Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 mars et 7 décembre 2020, M. et Mme B..., représentés par Me Seiler, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande ;
2°) de prononcer cette décharge s'agissant de l'imposition résultant de la réintégration de la valeur locative du bien de Pléneuf-Val-André dans les bénéfices industriels et commerciaux ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que le tribunal saisi d'une demande de dégrèvement des pénalités pour manquement délibéré, y compris à raison de la réintégration de la valeur locative du bien de Pléneuf-Val-André, s'est abstenu d'y répondre ;
- la proposition de rectification était insuffisamment motivée dès lors que la méthode utilisée par le service pour évaluer le loyer était imprécise ;
- l'administration n'a pas apporté la preuve qui lui incombe qu'ils utilisaient à titre privatif la maison de Pléneuf-Val-André et elle ne peut pas imposer un loyer fictif correspondant à la valeur locative du bien, compte tenu des dispositions de l'article 155 du code général des impôts et de l'instruction administrative publiée au BOI-BIC-PDSTK-10-10-20 ;
- la pénalité de 40 % pour manquement délibéré n'est pas justifiée dès lors que l'intention d'éluder l'impôt ne peut être caractérisée, l'appréciation portée par l'administration étant erronée, celle-ci ayant fait une application inexacte de la loi fiscale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2020 et un mémoire enregistré le 22 mars 2021 qui n'a pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour de rejeter la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. L'administration a procédé à la vérification de comptabilité de M. B... concernant son activité de marchand de biens au titre des années 2013 à 2015. Des rectifications lui ont été notifiées par une proposition de rectification le 17 octobre 2016 et ont entraîné des rehaussements des bénéfices industriels et commerciaux de M. et Mme B... par une seconde proposition de rectification du même jour. La réclamation formée le 8 juin 2017 par les contribuables a été rejetée par l'administration le 18 décembre 2017. M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de leur accorder la décharge, en droits et pénalités, de la somme de 50 090 euros correspondant aux cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 à 2015. Par un jugement du 15 janvier 2020, le tribunal a prononcé cette décharge, uniquement en tant que l'imposition litigieuse résultait de la remise en cause du " dispositif Scellier " et a rejeté le surplus de la demande. Ils font appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté leur demande à fin de décharge de l'imposition résultant de la réintégration de la valeur locative du bien de Pléneuf-Val-André dans les bénéfices industriels et commerciaux.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des écritures de première instance que les requérants avaient demandé la décharge des pénalités prévues à l'article 1729 du code général des impôts s'agissant de l'absence de prise en compte de la valeur locative du bien situé à Pléneuf-Val-André. Les premiers juges, en se bornant à se prononcer sur le bien-fondé des impositions, ont omis de statuer sur ces conclusions. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé dans cette mesure. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme B... devant le tribunal administratif de Rennes, s'agissant des conclusions à fin de décharge des pénalités prévues à l'article 1729 du code général des impôts concernant de l'absence de prise en compte de la valeur locative du bien situé à Pléneuf-Val-André et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions présentées par M. et Mme B... devant le tribunal administratif de Rennes.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ".
4. La proposition de rectification du 17 octobre 2016 mentionne que le loyer de la maison occupée par M. et Mme B... " est calculé comme suit : - prix moyen de 8 euros au m2 constaté sur la commune de Pléneuf Val André par le site " Ouest France immo ", soit 130 m2 X 8 euros = 1 040 euros - évaluation forfaitaire de l'avantage de logement selon le barème présenté au BOI-BAREME-000002 : 179,40 euros par pièce principale, soit 5 pièces X 179,40 euros = 897 euros Soit un loyer mensuel de : (1040 + 897) / 2 = 968,5 euros. Il en résulte une rectification à hauteur de 11 622 euros au titre des exercices clos de 2013 à 2015 ". L'administration a ainsi appliqué deux méthodes d'évaluation du loyer et en a fait la moyenne. Concernant la première méthode, en s'appuyant sur une évaluation faite par le site " Ouest France immo ", l'administration n'a fait que prendre en compte des données générales du marché immobilier, sans avoir recours à la méthode dite " des comparables ". Dès lors la proposition de rectification n'avait pas à préciser des termes de comparaison. Les seules circonstances que, s'agissant de la seconde méthode, le service se soit abstenu de préciser les éléments de fait lui ayant permis de retenir telle ou telle fourchette de rémunération pour son application et n'ait pas justifié l'application de deux méthodes distinctes, pour en faire ensuite une moyenne, ne sauraient caractériser une motivation insuffisante de la proposition de rectification. Ainsi, le moyen tiré de ce que l'administration ayant méconnu les exigences prescrites par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, les rectifications en litige sont intervenues au terme d'une procédure irrégulière, doit être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
