Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 avril 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement ;
2°) de décider que sera remise à la charge de M. A... la somme totale de 1 438 euros, soit 1 102 euros de contribution sociale généralisée, 67 euros de contribution pour le remboursement de la dette sociale et 269 euros de prélèvement de solidarité, au titre de l'année 2016.
Il soutient que :
- à titre principal, le tribunal a fait une application erronée du règlement européen 883/2004 du 29 avril 2004 en ce qui concerne la contribution sociale généralisée, la contribution pour le remboursement de la dette sociale et le prélèvement de solidarité, en méconnaissant le principe d'unicité de législation sociale ;
- à titre subsidiaire, la contribution sociale généralisée et la contribution sociale généralisée à hauteur de 0,6 points étant affectées, au moins pour partie, à la branche maladie, maternité, invalidité et décès, et M. A... étant, en application des dispositions de l 'article 24 du règlement précité, à la charge des caisses de sécurité sociale française pour la couverture des prestations de maladie, de maternité et de paternité assimilées, son assujettissement à des impositions affectées à cette branche est justifié.
Un mémoire a été enregistré le 8 juin 2020, présenté sans avocat par M. A..., à qui il a été demandé, par un courrier du 9 juin 2020, de régulariser ses écritures et des mémoires ont été enregistrés les 18 juin 2020 et 26 juin 2020, également présentés par M. A... sans avocat.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;
- la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 ;
- l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le décret n° 2009-927 du 28 juillet 2009 ;
- l'arrêt n° C-623/13 du 26 février 2015 de la Cour de justice de l'Union européenne ;
- l'arrêt n° C-372/18 du 14 mars 2019 de la Cour de justice de l'Union européenne ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet,
- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., résidant en Allemagne, a réalisé une plus-value immobilière le 1er février 2016 lors de la vente d'un bien immobilier situé 28, rue de la Chapelle à Angers. A ce titre, il a été assujetti à la contribution sociale généralisée prévue par l'article 1600-0 C du code général des impôts au taux de 8,2 %, à la contribution pour le remboursement de la dette sociale prévue par l'article 1600-0 G du même code au taux de 0,5 %, au prélèvement social prévu par l'article 1600-0 F bis du même code au taux de 4,5 %, à la contribution additionnelle à ce prélèvement prévue au 2° de l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles au taux de 0,3 %, et au prélèvement de solidarité prévu par l'article 1600-0 S du code général des impôt au taux de 2 %. M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la restitution de ces prélèvements sociaux. Par un jugement du 12 décembre 2019, le tribunal a ordonné la restitution par l'Etat à M. A... des cotisations de contribution sociale généralisée, de contribution pour le remboursement de la dette sociale et de prélèvement de solidarité auxquelles il a été assujetti à raison de la plus-value immobilière qu'il a réalisée le 1er février 2016 (article 1er) et a rejeté le surplus des conclusions de la demande (article 2). Le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour d'annuler l'article 1er de ce jugement.
Sur la recevabilité des mémoires présentés par M. A... :
2. Aux termes de l'article R. 811-7 du code de justice administrative : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 774-8, les appels ainsi que les mémoires déposés devant la cour administrative d'appel doivent être présentés, à peine d'irrecevabilité, par l'un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2. (...) ". Il ressort des pièces du dossier que M. A... a présenté les 8 juin, 18 juin et 26 juin 2020 au greffe de la cour des mémoires sans avoir recours au mandataire prévu à l'article R. 811-7 du code de justice administrative, alors que cette obligation était mentionnée dans la notification du jugement attaqué. Il n'a pas donné suite à l'invitation qui lui a été faite le 9 juin 2020 par le greffe de la cour de régulariser ses écritures, qui doivent, en conséquence, être écartées des débats.
