Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 décembre 2017, et un mémoire complémentaire, enregistré le 12 février 2018, M.A..., représenté par la SELAS Devarenne Associés Grand Est, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 19 octobre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 août 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Marne de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les critères de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2018, le préfet de la Haute-Marne conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 28 novembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Di Candia, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., de nationalité albanaise, né le 5 août 1999, est, selon ses déclarations, entré en France, alors qu'il était mineur, le 5 août 2016, accompagné de ses parents et de ses frères et soeurs, afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 21 décembre 2016, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 5 mai 2017. Par un arrêté du 22 août 2017, le préfet de la Haute-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité de bénéficiaire de l'asile ou de la protection subsidiaire, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné. M. A... relève appel du jugement du 19 octobre 2017 par lequel le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, statuant dans le cadre des dispositions du I bis de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision portant refus d'un titre de séjour :
2. D'une part, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1 (....) vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent (...) ". Aux termes de l'article L. 743-3 du même code : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI. ".
4. Enfin, les dispositions du I bis de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers fixent le régime contentieux particulier applicable aux obligations de quitter le territoire qui peuvent être décidées à l'encontre des étrangers visés dans les cas énumérés aux 1°, 2°, 4° et 6° du I précité de l'article L. 511-1 du même code et dont l'intervention n'est pas subordonnée à l'intervention préalable d'une décision statuant sur le droit au séjour des intéressés.
5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, dans le cas particulier prévu au 6° mentionné ci-dessus, une obligation de quitter le territoire français peut être décidée à l'encontre d'un étranger dont la demande d'asile a été définitivement rejetée, sans que le préfet ait nécessairement à refuser explicitement, dans le même arrêté, l'attribution à l'intéressé de la carte de résident prévue pour les réfugiés au 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de la carte de séjour temporaire prévue pour les bénéficiaires de la protection subsidiaire à l'article L. 313-13 du même code. De même, une telle obligation de quitter le territoire peut être décidée à l'encontre de l'étranger demandeur d'asile qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir en cette qualité sur le territoire en application de l'article L. 743-2 de ce code, sans que figure nécessairement dans le même arrêté la décision par laquelle le préfet tire, le cas échéant, les conséquences de ce constat en refusant de délivrer à l'intéressé l'attestation de demande d'asile prévue à l'article L. 743-1, en retirant cette dernière ou en lui en refusant le renouvellement.
6. Lorsque le préfet fait néanmoins précéder l'arrêté obligeant un étranger demandeur d'asile à quitter le territoire français, sur le fondement du I bis de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une décision par laquelle, selon les cas, il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 8° de l'article L. 314-11 ou de l'article L. 313-13 du même code, il appartient au juge administratif de statuer également, s'il en est saisi simultanément, sur les conclusions dirigées contre une telle décision.
7. En premier lieu, il est constant qu'après avoir relevé que la demande d'asile de M. A... avait été rejetée, le préfet de la Haute Marne a rejeté l'admission au séjour de M. A...au titre de l'asile. M. A...ne conteste pas qu'il ne pouvait donc se voir délivrer une carte de résident en qualité de réfugié sur le fondement des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, il ne saurait utilement soutenir que la décision attaquée méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet de la Haute-Marne n'a pas été saisi d'une demande de titre de séjour sur le fondement de ces dispositions.
8. En deuxième lieu, dans le cas où le préfet se borne à rejeter une demande d'autorisation de séjour présentée uniquement au titre de l'asile, sans examiner d'office d'autres motifs d'accorder un titre à l'intéressé, ce dernier ne peut utilement soulever, devant le juge de l'excès de pouvoir saisi de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus du préfet, des moyens de légalité interne sans rapport avec la teneur de la décision contestée. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'appui du recours formé contre une décision de refus motivée uniquement par le rejet de la demande d'asile ou de la protection subsidiaire, l'invocation des stipulations de l'article 8 étant sans incidence sur l'appréciation que doit porter l'autorité administrative sur les conditions posées aux 1° et 8° des articles L. 313-13 et L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour la délivrance des autorisations de séjour demandées au titre de l'asile ou de la protection subsidiaire.
9. En dernier lieu, les énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile constituent des orientations générales dont M. A... ne peut utilement se prévaloir devant le juge de l'excès de pouvoir.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. Eu égard à la faible durée de la présence en France du requérant à la date de l'arrêté en litige, à l'absence de toute autre présence familiale dans ce pays que ses parents, qui font tous les deux l'objet d'une mesure d'éloignement, et de ses frères et soeurs, qui ont vocation à suivre leurs parents, la décision portant obligation de quitter le territoire français qui lui a été opposée ne peut, en dépit de sa volonté d'intégration, de son apprentissage de la langue française et de sa scolarité, être regardée comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis par cette mesure.
Sur la décision fixant le pays de destination :
12. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".
13. M.A..., qui ne produit aucun élément à l'appui de ce moyen, ne justifie pas être exposé à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, non plus qu'à des traitements contraires aux stipulations précitées en cas de retour en Albanie. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise en méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Marne.
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N° 17NC03012