5. En premier lieu, dans le cadre de la vérification de comptabilité de l'activité de marchand de biens de M. B... portant sur les années 2013, 2014 et 2015, le service a relevé que, dans le cadre de son activité, M. B... a acquis en 2005 un terrain à bâtir situé à Pléneuf-Val-André, sur lequel une maison a été construite et achevée en 2008. Le terrain et les constructions ont été inscrits au bilan de son entreprise individuelle. Ayant constaté que les époux B... utilisaient ce bien à des fins privatives, par une proposition de rectification du 17 octobre 2016, le service a rehaussé les résultats déclarés à raison d'un acte anormal de gestion dans la mesure où M. B... aurait dû facturer un loyer représentatif de l'usage privatif du logement, ce qui a représenté une rectification de 11 622 euros au titre de chaque année en cause. Les requérants soutiennent qu'ils ont produit deux mandats de vente écrits et à durée indéterminée de la maison et que cette dernière n'avait donc pas vocation à être occupée par eux. Toutefois, concernant le premier mandat datant de 2008, l'agence contactée par le vérificateur en 2016 a déclaré que le bien en cause n'était plus en vente par ses soins et surtout qu'elle n'avait pas de souvenir récent du bien, ce qui n'est pas utilement contesté par les requérants. Concernant le second mandat déposé en 2011, il ne s'agit pas d'une preuve suffisante, dès lors qu'aucune visite n'a pu être justifiée et que l'agence a fermé en 2016. L'administration a également constaté qu'une annonce a été mise en ligne sur le site d'annonces immobilières " Le Bon Coin " le 27 septembre 2016, date qui coïncide avec la date d'envoi d'un courriel du service adressé à la comptable de M. B... afin qu'il soit justifié de la mise en vente du bien en cause. Les requérants, s'ils indiquent que la date de mise en ligne n'est pas pertinente dans la mesure où l'annonce doit être renouvelée tous les deux mois, ne démontrent pas avoir procédé antérieurement à d'autres mises en ligne de cette annonce sur le site " Le Bon Coin ". Enfin, une taxe d'habitation pour résidence secondaire a été adressée chaque année aux époux B... et ces derniers l'ont acquittée sans qu'aucune réclamation contentieuse n'ait été déposée pour contester le bien-fondé de cette imposition. Au vu de l'ensemble de ces éléments, l'administration apporte la preuve de l'absence d'intention de M. et Mme B... de vendre la maison en cause et donc de l'occupation privative du bien par les requérants. Les requérants n'établissent ni même n'allèguent qu'il y aurait eu une contrepartie à l'occupation de la maison. Ainsi, l'administration était fondée à constater un acte anormal de gestion.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises (...) ". Aux termes de l'article 155 du même code : " II.-1. Le bénéfice net mentionné à l'article 38 est : 1° Diminué du montant des produits qui ne proviennent pas de l'activité exercée à titre professionnel, à l'exclusion de ceux pris en compte pour la détermination de la plus-value ou moins-value de cession d'un élément d'actif immobilisé ou pour la détermination des résultats mentionnés au I ; ". La maison en cause est inscrite à l'actif de l'entreprise individuelle de M. B... de marchand de biens et, en ne procédant pas de manière active à la mise en vente de ce bien en stock, M. B... a privé son entreprise des recettes de la vente de cet immeuble, ce qui caractérise un acte anormal de gestion, alors même que la maison était affectée à l'habitation de l'exploitant.
7. En troisième et dernier lieu, les paragraphes 200 à 220 des commentaires administratifs publiés au bulletin officiel des impôts BIC-PDSTK-10-10-20 du 10 juin 2013, invoqués par les requérants sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ne comportent pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt.
Sur les pénalités pour manquement délibéré :
8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".
9. Pour justifier l'application des pénalités prévues au a de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration fiscale soutient que M. B... exerce une activité de marchand de biens dont l'objet est d'acheter et vendre des biens immobiliers et doit donc accomplir toutes les diligences nécessaires pour céder un bien inscrit en stock dans sa comptabilité et non le conserver à des fins personnelles, qu'il ne pouvait ignorer l'utilisation privative de la maison située à Pléneuf-Val-André sans qu'un loyer soit versé et a privé indûment son entreprise de recettes. Par ces éléments, l'administration fiscale établit le caractère délibéré du manquement et par suite le bien-fondé de la pénalité infligée à M. et Mme B....
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B..., d'une part, ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à la non-réintégration de la valeur locative du bien de Pléneuf-Val-André dans les bénéfices industriels et commerciaux, pour les cotisations, en droits, à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales au titre des années 2013 à 2015 et, d'autre part, ne sont pas fondés à demander la décharge des pénalités prévues à l'article 1729 du code général des impôts s'agissant de l'absence de prise en compte de la valeur locative du bien situé à Pléneuf-Val-André. Par voie de conséquence, les conclusions relatives aux frais liés au litige présentées par les requérants doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1801023 du 15 janvier 2020 du tribunal administratif de Rennes est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions présentées par M. et Mme B... à fin de décharge des pénalités prévues à l'article 1729 du code général des impôts s'agissant de l'absence de prise en compte de la valeur locative du bien situé à Pléneuf-Val-André.
Article 2 : La demande présentée par M. et Mme B... devant le tribunal administratif de Rennes tendant à la décharge des pénalités pour manquement délibéré s'agissant de l'absence de prise en compte de la valeur locative du bien situé à Pléneuf-Val-André ainsi que le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme B... sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 30 août 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 septembre 2021.
La rapporteure,
P. C...Le président,
F. Bataille
Le greffier,
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT00998
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