social dit " 115 " dès le 9 février 2015 en faisant valoir sa qualité de demandeur d'asile titulaire d'une autorisation provisoire de séjour. Il résulte de l'instruction qu'en dépit de ses demandes, il n'a obtenu de l'Etat aucune solution d'hébergement entre cette date et le 29 juillet 2016, date à laquelle sa demande d'asile a été rejetée par la Cour nationale du droit d'asile et qu'en dehors de la période du 27 avril au 20 décembre 2015 durant laquelle il a été hébergé chez son frère, il a vécu dehors, dans des conditions matérielles particulièrement précaires. Si le préfet se prévaut de la saturation de l'ensemble des structures d'accueil de Lorraine et de la circonstance que le requérant bénéficiait de l'allocation des demandeurs d'asile, d'un montant de 6,80 euros par jour auquel s'ajoutait un montant journalier de 4,20 euros pour ceux des demandeurs d'asile n'ayant pu se voir proposer une place d'hébergement, ces éléments ne sont pas de nature à exonérer l'Etat de sa responsabilité à raison de la faute commise à n'avoir pu lui assurer, pendant l'instruction de sa demande d'asile, des conditions d'accueil décentes.
4. Eu égard à la circonstance que M. A...a été hébergé chez son frère entre le 27 avril et le 20 décembre 2015, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral qu'il a subi avant et après cette période du fait des conditions d'extrême précarité dans lesquelles il a vécu et dont attestent les photographies jointes à ses écritures de première instance, en lui accordant à ce titre une indemnité de 2 000 euros.
5. Il résulte de ce qui précède que M. A...est seulement fondé à demander la réformation, dans cette mesure, du jugement attaqué.
6. M. A...ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Chebbale, avocate de M.A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de ce dernier le versement à Me Chebbale de la somme de 1 000 euros.
D E C I D E :
Article 1er : La somme de 100 euros, que l'Etat a été condamné à verser à M. A...par l'article 1er du jugement n° 1506886 du 23 novembre 2016, est portée à 2 000 euros.
Article 2 : Le jugement du 23 novembre 2016 du tribunal administratif de Strasbourg est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Chebbale, avocate de M.A..., la somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Chebbale renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
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N° 17NC01000