Procédure devant la cour :
Par un recours et un mémoire, enregistrés les 18 janvier 2017 et 17 mai 2017, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement ;
2°) de remettre à la charge de la société la majoration de 40%.
Il soutient que :
- la volonté d'éluder l'impôt est caractérisée par le fait que la société connaissait la position de l'administration quant à sa situation propre, qu'elle a volontairement omis d'appliquer un mécanisme stabilisateur et que l'importance et la fréquence des insuffisances ne laissent aucun doute sur leur caractère volontaire ;
- le tribunal a commis une erreur d'appréciation sur la motivation juridique du rappel dès lors que si la référence à l'article 1518 B du code général des impôts a permis de limiter le quantum de la pénalité, le caractère délibéré du manquement a été motivé au regard des dispositions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2017, la société en nom collectif (SNC) Lactalis Nestlé Ultra Frais Laval (LNUF Laval) conclut au rejet du recours et demande que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les moyens invoqués ne sont pas fondés ;
- le ministre méconnaît la doctrine administrative 13 N-1-07 n°82 du 19 février 2007 qui prévoit que la majoration est calculée sur les droits mis à la charge du contribuable et non sur des droits qui auraient pu lui être réclamés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Malingue,
- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société en nom collectif (SNC) Lactalis Nestlé Ultra Frais (LNUF) Laval, spécialisée dans la production industrielle de produits laitiers, a fait l'objet d'un contrôle fiscal diligenté par la direction des vérifications nationales et internationales portant sur les cotisations de taxe professionnelle dues au titre des années 2007 à 2009 pour son établissement situé à Changé, à l'issue duquel des rectifications portant sur la valeur locative des équipements et biens mobiliers lui ont été notifiées en conséquence de l'application des dispositions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts. Ces impositions, assorties des majorations pour manquement délibéré prévues à l'article 1729 du code général des impôts, ont été mises en recouvrement en avril 2012. Après le rejet, par décision du 18 avril 2014, de sa réclamation préalable, la société a sollicité auprès du tribunal administratif de Nantes la décharge de la majoration pour manquement délibéré qui lui a été infligée. Après avoir prononcé un non-lieu partiel à statuer à hauteur de 298 690 euros, ce tribunal a déchargé, par l'article 2 du jugement du 30 septembre 2016 dont le ministre relève appel, la société de la majoration pour manquement délibéré restant en litige et a rejeté le surplus de sa demande (article 3).
Sur les pénalités :
2. L'article 1729 du code général des impôts prévoit que : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que la pénalité pour manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir ce manquement, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt. Pour établir le caractère intentionnel du manquement du contribuable à son obligation déclarative, l'administration doit se placer au moment de la déclaration ou de la présentation de l'acte comportant l'indication des éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt.
3. Il résulte de la lettre n° 751 du 28 juin 2010 que les rectifications portant sur les cotisations de taxe professionnelle dues au titre des années 2007 à 2009 résultant de l'absence d'application de la règle du maintien du prix de revient initial prévue par les dispositions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts ont été assorties des pénalités pour manquement délibéré aux motifs, d'une part, d'une minoration, respectivement, de 41%, 48% et 39% des bases imposables et, d'autre part, de la volonté délibérée de minorer la base de taxe professionnelle alors qu'aucun changement n'est intervenu dans l'exploitation et l'utilisation des biens.
4. Il résulte des écritures produites en première instance que le ministre chargé des comptes publics, " renonçant à sanctionner l'insuffisance déclarative résultant du choix de ne pas appliquer les dispositions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts ", a limité les pénalités pour manquement délibéré restant à la charge de la SNC LNUF Laval à la majoration de 40 % correspondant aux suppléments de cotisation de taxe professionnelle résultant de l'application de la " valeur locative plancher " prévue par les dispositions de l'article 1518 B du code général des impôts. Toutefois, il est constant que les dispositions de l'article 1518 B du code général des impôts n'étaient pas applicables dès lors que celles du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts l'étaient. Par conséquent, les déclarations de la SNC LNUF Laval ne comportaient aucune inexactitude du fait de l'absence d'application des dispositions de l'article 1518 B du code général des impôts et la société ne peut donc être sanctionnée du fait de la méconnaissance de ses obligations déclaratives résultant de l'application de cet article. Par ailleurs, si la SNC LNUF Laval a méconnu ses obligations déclaratives résultant de l'application des dispositions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts, elle ne peut être sanctionnée, au titre du manquement délibéré, par une majoration dont le montant est dissocié des droits résultant de l'application de ces dispositions et calculé sur la base de droits éludés en vertu d'une disposition légale qui ne lui est pas applicable. Par suite, dès lors qu'elle a renoncé à sanctionner l'insuffisance déclarative correspondant à la règle du maintien du prix de revient initial, l'administration fiscale ne pouvait maintenir, pour sanctionner, selon ses termes, le défaut d'application de tout mécanisme correcteur, des majorations dans la limite du quantum calculé sur une base de droits éludés par l'application de la " valeur locative plancher ", dont la violation n'est pas avérée.
5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a prononcé la décharge des majorations pour manquement délibéré correspondant aux cotisations supplémentaires de taxe professionnelle dues au titre des années 2007 à 2009 restant en litige.
Sur les frais liés au litige :
6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la SNC LNUF Laval sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le recours du ministre de l'action et des comptes publics et les conclusions de la SNC LNUF Laval au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à la société en nom collectif Lactalis Nestlé Ultra Frais Laval.
Délibéré après l'audience du 13 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- Mme Malingue, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 octobre 2018.
Le rapporteur,
F. MalingueLe président,
F. Bataille
Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°17NT00207
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