Sur le bien-fondé des impositions :
3. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 11 du règlement n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, reprenant le principe antérieurement posé par l'article 13 du règlement 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 : " 1. Les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu'à la législation d'un seul État membre. Cette législation est déterminée conformément au présent titre. (...) ". L'article 2 de ce règlement précise que : " 1. Le présent règlement s'applique aux ressortissants de l'un des États membres, aux apatrides et aux réfugiés résidant dans un État membre qui sont ou ont été soumis à la législation d'un ou de plusieurs États membres, ainsi qu'aux membres de leur famille et à leurs survivants. (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, et notamment de son arrêt du 26 février 2015, ministre de l'économie et des finances contre Gérard de Ruyter (C-623/13) rendu au vu du règlement précité du 14 juin 1971 mais transposable à celui du 29 avril 2004, tout d'abord, que la circonstance qu'un prélèvement soit qualifié d'impôt par une législation nationale n'exclut pas qu'il puisse être regardé comme relevant du champ d'application de ces règlements, y compris lorsqu'il est 'assis sur les revenus du patrimoine des personnes assujetties, indépendamment de l'exercice par ces dernières de toute activité professionnelle, ensuite, que l'élément déterminant aux fins de l'application de ces règlements réside dans le lien, direct et suffisamment pertinent, que doit présenter la disposition en cause avec les lois qui régissent les branches de sécurité sociale que ces règlements énumèrent, le critère déterminant étant celui de l'affectation spécifique d'une contribution au financement d'un régime de sécurité sociale. La Cour de justice de l'Union européenne a jugé, par ce même arrêt, au nom du principe d'unicité de législation sociale posé par l'article 11 du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, dont le corollaire est l'interdiction des doubles cotisations, qu'il n'était pas permis à un Etat membre d'assujettir à des prélèvements fiscaux, dans la mesure où ils financent des prestations de sécurité sociale, des contribuables affiliés à un régime de sécurité sociale dans un autre Etat membre.
4. Aux termes des paragraphes 2 et 3 de l'article 11 du règlement du 29 avril 2004 : " (...) 2. Pour l'application du présent titre, les personnes auxquelles est servie une prestation en espèces du fait ou à la suite de l'exercice de son activité salariée ou non salariée sont considérées comme exerçant cette activité. Cela ne s'applique pas aux pensions d'invalidité, de vieillesse ou de survivant, ni aux rentes pour accident du travail ou maladie professionnelle, ni aux prestations de maladie en espèces couvrant des soins à durée illimitée. / 3. Sous réserve des articles 12 à 16: / a) la personne qui exerce une activité salariée ou non salariée dans un Etat membre est soumise à la législation de cet Etat membre (...) / e) les personnes autres que celles visées aux points a) à d) sont soumises à la législation de l'Etat de résidence, sans préjudice d'autres dispositions du présent règlement qui leur garantissent des prestations en vertu de la législation d'un ou de plusieurs autres Etats membres (...) ". Toutes les pensions de retraite sont au nombre des " pensions de vieillesse " visées par le paragraphe 2 précité. Leurs bénéficiaires, lorsqu'ils n'entrent pas, par ailleurs, dans les cas visés aux points a) à d) du paragraphe 3 sont, dès lors, en application du e) de ce paragraphe, soumis à la législation de leur État de résidence sans préjudice, toutefois, des prestations que le règlement leur garantit en vertu de la législation d'un ou de plusieurs autres États membres.
5. Aux termes de l'article 16 du règlement du 29 avril 2004 : " (...) 2. La personne qui perçoit une pension ou des pensions en vertu de la législation d'un ou de plusieurs États membres et qui réside dans un autre État membre peut être exemptée, à sa demande, de l'application de la législation de ce dernier État, à condition qu'elle ne soit pas soumise à cette législation en raison de l'exercice d'une activité salariée ou non salariée. ".
6. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 24 du règlement du 29 avril 2004, situé dans le titre III relatif aux prestations de maladie, de maternité et de paternité assimilées : " La personne qui perçoit une pension ou des pensions en vertu de la législation d'un ou plusieurs Etats membres, et qui ne bénéficie pas des prestations en nature selon la législation de l'Etat membre de résidence, a toutefois droit, pour elle-même et pour les membres de sa famille, à de telles prestations, pour autant qu'elle y aurait droit selon la législation de l'Etat membre ou d'au moins un des Etats membres auxquels il incombe de servir une pension, si elle résidait dans l'Etat membre concerné. Les prestations en nature sont servies pour le compte de l'institution visée au paragraphe 2 par l'institution du lieu de résidence, comme si l'intéressé bénéficiait de la pension et des prestations en nature selon la législation de cet Etat membre ". Aux termes, par ailleurs, du paragraphe 1 de l'article 30 du même règlement : " L'institution d'un État membre qui applique une législation prévoyant des retenues de cotisations pour la couverture des prestations de maladie, de maternité et de paternité assimilées, ne peut procéder à l'appel et au recouvrement de ces cotisations, calculées selon la législation qu'elle applique, que dans la mesure où les dépenses liées aux prestations servies en vertu des articles 23 à 26 sont à la charge d'une institution dudit État membre ". Il en résulte que les personnes qui perçoivent une pensions de retraite en vertu de la législation française et résident dans un autre État membre selon la législation duquel elles ne bénéficient pas de prestations en nature peuvent bénéficier des prestations en nature auxquelles elles auraient droit si elles résidaient en France, ces prestations étant servies par l'institution de l'État membre où elles résident, selon la législation qui y est applicable, pour le compte et à la charge des caisses de sécurité sociale françaises. Ces personnes peuvent, par ailleurs, être soumises en France aux retenues de cotisations instituées pour la couverture des prestations de maladie, de maternité et de paternité assimilées en cause. Les personnes qui perçoivent une pensions de retraite en vertu de la législation française et résident dans un autre État membre doivent, lorsqu'elles contestent le principe de leur assujettissement à de tels prélèvements, justifier non seulement de ce qu'elles sont affiliées au régime de sécurité sociale de leur État de résidence mais aussi que c'est en vertu de la législation de cet État qu'elles bénéficient de leurs prestations et non pour le compte des caisses de sécurité sociale françaises.
7. Il est constant qu'à la date du fait générateur des impositions, M. A... percevait une pension de retraite en vertu de la législation française mais résidait en Allemagne. Faute d'entrer dans les cas visés aux points a) à d) du paragraphe 3 de l'article 11 du règlement du 29 avril 2004, M. A... était, ainsi, en principe, soumis à la législation de sécurité sociale de son État de résidence en application du e) du paragraphe 3 du même article. Il n'est ni établi ni même allégué que M. A... aurait demandé à être exempté de l'application de la législation de son État de résidence. Toutefois, la carte allemande d'assuré social " Gesundheitskarte aok ", au demeurant non datée et qui peut n'être qu'une simple carte d'identification auprès de l'assurance maladie allemande, ne suffit pas à établir que M. A... était affilié au régime de sécurité sociale allemand, alors que l'administration produit, pour sa part, une attestation de sécurité sociale française de la mutuelle générale de l'éducation nationale (MGEN) mentionnant l'ouverture, au bénéfice de l'intéressé, de droits depuis le 1er mai 2010 jusqu'au 26 octobre 2019. D'ailleurs, M. A... n'établit ni même n'allègue qu'il est susceptible d'être soumis à un risque de double cotisation. Ainsi, et à supposer même que les prélèvements restant en litige n'auraient pas pour objet la couverture des prestations de maladie, de maternité et de paternité assimilées, le ministre est fondé à soutenir que M. A... pouvait être assujetti en France aux cotisations de contribution sociale généralisée, de contribution pour le remboursement de la dette sociale et de prélèvement de solidarité à raison de la plus-value immobilière que ce dernier a réalisée le 1er février 2016.
8. Il résulte de tout ce qui précède, et dès lors qu'aucun moyen, dont la cour se trouverait saisie par l'effet dévolutif de l'appel, n'a été invoqué par M. A... devant le tribunal administratif ou la cour, que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a ordonné, dans son article 1er, la restitution par l'Etat à M. A... des cotisations de contribution sociale généralisée, de contribution pour le remboursement de la dette sociale et de prélèvement de solidarité auxquelles il a été assujetti à raison de la plus-value immobilière qu'il a réalisée le 1er février 2016. Par conséquent, le jugement attaqué doit, dans cette mesure, être annulé et il y a lieu de remettre à la charge de M. A... la somme totale de 1 438 euros, soit 1 102 euros de contribution sociale généralisée, 67 euros de contribution pour le remboursement de la dette sociale et 269 euros de prélèvement de solidarité, au titre de l'année 2016.
DECIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1704761 du 12 décembre 2019 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : Il est remis à la charge de M. A... la somme totale de 1 438 euros, soit 1 102 euros de contribution sociale généralisée, 67 euros de contribution pour le remboursement de la dette sociale et 269 euros de prélèvement de solidarité, au titre de l'année 2016.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 23 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 octobre 2021.
La rapporteure,
P. PicquetLe président,
F. Bataille
La greffière,
A. Marchais
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT01283
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